Depuis l’annonce du changement de nom de Facebook en Meta, les marques prennent d’assaut le ou les métavers. Carrefour a acheté un terrain virtuel, le Vatican compte ouvrir un musée dans le métavers et même la ville de Séoul envisage de mettre au point son univers virtuel. Mais ces mondes sont encore loin d’être totalement au point et les équipements nécessaires pour y accéder ne sont pour le moment pas démocratisés.

Les professionnels du secteur restent confiants, persuadés que le Web3, avec le métavers et les NFT dans son sillage, représente le futur. Une position qui tend à se confirmer au regard de l’engouement de nombreuses marques pour ces technologies. Accompagner les professionnels qui souhaitent se lancer dans le métavers et les NFT, c’est justement le travail de Charles Fauchet, PDG d’HighCo Metaland. Siècle Digital l’a rencontré pour parler de la démocratisation du métavers et du WEB3, de ses enjeux et de ses tendances.

Siècle Digital : Avant de parler des tendances et de revenir rapidement aussi sur cette dénomination de poste, dénomination qui n’est pas très banale d’ailleurs, qu’est-ce que c’est exactement HighCo Venturi ? Est-ce que vous pouvez nous expliquer un peu ce qu’est cette entreprise ?

Charles Fauchet : Très brièvement, HighCo Venturi, c’est une startup studio. Donc, on va dire que c’est une startup qui crée des startups. C’est un peu l’ovni du groupe HighCo. Donc HighCo, c’est un groupe coté en bourse en France et qui est spécialiste de la transformation du commerce.

SD : En quoi c’est un ovni, en particulier ?

CF : On dit un peu que c’est un ovni dans le sens où, au lieu d’être une boîte classique qui construit un projet, un produit, c’est vraiment une startup qui crée des startups. Donc, Venturi, en fait, est en train de lancer plusieurs projets autour du web 3.0 notamment, et avant aussi, a lancé d’autres boites qu’on va mettre plutôt dans le web 2.0.

SD : Oui, c’est vrai que c’est original « Startup qui lance des startups ».

CF : Voilà !

SD : Donc, vous êtes chargé de projet métavers, CEO de Metaland. Alors déjà, ça veut dire quoi « en charge des projets métavers » ? En quoi ça consiste exactement, parce qu’actuellement, ce genre de poste n’est pas très répandu…

CF : C’est vrai, on en voit de plus en plus arriver sur LinkedIn, mais… Je peux peut-être pas parler pour toutes les entreprises, mais pour nous, on va dire, dans le cadre de HighCo Venturi, l’idée, c’est que HighCo Venturi est entré dans le métavers en 2022, en achetant son propre terrain et en créant ses propres NFT. L’idée, c’est de vraiment mettre un pied dedans, d’apprendre par nous-mêmes, pour ensuite accompagner les clients historiques du groupe HighCo et de nouveaux clients à entrer dans le métavers.

SD : Le terrain qui a été acheté, c’était sur quelle plateforme ?

CF : Il a été acheté sur une plateforme qui s’appelle Decentraland et donc, je vous invite à venir voir notre QG sur Decentraland.

SD : Comment on arrive à devenir chargé de projet métavers, puis CEO Metaland ? C’est encore émergent, le métavers, comme secteur. Le Web 3.0 en général, ce n’est pas non plus quelque chose qui est extrêmement connu, on va dire, de monsieur et madame tout le monde. Donc c’est étonnant de se dire qu’on peut travailler uniquement pour le métavers, dans le métavers. Comment vous en êtes venus à faire ça ?

CF : Déjà, j’habite en Asie, j’ai 31 ans et avant de me lancer avec HighCo sur cette aventure d’HighCo Metaland, je travaillais, en fait, dans l’e-sport et le gaming, donc les compétitions de jeux vidéo et de jeux vidéo.

SD : C’est différent ?

