Génération de trafic, performance des campagnes média, optimisation du taux de conversion, paramétrage des outils de tracking… Le growth marketing voit les leviers d’acquisition dans leur ensemble, afin d’optimiser les parcours client. Lorsqu’un projet de replatforming survient, c’est encore trop rarement une expertise conviée autour de la table. Pourtant, son impact direct sur le business devrait en faire une étape obligatoire pour toute marque qui souhaite initier un projet.

À l’occasion de la sortie d’un livre blanc commun sur le mariage growth marketing et replatforming, Adeline Catusse, Head of Growth chez Emakina France, et Gary Roth, Director of Business Value Services, de Contentsquare, nous dévoilent les raisons d’une telle association.

Siècle Digital : On a parfois l’impression que l’on peut tout mettre derrière l’étiquette growth marketing. Est-ce vous pouvez nous donner votre définition, et comment cela peut s’intégrer avec un projet de replatforming ?

Adeline Catusse (Emakina) : Le growth marketing, c’est une nouvelle façon de penser les leviers d’acquisition et le marketing dans sa globalité. Il vient encore plus servir des objectifs business, avec le but de désiloter l’ensemble des décisions qui vont être prises.

Très concrètement, ça englobe SEO, média, social… Et le fait de mêler tous ces leviers pour construire des parcours multileviers. Le fait de mêler, d’agréger, de collecter la donnée de ces différents parcours pour penser à des parcours plus globaux dans un objectif d’aller chercher plus de chiffre d’affaires, c’est vraiment ce que touche le growth marketing. C’est également être capable d’avoir une vision transverse pour mieux piloter toute cette partie actions data marketing dans le but de servir les objectifs fixés.

En réalité, cette expertise est totalement liée aux projets de replatforming, parce que le rôle du site d’une marque a bien évolué. Avant, il fallait avoir un site, juste pour avoir un site, parce qu’il fallait faire du digital. Il n’est plus vu comme avant, comme une finalité d’un parcours. Jusque-là, on mettait en place beaucoup d’actions et on se disait : « ça va convertir sur le site ».

Aujourd’hui, ce n’est plus le cas car vous avez du social commerce, des campagnes menées autour de la donnée, sur du lead nurturing par exemple, des landing pages dédiées qui ne sont pas toujours indexées dans Google… Et finalement, on se rend compte que le site est devenu un point de contact dans un parcours qui est beaucoup plus complexe. Ça demande donc aux marques, quand elles font des replatforming, de réfléchir à la place du site dans le parcours et aux investissements qu’elles vont faire sur la technologie.

Gary Roth (Contentsquare) : Je pense que je ne vous surprendrai pas en vous disant que je suis totalement en phase avec ce qu’a dit Adeline, avec un complément sur sa première partie de réponse.

Les coûts d’acquisition online ont explosé, que ce soit en B2B ou en B2C. Ça fait, en moyenne, +60 % sur les trois à quatre dernières années. C’est énorme.

En parallèle de cette explosion des coûts, le stack technique pour faire de l’acquisition est de plus en plus complexe, avec de plus en plus de software à chaque étape. De la partie notoriété jusqu’à l’acquisition sur le site. Les marques doivent réussir à trouver comment jouer avec ces différents outils, les trouver au meilleur prix, pour le meilleur résultat.

Il y a aussi une explosion des canaux sur lesquels on met à contribution le growth marketing. Le marketing sur les médias traditionnels, il n’existe plus. Aujourd’hui c’est Google, c’est Facebook, c’est Instagram, c’est WhatsApp Business, c’est TikTok, c’est le social e-commerce, dont Adeline parlait. Cette démultiplication des canaux fait que non seulement il y a une complexité à gérer les outils, mais il y a aussi une complexité à gérer les canaux. Ce qui fait que les profils nécessaires pour mener ce genre d’activité sont des profils de plus en plus rares et de plus en plus sophistiqués en média.

Et en plus de ça, on rajoute une couche sur Google qui change ses règles régulièrement, on peut penser aux règles SEO, mais il ne faut pas oublier les règles autour des cookies, sans parler des organismes réglementaires qui renforcent les encadrements…

Donc dans ce monde-là, le growth marketing, je reprends exactement la définition d’Adeline, c’est comment vous faites pour avoir la meilleure acquisition, au meilleur prix, sur le meilleur canal, le plus rapidement possible, de façon soutenable, et ensuite faire convertir cela avec la meilleure expérience possible sur votre site.

