Selon un récent rapport de ProPublica, Google aurait permis à RuTarget, une société de publicité russe pourtant sous le joug de sanctions internationales, de collecter des données sur ses utilisateurs pendant plusieurs mois. En période de guerre, les entités américaines ne sont pas censées faire des affaires avec les entreprises russes.

Malgré la guerre, Google a continué de collaborer avec RuTarget

Au lendemain de l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février, Mark Warner, président de la commission sénatoriale du renseignement aux États-Unis, a envoyé une lettre à Google pour l’avertir qu’il fallait se méfier de « l’exploitation de votre plateforme par la Russie et les entités liées à la Russie ». À l’époque, Warner avait demandé à Google de vérifier la conformité de ses activités publicitaires au regard des sanctions économiques. Quelques jours après le début de la guerre, les géants du web américains avaient pourtant bien assuré qu’ils couperaient leurs liens avec la Russie.

Le 23 juin, ProPublica découvrait que Google partageait encore les données (potentiellement sensibles en période de guerre) de ses utilisateurs avec une société publicitaire russe détenue par la plus grande banque d’État de Russie. En effet, Google a permis à RuTarget, une société russe qui aide les marques et les agences à acheter des publicités numériques, d’accéder et de stocker des données sur les personnes naviguant sur des sites web et des applications en Ukraine.

Pourtant, cette société avait bien été ajoutée à la liste des entités sanctionnées par le Trésor américain, et cela dès le 24 février. Le partage de données entre Google et RuTarget a cessé quatre mois après le début de l’invasion russe en Ukraine, le 23 juin. Le jour où ProPublica a contacté Google au sujet de cette activité suspecte. RuTarget appartient à la Sberbank, une banque d’État russe que le Trésor a décrite comme étant « d’une importance unique pour l’économie du pays ».

Les russes ont pu se servir des données pour suivre des ukrainiens

La collaboration entre Google et RuTarget signifie que des informations essentielles telles que les identifiants uniques des téléphones portables, les adresses IP, les informations de localisation et des détails sur les intérêts et l’activité en ligne des utilisateurs, ont pu être utilisées par l’armée et les services de renseignement russes. En effet, les russes ont pu s’en servir pour suivre des personnes ou repérer des lieux d’intérêt. En temps de guerre, toutes les données sont précieuses.

Selon Michael Aciman, porte-parole de Google, la société avait bloqué RuTarget pour l’empêcher d’utiliser ses produits publicitaires en mars. Il affirme que l’entreprise n’aurait pas acheté d’annonces directement depuis Google depuis cette date. Il a néanmoins reconnu que la société russe recevait encore des données sur ses utilisateurs. À présent, RuTarget ne peut plus accéder aux données des utilisateurs, ni même acheter des annonces par le biais de tiers en Russie qui pourraient ne pas être sanctionnés.

Pour Mark Warner, l’incapacité de Google à rompre sa relation avec RuTarget est alarmante. Il estime que « toutes les entreprises ont la responsabilité de s’assurer qu’elles ne contribuent pas à financer ou même à soutenir par inadvertance l’invasion de l’Ukraine par Vladimir Poutine. Apprendre qu’une entreprise américaine pourrait partager des données d’utilisateurs avec une entreprise russe – appartenant à une banque d’État sanctionnée, rien de moins – est alarmant et décevant ».