CF : Alors, c’est assez différent, mais il y a des rapprochements. Je vais tenter d’expliquer du mieux possible. Donc, j’ai monté une agence marketing autour de ces sujets qui aidait les marques à toucher de nouvelles audiences à travers des tournois, donc, des compétitions de jeux vidéo, des influenceurs gaming et des médias spécialisés. En parallèle de ça, en 2017, à titre personnel, j’ai commencé à m’intéresser à la blockchain, aux cryptomonnaies, et ensuite, plus tard, aux NFT. En 2020, j’ai pu voir comment les NFT allaient transformer l’industrie du jeu vidéo, tout simplement parce que les NFT permettent la possession de biens digitaux, et on le sait, dans les jeux vidéo, ces biens digitaux sont très présents. Donc, on va dire aussi que les deux autres tendances qui ont joué, c’est que les jeux vidéo commençaient à se transformer. On n’était plus uniquement dans de la consommation du jeu, on était aussi dans de la création, c’est-à-dire que des jeux devenaient de véritables plateformes où le joueur pouvait créer ses niveaux par lui-même, et où il se retrouvait avec d’autres utilisateurs pour jouer.

Donc, en fin de compte, il y avait une transformation. Le jeu vidéo devenait presque un réseau social. En parallèle de ça, on sait tous que les réseaux sociaux ont quand même un impact massif, je pense, dans la vie de tous les jours, mais notamment au niveau du commerce, c’est-à-dire qu’on utilisait les réseaux sociaux dans un premier temps pour communiquer sur nous, sur notre entreprise, mais au bout d’un moment, ça a été des vrais outils de business, on peut vendre directement dessus. Du coup, là, on a commencé à voir apparaître des plateformes métavers qui étaient, en fait, un mix de ces deux… On peut le voir un peu comme un mix de réseaux sociaux et de jeux vidéo. Donc, pour moi, ce cocktail détonnant est là où je devais aller pour la suite de ma carrière. Pour donner une petite data, on dit déjà que dès 2026, il y aura un Français sur quatre qui passera une heure par jour dans le métavers.

SD : Ce n’est quand même pas rien. Mine de rien, ça va aller vite au final, même si bon, on a encore un peu de temps. Faisons maintenant un petit point définition parce que, par exemple, sur le métavers, il y a encore beaucoup de discussions, si ce n’est de débats, sur la définition exacte du ou des métavers. Rien que ça, déjà, ça pose question.

CF : C’est vrai.

SD : Pour vous, qu’est-ce que c’est « le métavers », exactement ? Est-ce que, pareil, ça va utiliser uniquement la réalité augmentée, uniquement la réalité virtuelle, une réalité mixte peut-être ?

CF : Honnêtement, c’est une grande question. C’est une super question, et il y a des nuances intéressantes. Alors, je ne prétends pas avoir la définition qui mettra tout le monde d’accord, mais bien sûr, je peux donner ma vision, mais surtout, la vision de l’équipe d’HighCo VENTURI et d’HighCo Metaland dessus. Comme vous l’avez dit, on parle du métavers et des métavers. Donc, effectivement, le métavers, on peut dire qu’aujourd’hui, ça reste une vision. Dans l’idée, le métavers, c’est un ensemble de mondes virtuels connectés par Internet. Aujourd’hui, on n’en est pas encore là. Aujourd’hui, on est justement dans la première partie de cette définition, on va dire, dans la création de l’ensemble des mondes virtuels. Donc, là, on est en train de voir apparaître la création de plusieurs mondes virtuels.

Maintenant, comment on définit si un monde virtuel est un métavers ou pas, parce qu’effectivement on en a parlé un peu avant, les jeux vidéo peuvent être considérés comme un monde virtuel, ce qui voudrait dire qu’il y a déjà des tonnes de mondes virtuels. Du coup, nous, la manière dont on voit, dont définit un métavers, il faut qu’il y ait plusieurs critères. On va dire qu’il y a trois critères principaux. Le premier, ça va être que ce monde virtuel soit immersif et donc, ça, à juste titre, comme vous l’avez dit, ça peut être fait de différentes façons, dont par la 3D.

Donc, soit, à l’instar d’un jeu vidéo, via un écran dans un monde 3D, soit avec un casque de réalité virtuelle, où là, on va être propulsé dans un univers parallèle 3D, complètement fantaisiste, ou soit via des dispositifs de réalité augmentée, que ce soit votre smartphone ou des lunettes de réalité augmentée, où là, on va dire que c’est un peu le métavers qui vient à vous, où des éléments 3D vont se juxtaposer sur la réalité qui est devant vous. Donc, voilà, ça, c’est le premier point : le caractère immersif.