Et dans son rapport avec le replatforming, un site, ça évolue parce que les clients évoluent, parce que votre offre a évolué, et parce que la technologie évolue très vite. Les marques veulent avoir la plateforme la plus stable techniquement, qui offre la meilleure expérience client possible, la plus adaptée, et idéalement la plus personnalisée, au meilleur coût. C’est un enjeu stratégique. Ce sont des projets qui sont directement sur l’agenda du CEO du fait de la ligne de dépense qu’ils représentent, de leur durée dans le temps, et du risque de faire baisser ses KPI voire de perdre des clients.

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SD : Le growth marketing s’oppose-t-il au growth hacking ?

AC (Emakina) : La réponse assez rapide : ils ne s’opposent pas, ils sont complémentaires. Le growth marketing est une manière de penser sur le long terme. Le growth hacking est une manière d’agir sur le court terme. Ils ont un point commun, c’est la façon de penser en étant tactique, malin, et en étant capable de tout désiloter.

Et un point d’ailleurs qu’on n’a pas ajouté avant sur ce qui est important quand on parle de growth marketing, c’est la place de la donnée utilisateur. Elle est prépondérante dans tout ce qu’on vient d’aborder.

Entre les cookies, où on n’a pas tous les consentements, Google Analytics 4… Il y a beaucoup de questions qui se posent. Le fait d’être capable d’avoir de la donnée propriétaire, c’est le nerf de la guerre pour prendre une avance concurrentielle sur le marché. Et le growth marketing doit aussi permettre ça : adresser des parcours mieux qualifiés, personnalisés, parce que la donnée utilisée m’appartient.

SD : Avez-vous constaté durant ou après la pandémie une augmentation des projets de replatforming ?

GR (Contentsquare) : Oui et non.

Comme l’a dit Adeline, avec l’accélération du digital, en deux ans de pandémie, on a fait un bond de dix ans sur la pénétration de la technologie, et surtout du e-commerce. De là à dire s’il y en a eu plus, il serait intéressant d’avoir des chiffres. Ce qu’on remarque en revanche, c’est une augmentation des niveaux de complexité et des budgets alloués.

AC (Emakina) : Si chez certaines marques la pandémie a amené du replatforming, chez d’autres, ça a plutôt amené un questionnement sur leurs leviers d’acquisition. Donc je dirais que c’est plutôt la place du growth marketing qui a évolué. Pour beaucoup, s’il y a eu replatforming, c’était pour rattraper un retard sur le digital, notamment pour des enseignes avec beaucoup de points de vente, mais un site peu développé.

Pour les autres, déjà bien en place, s’est plutôt posée la question d’optimiser les parcours, prendre du recul sur la donnée et préparer l’après.

SD : Dans un replatforming, il a beaucoup d’étapes, quelles sont selon vous les plus critiques ?

AC (Emakina) : Pour moi, c’est avant même de lancer le projet. C’est vraiment cette étape-là qui est hyper différenciante sur la qualité et les chances de succès du replatforming, et notamment sur le rôle accordé à la donnée. Trop de clients nous disent « on verra le SEO et la data après ».
Alors que si c’est pensé en amont, ça peut changer toute une structure, et réellement augmenter le business. L’étape cruciale, c’est, comment le replatforming est préparé, quels métiers sont impliqués, et quelle est la vision et les objectifs pour la marque.

GR (Contentsquare) : C’est vrai que vous seriez surpris du nombre de clients qui font des replatformings sans objectif. Et comme l’a dit Adeline, l’amont est crucial, en se posant les bonnes questions. Dans un monde idéal, il faudrait se dire : j’aimerais faire mon replatforming, d’abord pour garder les parcours qui performent bien aujourd’hui et les dupliquer sur d’autres parcours qui ne performent pas bien ; ensuite, pour passer mon taux de conversion pour tel segment de A à B. Ça demande aussi un exercice de création de tableau de bord pour suivre tout ça, avant et après replatforming.

AC : Également, en plus de métiers, je trouve qu’on a beaucoup à gagner d’intégrer les parties prenantes dans le projet, et c’est encore assez peu fait. Si déjà il faut désiloter l’interne, il y a aussi les silos avec l’externe. Par exemple les agences média, il y a des parcours qui viennent d’elles, qui renvoient par exemple vers des landing pages, et qui ont des données à fournir pour enrichir la prise de décision. Mais l’idée est la même pour les agences sociales, ou SEO. Ce qui prime, c’est la donnée utilisateur.

GR : Et j’ajouterai aussi une étape clé qui vient à la suite d’un replatforming. Observer les résultats à deux semaines, un mois… Préparer une équipe dédiée pour prioriser les correctifs dès la mise en production… Une fois qu’on est « live » c’est une autre étape qui commence.

