Un nouveau rapport suggère qu’une armée de trolls (environ un million de bots) traquerait les militants iraniens de #MeToo sur Instagram. Il pourrait s’agir d’une campagne coordonnée et orchestrée par des entreprises pakistanaises spécialisées dans le marketing sur les réseaux sociaux.

En Iran, les militants #MeToo se prennent un déluge de notifications

Les bots ont inondé les comptes Instagram des militantes féministes iraniennes, dans le cadre d’une campagne de harcèlement parfaitement coordonnée, qui aurait débuté mi-avril selon un nouveau rapport publié par Qurium, une organisation à but non lucratif spécialisée dans la cybersécurité. Tous les comptes visés par cette campagne sont liés au mouvement iranien #MeToo, qui s’est hissé au premier plan des conversations sur le web dans le pays en mars 2022. Le mouvement a submergé le pays après que plusieurs accusations d’agressions sexuelles dans l’industrie cinématographique iranienne aient fait les gros titres.

Selon les activistes du mouvement #MeToo, le déluge de notifications des bots leur complique la tâche. Les féministes ne peuvent plus répondre aux messages de leur véritable communauté. Les comptes Instagram des femmes concernées ont même été obligés de passer en privé. Selon Samaneh Savadi, militante iranienne pour l’égalité des sexes basée au Royaume-Uni, a déclaré que « nous sentons bien qu’il y a quelqu’un qui veut nous faire taire, et je ne peux pas m’empêcher de penser à : qui cela peut-il être ? Que veulent-ils vraiment faire ? Qui sont ces bots ? C’est ce sentiment d’un ennemi invisible. Quelqu’un veut m’attaquer, mais je ne peux pas le voir ni le nommer et je ne peux pas avoir de stratégie pour me défendre ».

La liberté d’expression menacée sur Instagram ?

Lorsque Samaneh Savadi a essayé de supprimer manuellement plus de 400 demandes de followers à la fois, Instagram a temporairement désactivé la fonctionnalité sur son compte, lui envoyant une notification qui disait : « nous limitons la fréquence à laquelle vous pouvez faire certaines choses sur Instagram pour protéger notre communauté ». Instagram est la seule grande plateforme mondiale de médias sociaux à laquelle il est actuellement possible d’accéder depuis l’Iran sans VPN. Voilà pourquoi les militants iraniens de #MeToo ont du mal à faire migrer leurs abonnés vers d’autres plateformes.

En quelques années, Instagram est devenue une plaque tournante pour les dissidents et les militants : un rare lieu en ligne pour critiquer le gouvernement iranien. Selon Tord Lundström, le directeur technique de Qurium, les bots continuent d’inonder les comptes des militants de demandes de followers même après qu’ils soient devenus privés, apparemment dans le but de les effrayer et de les intimider. Il estime que cette stratégie envoie un message clair aux militants #MeToo.

Juste après la publication du rapport de Qurium, le nombre de bots ciblant ces comptes a explosé. L’entreprise de cybersécurité a enregistré jusqu’à 80 000 nouvelles demandes de followers par compte et par jour. Article 19 et Access Now, deux associations qui militent pour la défense des droits de l’Homme, ont appelé Meta à faire plus pour protéger ces militants. Selon les deux ONG, « la libre expression du mouvement iranien #MeToo doit être protégée et Meta doit suivre ses propres politiques et se débarrasser de ces faux comptes qui attaquent et sapent l’expression de ces femmes défenseurs des droits humains ».