Deuxième point, ça va être la persistance. La persistance, ça veut dire que lorsque vous vous déconnectez de ce monde, il continue d’évoluer. Les choses se passent, c’est-à-dire que d’autres utilisateurs vont interagir avec, créer des choses, c’est-à-dire que quand vous allez arriver, il y aura potentiellement de nouvelles choses à faire, des nouvelles créations, des nouveaux espaces, des nouveaux bâtiments, des nouveaux objets. Le monde continue d’évoluer, même quand vous vous déconnectez. Ça, c’est le caractère persistant.

Enfin, le dernier, qui va être notamment appuyé par la blockchain, c’est la notion de propriété, la notion d’appartenance, c’est-à-dire que vous pouvez posséder les créations que vous ferez dans ce monde, soit des objets, soit des terrains. On va dire que dans la vision ultime du métavers, c’est le fait que ces mondes virtuels, après, soient interopérables, c’est-à-dire que je peux prendre un objet d’un monde et le transporter dans l’autre, et l’utiliser dans l’autre, et ça, ça va demander encore un peu de temps.

SD : Ça, c’est sûr. D’ailleurs Meta, qui est quand même l’ambassadeur médiatique du métavers, estime que tout sera réellement prêt et finalisé pour un métavers complet vers 2030. vous avez sorti des statistiques, déjà, des Français, des personnes dans les métavers, mais un métavers complet ne devrait arriver vraiment que vers 2030, à voir si ça n’arrivera pas plus tôt, mais c’est vrai qu’on a encore du temps. En quoi vous, dans votre entreprise, vous mettez en œuvre justement le métavers ? Comment tout fonctionne ?

CF : Alors, déjà, pour revenir un petit peu sur ce que vous disiez qui était très intéressant, je pense qu’il est intéressant de rappeler qu’il n’y aura peut-être pas vraiment de métavers complet. Je pense que c’est vraiment un processus évolutif. Honnêtement, je pense que Mark Zuckerberg dit ça dans le sens où il a une certaine vision du métavers qui demande effectivement le développement de plusieurs technologies qui ne sont pas encore totalement abouties. Donc, je pense que son estimation est basée là-dessus, mais le métavers, il ne va pas être publié comme une plateforme du jour au lendemain. Je pense qu’en fait, il est déjà présent, dès aujourd’hui, et il va évoluer, c’est-à-dire que les plateformes vont évoluer, de nouvelles plateformes vont arriver, elles vont petit à petit se connecter de plus en plus entre elles et là, on s’approchera de cet : « Il sera de plus en plus immersif et tout ça. »

Il y aura de nouvelles technologies pour créer plus d’immersion, et là, on arrivera à cette vision, mais en fin de compte, le métavers, il est déjà là et quelque chose, je pense, que j’aime bien rappeler, je pense que parfois, le nom en lui-même crée un petit peu de distance et fait un petit peu peur aux gens. « Métavers », c’est assez particulier, mais au final, on peut faire un parallèle avec Internet dans ses premiers jours, où c’était appelé, je traduis de l’anglais « la super autoroute de l’information ». C’est vrai que si on avait un nom comme ça aujourd’hui…

SD : Ça fait moins rêver.

CF : C’est un peu aberrant. Donc, voilà, je pense que le métavers, au final, va vraiment être une évolution d’Internet et il se peut, honnêtement, qu’au bout d’un moment, on n’utilise même plus ce terme.

SD : Ah oui ?

CF : C’est une prédiction, mais, c’est que je pense qu’on a besoin de mettre un mot sur ce changement. En théorie, c’est un processus très évolutif. Donc, pour rebondir sur votre question, pour nous, il a déjà commencé et il y a déjà beaucoup de cas d’usages hyper intéressants, de retours concrets de manières dont les entreprises peuvent utiliser le métavers avec des objectifs de branding, de créer du lien avec les consommateurs et aussi, bien évidemment, de business. Concrètement, la vision d’HighCo Metaland, enfin, la mission, je dirais, d’HighCo Metaland aujourd’hui, c’est d’aider les marques et les retailers à entrer dans le métavers.

Pour ce faire, notre objectif principal, c’est de casser, dans un premier temps, les barrières techniques, donc, les barrières liées à l’acquisition de terrain. Dans les métavers dits « décentralisés », on doit acheter un terrain pour pouvoir créer notre espace dessus, et donc, nous, en fait, on rend cette procédure aussi simple que d’acheter un nom de domaine.