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SD : Si on résume, les étapes les plus importantes sont en amont, et aval du replatforming, avec des enjeux techniques et business, et la nécessité d’intégrer la donnée utilisateur, et des parties prenantes ?

GR (Contentsquare) : C’est tout à fait ça, mais il y a un challenge encore plus gros derrière tout cela : l’excellence opérationnelle. Il faut réussir à aligner beaucoup d’équipes différentes sur un objectif commun. Réussir à créer une feuille de route claire, séquencer et prioriser un nombre d’actions presque infini. Réussir à mettre en place la bonne gouvernance et les bons mécanismes et traiter un nombre de problèmes toujours imprévisibles. Réussir à coordonner tout le monde, IT, design, tech, direction … avec les partenaires sélectionnés, que ce soit Salesforce, A/B Tasty, Algolia, etc. Avec parfois au milieu des consultants.

Donc au-delà des étapes à maîtriser, il y a la quête, tout le long du replatforming, de l’excellence opérationnelle. Ce n’est vraiment pas un projet trivial.

SD : Quelle place occupe le growth marketing dans un replatforming ?

AC (Emakina) : Ici, c’est évidemment lié aux étapes clés qu’on a évoquées précédemment, mais c’est aussi pendant le projet. Puisque le growth marketing touche à l’ensemble des leviers d’acquisition, pour un replatforming, on va par exemple s’intéresser à la façon dont le SEO est pensé et à la stratégie de contenu, donc ça aura un impact sur l’arborescence. Et ensuite ça soulèvera des questions sur ce qu’on va chercher à tracker et l’optimisation de la collecte de données… De là, on soulève encore d’autres questions notamment sur l’UX et le design, et comment les mettre à contribution pour penser un parcours avec des points de collecte stratégiques, pour nourrir le remarketing par la suite.

Pour l’après, il y a un double impact sur la partie growth marketing. Il faut s’assurer avec des outils, comme Contentsquare, que ce qui est en place fonctionne avec les parcours, qu’il n’y a pas d’abandon, et que les étapes clés sont respectées. Ensuite il faut rentrer dans une logique d’amélioration continue. Une fois qu’on a sorti notre nouvelle plateforme, comment on s’assure qu’on est dans une logique ou chaque mois, on a que des choses à apprendre ? Et c’est la vision qu’on porte aujourd’hui avec Gary.

En parallèle, je pense que les marques sont un peu saturées des tableaux de bord que des agences transmettent tous les mois en disant : le taux de rebond a augmenté de 2 %, cette page est dans le top dix des sessions et elle n’y était pas le mois dernier. Les annonceurs, ils s’en moquent. Ce qu’ils veulent, c’est plutôt des gens qui sont en mesure d’aller plus loin, créer des sessions record, ajouter des heatmaps, apporter des solutions plutôt que des problèmes. Plutôt que de dire que le taux de rebond a augmenté, identifier les leviers d’acquisition en cause avec une résolution.

Mais tout ça, ça ne se fait pas sans intégration du growth marketing, avec une collecte automatisée de la donnée et une lecture sous forme de tableau de bord et de KPI.

SD : Et côté Contentsquare, à quelles étapes vous intervenez ?

GR (Contentsquare) : Sans surprises, on intervient sur les trois grandes étapes. Avant même de commencer, ce qu’on peut faire c’est déjà utiliser la donnée pour identifier quels KPI une marque souhaite améliorer. Notre solution permet d’avoir un benchmark avec le reste de l’industrie au travers de ce qu’on a appelé nous le Contentsquare Digital Benchmark qu’on réalise tous les ans, et qui collectent des milliards de données par industrie pour l’aider à se positionner.

Toujours avant de commencer le projet, étant donné qu’on a une base de plus de mille clients et des partenaires extraordinaires comme Adeline, on peut aussi faire des ponts entre nos prospects et/ou nos clients et les bonnes personnes dans les bonnes entreprises pour gagner du temps et commencer la sélection des entités avec qui travailler.

Pré-replatforming, en utilisant la plateforme Contentsquare, on identifie les parcours qui performent le mieux de manière à s’assurer que ces parcours-là, on les garde. Par extension, on peut faire l’audit technique de la plateforme pour voir quelle est la baseline sur les erreurs API, sur les erreurs JavaScript, sur tous les autres bugs.

Au moment du pré-lancement, une fois que tout est codé, on peut utiliser de la data synthétique pour tester la nouvelle plateforme. On peut faire toutes les études de performances techniques, tout en identifiant les premiers bugs.

Au moment du lancement, les clients qui utilisent la plateforme Contentsquare, aussi bien sur les aspects UI, UX, que sur les aspects techniques, peuvent identifier, quantifier, prioriser, tous les jours, sous forme d’un rapport, toutes les actions à mener pour le lendemain, les envoyer au CTO et des équipes bien spécifiques.

