La Commission européenne a dévoilé le 14 juillet une série d’engagements pris auprès d’elle par Amazon pour mettre un terme à deux enquêtes pour abus de position dominante. L’entreprise américaine espère ainsi éviter une lourde amende, malgré ses « désaccords avec plusieurs conclusions » de l’autorité de régulation du Vieux Continent.

Si Amazon ne tient pas parole, l’entreprise risque une amende pouvant aller jusqu’à 10% de son chiffre  d’affaires

C’est en 2020 que la Commission européenne a formalisé une procédure ouverte depuis un an contre le géant de l’e-commerce. L’institution soupçonne Amazon de profiter des données non publiques des vendeurs indépendants de sa « marketplace » pour que ses produits bénéficient d’un avantage concurrentiel sur sa plateforme. En parallèle elle a ouvert une seconde enquête sur deux services de l’entreprise, Buy Box, qui met en avant l’offre d’un vendeur et son programme Prime, une option payante destinée aux vendeurs tiers pour bénéficier des services logistiques d’Amazon.

En réponse à ces accusations et pour éviter une lourde amende, Amazon a promis de ne plus exploiter les données non publiques des vendeurs tiers, à savoir les conditions de vente, les revenus, les performances… Elles ne pourront plus être utilisées que ce soit par des outils automatisés ou les employés de la plateforme.

Sur le point Buy Box, Amazon s’engage à traiter équitablement tous les vendeurs dans sa sélection de produits mis en évidence et de proposer une offre concurrente avec une exposition similaire. Pour Prime, les conditions d’accès seront non discriminatoires, les bénéficiaires pourront librement sélectionner un autre transporteur et Amazon évitera d’exploiter les données de Prime pour favoriser son propre réseau logistique.

S’ils sont acceptés, l’entreprise devra tenir ses engagements durant cinq ans dans l’ensemble de l’Espace économique européen (pays de l’Union européenne plus l’Islande, la Norvège et le Liechtenstein). Seule l’Italie fera exception, son autorité antitrust ayant traité un sujet similaire auparavant.

Si la société d’e-commerce ne respecte pas ses engagements, elle encourt une amende de 10% de son chiffre d’affaires annuel mondial. Les parties intéressées sont appelées à donner leur avis sur les propositions exprimées jusqu’au 9 septembre 2022.

Amazon a déjà, par le passé, décidé de modifier ses pratiques pour éviter de sortir le porte-monnaie. Ce fut le cas en 2017, à l’occasion d’un conflit avec les éditeurs de livres électroniques, ou en 2019 sur les conditions de services pour les marchands tiers. Cependant, le Wall Street Journal perçoit une évolution dans l’attitude d’Amazon, notamment vis-à-vis de la gestion des données de tiers. Une concession de l’entreprise en prévision de l’entrée en application prochaine de Digital Markets Act (DMA), qui pourrait la contraindre à prendre de telles mesures dans les années qui suivent.

Faut-il croire à un « effet Bruxelles » ?

Le quotidien américain veut croire qu’Amazon pourrait étendre ses engagements au reste du monde. Un phénomène appelé « Brussels Effect ». Cette notion, popularisée par Anu Bradford, professeure à la Columbia Law Shool, renvoie à l’influence mondiale des réglementations européennes. Elle constate, par exemple, que de nombreuses entreprises américaines appliquent le RGPD, y compris aux États-Unis, par commodité.

Le doute est permis vu la réticence d’Amazon à prendre ses engagements auprès de la Commission européenne. Dans un communiqué relayé par Reuters l’entreprise a expliqué être en désaccord avec l’institution, mais se positionner dans une démarche constructive « pour répondre à leurs préoccupations et préserver notre capacité à servir les clients européens et les plus de 185 000 petites et moyennes entreprises européennes qui vendent par le biais de nos magasins ». Amazon en a profité pour adresser un tacle à l’arrivée prochaine du DMA au sein de l’UE. L’entreprise estime que ce règlement « cible injustement Amazon et quelques autres entreprises américaines ».

Preuve supplémentaire du peu d’entrain d’Amazon à appliquer ces mesures au-delà des frontières européennes, le jour de la publication des engagements pris, Bloomberg a révélé que l’entreprise finance un lobby opposé à une proposition de loi antitrust outre-Atlantique.

Ce groupe, The Competitiveness Coalition est particulièrement engagé contre l’American Innovation and Choice Online Act. Il s’agit de l’une des propositions de loi contre la domination des géants numériques les plus avancés dans le processus législatif américain. Elle vise, entre autres, à empêcher les grands groupes Tech de favoriser leurs propres produits sur la plateforme, l’objet de la procédure européenne actuelle. Amazon ne laissera pas filer sa position avantageuse si facilement.