Charles Fauchet, PDG d'HighCo Metaland

Pour Charles Fauchet , PDG d’HighCo Metaland, le terme de métavers disparaîtra lorsque ces univers virtuels seront réellement démocratisés. Photo : WellCom.

SD : Une sorte d’agence immobilière, quasiment ?

CF : Sur ce plan-là, oui, on pourrait faire la comparaison, c’est-à-dire qu’il y a cette notion, effectivement, d’immobilier dans le sens où il faut acheter son terrain. Même si on peut se téléporter dans le métavers, il y a quand même des choses à prendre en compte quand on achète son terrain : la taille de son terrain, à côté de quel autre terrain il est, où est-ce qu’il est ? Il y a certaines zones « à thèmes » dans les métavers. On peut en parler plus longuement après, mais par exemple, dans Decentraland, vous allez avoir toute une partie de la carte qui va être dédiée plus au monde de la mode, donc, c’est quelque chose d’intéressant à prendre en compte. Donc, pour acheter un terrain, en général, vous allez devoir faire en cryptomonnaie, donc il va falloir acquérir des cryptomonnaies. Les montants sont assez larges, il ne faut pas se tromper pendant les transactions, parce que vous pouvez perdre beaucoup.

Ensuite, une fois le terrain acquis, il faut le sécuriser. Il faut le sécuriser pour se protéger des hacks et d’autres problèmes internes potentiellement. Donc, nous, on va accompagner les entreprises sur cette acquisition de terrain, pour rendre la procédure aussi simple que d’acheter un nom de domaine et ensuite, on va les aider à le sécuriser, soit en le faisant pour eux, soit en leur apprenant à créer un dispositif de sécurité pour leurs biens digitaux. Une fois que le terrain est acquis, et c’est la phase, peut-être, la plus importante, la marque, et nous, nous allons l’aider à se concentrer sur : « développer sa présence dans le métavers, aller à la rencontre des consommateurs et donc, créer sa communauté. »

SD : Justement, en parlant de ça, qu’apportent le Métavers et le Web 3.0 en général ? Alors, le Web 3.0, on sera tous d’accord sur la définition : c’est un Internet un peu décentralisé lié aux technologies de la blockchain. Ce n’est pas comme le métavers, c’est plus consensuel.

CF : Voilà, c’est ça. La manière dont j’aime bien le présenter, le Web 3.0, très rapidement : Web 1.0, c’était, se connecter à l’information, on parcourait des sites web statiques. Web 2.0, c’est le moment où on a connecté les gens entre eux, avec les interactions, les réseaux sociaux, les commerces, les messageries, et le Web 3.0, c’est ce qui permet de connecter les gens, les objets et les lieux.

SD : Donc, la question, c’était : « Qu’apportent le métavers et le Web 3.0 aux retailers, justement ? »

CF : Honnêtement, comme le Web 2.0, ça transformait le commerce avec les réseaux sociaux et l’e-commerce. Donc, le web 3.0 et le métavers vont aussi créer, en fait, des nouveaux usages pour permettre aux marques de faire du branding, de créer du lien avec les consommateurs et du business. Si vous voulez, je vous propose de donner, peut-être, quelques cas concrets de retailers et de marques, parce que je pense, pour répondre à cette question, qu’il faut aussi dire que toutes les entreprises ne vont pas utiliser le métavers de la même manière, avec les mêmes objectifs, comme toutes entreprises aujourd’hui n’utilisent pas Internet et les réseaux sociaux de la même façon et avec les mêmes objectifs.

SD : C’est sûr.

CF : Du coup, on va prendre le cas de la mode, par exemple. On va dire qu’il y a un feat très évident dans le sens où dans le métavers, nous allons apparaître sous la forme d’un avatar, un avatar qui va être une représentation humaine en 3D, ou même fantaisiste. Et ça, c’est déjà une grosse différence parce que c’est vrai que quand on est sur les réseaux sociaux, on a juste notre photo de profil. Là, on a un avatar 3D qu’on va vouloir habiller.

SD : C’est mieux.