Après, plus dans le temps, ça sert à créer des dashboard et améliorer au jour le jour l’interface, l’expérience utilisateur. L’usage est continu, avec de l’A/B testing, des connexions avec Salesforce…

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SD : Est-ce que la multiplication des points de contact avec la marque, avec plus de signaux faibles à identifier, devient un challenge pour le growth marketing, et pour les projets de refonte de plateforme ?

AC (Emakina) : Est-ce que ça devient un challenge ? Je pense que ça l’est déjà. Mais surtout, comment est-ce qu’on peut y répondre ? Ce n’est pas toujours facile. En France, je constate qu’on a encore du mal à agréger de la donnée 100% digitale pour des projets complexes. Si on vient mêler en plus des points de contact offline, on passe sur un autre niveau de complexité.

Mais je pense qu’il y a de beaux exemples. Comme aux États-Unis, le Nike Store où dans les rayons, en fonction de ce qui se passe sur le site e-commerce, l’approvisionnement change. On parle de vraies connexions off et online pour un parcours client.

En France, je pense que la première enseigne, qui va être capable d’apporter une expérience sans friction on et offline, se démarquera fortement de la concurrence. Mais on n’a malheureusement pas de cas concret. En tout cas, les signaux du besoin de la demande sont là. La maturité numérique, pour y arriver, il faudra encore un peu de temps.

GR (Contentsquare) : J’ajouterais que la marche du monde, c’est d’aller vers plus de personnalisation pour la navigation Internet, pour proposer la bonne expérience au bon moment, avec le bon contenu et les bons mots. Acheter en ligne un jean Levi’s, avec des photos de mannequins adaptés à mon profil client, c’est un premier exemple de ce qu’on doit retrouver.

Mais ça va demander d’une part une bonne collecte de la donnée, en respectant les règles de protection des données. Ensuite d’avoir les bons outils qui sauront leur donner du sens, plus les personnes pour les connecter à ceux déjà existants.

Donc la bonne voie, c’est d’aller prendre la donnée là où elle est, physique, digitale, ou chez les autres, et de les faire travailler. Et en plus, on a de la chance parce qu’on a toutes les techniques de machine learning qui sont en pleine explosion, et qui de plus en plus, arrivent à donner du sens à ces datas.

SD : En attendant cette nouvelle marche du monde, remarquez-vous des tendances croissantes dans les sujets liés au replatforming ? Voire une évolution dans la façon dont les marques abordent ces projets ?

GR (Contentsquare) : Effectivement, on remarque depuis quelque temps une tendance, qui fait écho à l’annonce de Google sur la fin des cookies tiers. Ça va demander aux entreprises de repenser leurs boîtes à outils. Les marques vont devoir faire parler leurs données contextualisées, mais ça va leur demander un gros travail pour les points de collecte.

D’autant qu’il y a une seconde approche autour des plateformes de consentement. S’il n’y a plus que 60% ou 70% du trafic qui est capté, il y a une part du visitorat à qui on ne peut pas parler. On ne connaît pas leur âge, ni leur genre, etc. Le taux de consentement doit devenir un KPI.

AC (Emakina) : Sur la donnée, on constate que des entreprises ont déjà beaucoup avancé avec, on va dire, une bible de la data client. D’autres sont très avancés sur la création de segments de population… Ceux-là vont être touchés, mais bien moins que les marques qui s’intéressent seulement maintenant à renforcer leur collecte.

On peut donc s’attendre à avoir des marques qui vont être très offensives, et d’autres plus passives, et comme on l’a répété, la donnée va avoir un impact énorme sur le growth marketing, et donc le business. Aujourd’hui, on peut très bien refuser les cookies, mais tellement apprécier l’expérience ou les contenus d’une marque, qu’on va la suivre sur les réseaux sociaux, ou laisser un email pour s’abonner à la newsletter.

Ça va soulever la question de la capacité de ces marques à croiser la donnée. Si une personne n’est pas cliente, ou n’est pas connectée, mais qu’elle nous suit sur Instagram, on doit être capable de savoir qui elle est, ce qu’elle aime, et remonter à elle. Demain, il faudra être dans l’excellence pour l’expérience de marque, pour être capable de l’engager, et de collecter de la donnée, pour arriver derrière à la retoucher.

Les marques qui ont une petite proposition de valeur, avec un site e-commerce qui n’est fait que pour vendre, sans passer par la case expérience, vont beaucoup souffrir de ces changements. Donc c’est une problématique qu’on voit plus régulièrement en replatforming.