Les six plus gros diffuseurs de contenus en ligne, dont Google, Meta et Netflix, représenteraient 55% du trafic internet en Europe. Face à cette domination, la France, l’Italie et l’Espagne ont conjointement adressé un document à la Commission européenne pour l’inciter à légiférer sur le financement des réseaux de télécommunications dans l’Union européenne. Les gouvernements souhaitent que le coût d’amélioration des infrastructures réseau soit équitablement réparti entre les fournisseurs d’accès internet (FAI) et les géants du web. Cette prise de position suscite une levée de boucliers chez les défenseurs de la neutralité d’internet.

Le déploiement du réseau 5G très coûteux

Reuters a pu se procurer une copie du document lundi 1er août, dans lequel les trois pays appellent à une proposition de loi pour garantir que tous les acteurs du marché contribuent au coût des infrastructures numériques. C’est la première fois que les gouvernements se positionnent sur ce sujet. Une prise de parole précédée par un appel similaire de la part des treize plus gros opérateurs télécoms européens fin 2021. La Fédération française des télécoms, qui représente Orange, Bouygues et SFR, avait porté cette même vision au sein de l’hexagone début 2022.

La demande adressée à la Commission européenne met en avant les difficultés de financement des FAI pour le déploiement des réseaux 5G et de la fibre optique. Ces derniers ont du mal à déployer le réseau efficacement dans toutes les zones géographiques. D’après la Fédération française des télécoms, le déploiement de la 5G a coûté 52,5 milliards d’euros en 2020.

Une étude publiée par l’European Telecommunications Network Operators (ETNO), groupe de lobbying des opérateurs européens, explique (pdf) qu’une contribution annuelle de 20 milliards d’euros des géants de la tech pour le développement des réseaux apporteraient un boost à l’économie de l’Union européenne, entre 52 et 72 milliards d’euros.

Un partage du financement au prix de la neutralité du net ?

Les contenus les plus consommateurs de bande passante sont, sans surprises, les vidéos en haute définition. Un rapport de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) a placé Netflix à la tête du classement des sociétés qui génèrent le plus de trafic en 2021, suivi par Google avec YouTube, ainsi qu’Amazon avec Twitch. La démocratisation du streaming vidéo en 4K amplifie ce phénomène. Les politiques estiment donc que les GAFAM doivent contribuer au maintien et au développement des tuyaux par lesquelles ils passent.

Cette prise de position inquiète les défenseurs de la neutralité du net. Même si le document précise que toutes les propositions législatives doivent « garantir l’équitabilité entre les utilisateurs en accord avec les règles de neutralité d’internet », 34 associations de défenses des droits avaient signalé en juin le danger que représente le financement des réseaux de télécoms par les entreprises de la tech.

Les ONG expliquent notamment que « la loi de l’Union européenne en matière de neutralité du net permet à tous les Européens d’utiliser comme ils le souhaitent la bande passante qu’ils achètent à leur FAI ». Selon les associations, si une société comme Google venait à financer les infrastructures réseau, cela pourrait à terme contrevenir au principe de la diversité et du pluralisme des contenus médiatiques, à la liberté d’expression ou encore au droit d’accès à l’information en ligne.