CF : C’est mieux. En général, les plateformes de base vous donnent bien sûr des éléments pour que vous ne soyez pas tout nu, et que vous puissiez commencer votre entrée dans le métavers, mais du coup, plus on passe de temps dans un lieu… On va dire, plus on passe du temps à socialiser avec d’autres utilisateurs de ce monde virtuel, naturellement, comme dans le monde réel, on va vouloir se distinguer. On parlait tout à l’heure de mon background dans le jeu vidéo, là où il y a un rapprochement évident, c’est que les jeux vidéo qui génèrent le plus d’argent, aujourd’hui, la plupart, c’est souvent ceux qui vendent justement ce qu’on appelle « des cosmétiques », « des skins » qui sont simplement un habillage du personnage qui ne vous procure aucun avantage dans le jeu.

SD : Comme Fortnite ?

CF : Voilà, exactement. Dans Fortnite, c’est purement pour le style. Ça ne va pas améliorer vos performances. Du coup, comment on peut expliquer ça quand vous avez des millions d’utilisateurs dans un monde virtuel, dans un jeu, et qu’il va y avoir aussi potentiellement, sur un temps limité, l’opportunité d’acheter, par exemple, je ne sais pas, un pull Gucci ou d’une autre marque. Donc, soit pendant un temps limité ou, soit pendant une quantité limitée, on peut imaginer que pour se distinguer dans ce monde virtuel, ça va être très agréable pour un utilisateur de mettre la main sur ce type de bien digital, donc, ce qu’on appelle « un wearable » qui est un habit digital pour son avatar.

Donc, là, les entreprises du monde de la mode vont pouvoir créer des vêtements virtuels. Là où c’est intéressant, ça ne vaut pas que pour la mode, ce qui est intéressant avec le métavers, c’est qu’on peut repousser les limites du réel. Une marque, là, peut créer des choses qu’elle ne pourrait pas créer dans la vraie vie. Ça n’a pas forcément besoin d’être des habits classiques. Je ne sais pas, ça peut être un t-shirt en feu ou des ailes d’ange…

SD : Créer de nouveaux produits donc.

CF : Exactement. Je ne suis pas directeur créatif, mais là, c’est l’idée de créer des nouveaux produits, et de créer un nouveau canal de revenus pour ces marques, un nouveau business model.

SD : Est-ce que ça va changer quelque chose pour vous dans la façon de toucher le public, ou au fond, est-ce que ça va ressembler assez à ce qu’on voit sur les réseaux sociaux ?

CF : C’est une très bonne question aussi. L’autre point important du métavers, c’est que vous allez pouvoir, en fait, construire ce qu’on appelle « une expérience » de tout un monde qui représente votre marque, qui va être immersif et en 3D. Donc, on n’est plus à lire à des posts, c’est-à-dire qu’au lieu de juste communiquer de l’information ou des visuels, là, vous pouvez emmener le joueur vraiment dans votre monde.

Par exemple, là, on peut citer ce qu’a fait Nike dans son monde Nikeland sur Roblox, ou Vans, Vans World, qui a recréé une sorte de skatepark qui est à l’image de sa marque, où les joueurs vont pouvoir jouer, ils vont pouvoir se rencontrer, discuter et ils vont pouvoir acheter des produits digitaux de Vans. Donc, ça amène à créer un lien totalement différent avec le consommateur. On l’emmène vraiment dans notre monde. Il va passer du temps dans notre espace. On va créer un lien qui est beaucoup plus fort qu’à travers des posts en 2D sur un réseau social.

SD : Oui, c’est sûr que l’immersion n’est pas la même.

CF : Exactement. Si tu veux peut-être un autre cas intéressant d’utilisation du métavers et qui n’est peut-être pas forcément évident au premier abord, mais, on a pu voir que même les chaînes de supermarchés y rentraient.

SD : Carrefour, notamment.

CF : Exactement. Vous mentionnez Carrefour avec leur projet NFBEE, et justement, je trouve que ce qui a été très malin, et je pense que c’est une, en tout cas, des bonnes manières de voir le métavers, ce n’est pas forcément de reproduire stricto sensu votre business model du monde réel, mais, c’est de faire quelque chose d’autre. Et là, Carrefour en l’occurrence, est parti sur un projet caritatif où ils vont créer un jeu dans la plateforme The Sandbox qui est basée sur la protection des abeilles. Donc, les détenteurs de ces NFT qui représentent des abeilles vont pouvoir participer à ce jeu, à cette expérience, et l’argent qui va dans ces NFT va être utilisé pour sauver les abeilles, c’est-à-dire que les marques peuvent se demander… Je pense qu’elles peuvent utiliser le métavers à travers tout leur écosystème, donc, pas uniquement lié aux produits qu’elles vendent, mais, elles peuvent vraiment avoir une réflexion sur : « Qu’est-ce qui est mon écosystème ? »

Alors, il y a les clients, il y a mes employés, il y a mes partenaires, il y a potentiellement les œuvres de charité, enfin, les organismes de charité avec qui elles travaillent, qu’elles soutiennent, les événements sportifs, culturels qu’elles soutiennent, les villes, potentiellement, dans lesquelles elles sont. Donc, il y a tout un tas de choses à faire pour utiliser le métavers autour de cet écosystème.

SD : Vous avez évoqué la mode, les supermarchés. Au niveau des tendances, justement, qu’on retrouve actuellement dans le métavers et liées au Web 3.0 en général, qu’est-ce que vous identifiez, lesquelles sont les plus grosses, de tendances, justement ?

CF : Alors, on peut citer quand même un exemple assez récent. Donc, pour revenir à la mode, il y a eu la première métavers Fashion week dans Decentraland, qui est vraiment la meilleure plateforme aujourd’hui, on va dire, pour organiser des événements dans le métavers. On avait plus de 70 marques présentes. C’était un événement sur quatre jours, avec plus de 165 000 wearables, dont on parlait, distribués, plus de 76 000 $ de ventes, et plus de 108 000 visiteurs durant ces quatre jours de Fashion Week. Donc, c’est un cas d’étude assez intéressant. Pareil, pour rebondir sur la notion d’événement, il y a une marque de vodka, je pense qu’on peut la citer, qui est Absolut. Absolut a créé son monde dans Decentraland et qui était en fait une expérience qui était liée à l’événement musical Coachella aux États-Unis, et où les utilisateurs pouvaient se donner rendez-vous dans AbsolutLand, danser avec leur avatar et écouter en exclusivité aussi la diffusion de l’album d’un artiste Suédois.

Donc, voilà, c’est hyper intéressant, et un autre cas d’usage dans cette expérience que j’ai trouvé très parlant et qui peut inspirer les marques à la manière d’un événement physique, Absolut a dit à ses visiteurs : « Prenez une photo de votre avatar dans AbsolutLand, dans le bâtiment AbsolutLand, » – Il y avait un petit endroit dédié pour prendre la photo – « et vous la partager sur notre Twitter, on tirera au sort des gagnants pour gagner des NFT et wearables à l’image de la marque ». Donc, là, on a une stratégie très intéressante.

SD : Je n’ai pas l’impression, d’après ce que vous dites, qu’il y ait de tendances ou de secteurs particuliers qui s’imposent vraiment en force dans le métavers. Il y a de la mode, il y a beaucoup de musées aussi qui commencent à s’implanter là-dedans. Il y a vraiment de tout, j’ai l’impression, mais il n’y a pas de chose qui s’impose particulièrement.

CF : Je suis assez d’accord avec ça. C’est vrai qu’on peut quand même dire que la mode a pris d’assaut, enfin, a pris les devants. Je pense, quand même, a pris les devants et avec pas mal de cas d’usages intéressants, beaucoup de marques y sont entrées. Cependant, aujourd’hui, tous types de marques et d’entreprises entrent et dans un sens, c’est assez logique, car on est sur une évolution d’Internet et aujourd’hui, il y a, à ma connaissance, très peu d’industries qui ne sont pas présentes sur Internet. Donc, c’est assez logique. C’est assez logique de voir tout ce spectre d’industries différentes qui entrent sur le métavers.

SD : Je pense aussi que vous serez d’accord avec ce qui suit, mais le métavers est indissociable d’autres éléments du Web 3.0, notamment des NFT et des monnaies numériques, non ? On ne pourra pas faire sans.

CF : On pourra difficilement faire sans. Après, quand même, on peut, pour les gens qui veulent commencer à mettre un pied dedans et découvrir un petit peu. Par exemple, sur la plateforme Decentraland, on peut s’y rendre sans avoir de cryptomonnaie, sans avoir de NFT, ni même, sans ce qu’on appelle « un wallet ». Le wallet qui est ce qui vous permet de voir toutes vos possessions digitales sur la blockchain. Donc, on peut interagir avec le monde virtuel, mais bien sûr, on ne pourra pas, du coup, posséder nos wearables ou nos NFT, on ne pourra pas avoir l’expérience complète. Donc, dans ce sens, et quand on en revient à notre définition du métavers, où il y avait trois caractéristiques, la dernière caractéristique était cette notion de propriété, donc, effectivement, elle est indissociable.

SD : Est-ce que vous ne trouvez pas que justement, cet aspect-là, de, si on veut vraiment profiter pleinement du métavers, participer à l’économie qui va se créer et qui se crée déjà dans le métavers, de devoir utiliser des NFT, des crypto, d’avoir un wallet, ce n’est pas un gros frein quand même au développement, à la démocratisation à terme du métavers parce que, déjà, le métavers en lui-même peut faire peur. C’est peut-être un frein en plus de dire : « En plus, il faut que je comprenne et que je maîtrise, peut-être, des cryptomonnaies, des NFT. »

CF : Cette question, elle est excellente et ce que j’aime bien dire là-dessus, c’est que c’est vrai quand on se dit : « Il faut que je crée un wallet, que je connecte mon wallet. », ça fait un peu peur. Mais en fait, il faut se replacer dans le contexte d’Internet et même du Web 1.0, enfin, même, on va dire, au Web 2.0. C’est qu’aujourd’hui, tout nous paraît simple parce qu’on a déjà fait toutes ces procédures. On a déjà créé un compte e-mail, on a déjà créé un compte Google, on a déjà créé un compte Facebook, ce qui nous permet de nous connecter à de nouveaux sites très rapidement avec le Google log-in, ou Facebook log-in, et tout ça. Mais en fait, créer un wallet, honnêtement, ça prend deux minutes, c’est très rapide et après, vous pouvez vous connecter à n’importe quel site Web 3.0 juste en un clic.

Votre wallet en général, ça va être une extension sur Chrome, qui va se déclencher quand un site a une fonctionnalité Web 3.0, et vous allez pouvoir, en un clic, vous connecter sans donner votre nom, votre adresse e-mail, vous vous enregistrez juste avec l’adresse de votre wallet. Et en fait, c’est très rapide. Une fois qu’on a fait ça, on se rend compte que c’est aussi simple que de faire un Google log-in. Donc, en fin de compte, là, la barrière à l’entrée est très faible.

SD : Donc, c’est plus quelque chose qui va venir, pas à marche forcée, mais, ça va se faire comme on l’a fait pour le web 1.0 ou le Web 2.0, quoi ?

CF : Exactement et en addition à ça, c’est vrai qu’on parlait plus tôt de ce concept du métavers qui est un terme un peu particulier. On parle beaucoup de NFT aujourd’hui parce qu’on est dans cette révolution, dans cette transition, mais je pense, encore une fois, que d’ici quelques années, on utilisera très peu le terme NFT, parce que ce sera uniquement la technologie qui sert à mettre un numéro de série, à donner cette notion de propriété à nos biens digitaux. Juste que des gens achèteront de la NFT sans s’en rendre compte, c’est-à-dire que les gens, aujourd’hui, utilisent Internet, envoient des e-mails sans penser à l’HTML ou au protocole HTTP, tout ça.

Pour aller même plus loin, alors, là, ça va peut-être paraître bizarre, mais ça fait un petit peu peur aussi, toutes ces lunettes de réalité augmentée, ces casques VR, mais quand je vois, moi, aujourd’hui, je ne vais pas sortir une data d’un site, mais quand je vois mes grands-parents utiliser un smartphone, je me dis que les grands-parents des générations futures, porter des lunettes de réalité augmentée ou un casque VR, ce sera rien de fou. Ce sera juste une suite logique.

SD : Donc, je suppose que vous êtes optimiste par rapport à l’adoption de ces technologies par les utilisateurs à l’avenir ?

CF : Oui, complètement.

SD : On va forcément y venir ?

CF : Complètement, et surtout quand même, je pense qu’il est bon de rappeler que le Web 3.0, on peut aussi l’appeler « l’économie de la propriété », et qu’elle vise en fait à vraiment redonner la propriété des biens digitaux et on va dire, du pouvoir à ses utilisateurs. Ça va vraiment dans le bon sens. Le but, c’est vraiment d’aller dans le sens des utilisateurs. C’est tout bénéfique pour eux d’y aller, donc, pour sûr, je suis très confiant, très optimiste, effectivement.