La Commission, le Conseil et le Parlement européen sont tombés d’accord le 29 juin sur une version commune du règlement TFR, ou Transfer of funds regulation. Ce texte est destiné à encadrer les transferts de fonds de crypto-actifs pour éviter les flux illicites. Un second texte, le Markets in Crypto-Assets (MiCA), est discuté ce 30 juin, pour réglementer cette fois les plateformes du secteur.

Lutter contre le blanchiment

Le TFR est présenté par le Parlement européen comme le « Premier règlement de l’UE afin de tracer les transferts de crypto-actifs, comme les bitcoins et les jetons de monnaie électronique ». Il doit servir à « Lutter contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et d’autres crimes ».

À la suite de l’accord provisoire sur une version du texte l’eurodéputé Assita Kanko, co-rapporteuse du texte pour la commission des libertés civiles à juger que « Pendant trop longtemps, les crypto-actifs sont passés sous le radar de nos autorités répressives […] Cela a réellement été néfaste pour la vie de nombreuses personnes et a suscité des inquiétudes à propos du secteur ».

Concrètement les crypto-actifs seront soumis à un cadre déjà en place dans la finance traditionnelle, la « règle du voyage ». Le règlement dispose que les informations sur la source due l’actif, par exemple d’un bitcoin, doivent être connus comme celle de son bénéficiaire, elles doivent « voyager » avec le flux financier.

Ce seront les Prestataire de services sur actifs numériques (PSAN), les acteurs tels que Binance ou Coinhouse, qui auront l’obligation de fournir, le cas échéant, les informations sur ce voyage aux autorités compétentes. Elles devront également s’assurer que le bénéficiaire ou la source du flux ne sont pas soumis à des sanctions ou autres mesures restrictives. Un registre de PSAN avec lesquels des acteurs européens ne pourront pas échanger sera mis en place.

L’eurodéputé Ernest Urtasun, co-rapporteur du texte pour la commission des affaires économiques et monétaires, a salué la « fin de l’ouest sauvage de la crypto non réglementée ». Dans une déclaration il estime que « La ‘règle de voyage’ de l’UE garantira non seulement que les prestataires de services sur crypto-actifs puissent empêcher et détecter les adresses sujettes à des sanctions, mais aussi que les transferts de crypto-actifs sont totalement traçables ».

Le secteur des crypto-actifs au mieux dubitatif

L’adoption du texte ne s’est pas concrétisée sans heurt. Le secteur des crypto-actifs, tout en reconnaissant la nécessité de lutter contre le blanchiment rejetait certaines versions du texte risquant d’instaurer « un vaste régime de surveillance financière à l’Europe, étouffera l’innovation et sapera les portefeuilles auto-hébergés que les particuliers utilisent pour protéger en toute sécurité leurs actifs numériques » selon un long billet de blog de la startup française Ledger, publié en mars.

Parmi les points d’achoppements, la possibilité de tracer les transferts de particuliers, ne passant pas par des PSAN, une possibilité ouverte par le Parlement en mars. Devant la levée de boucliers le règlement a été largement amendé : les portefeuilles privés non hébergés, seront suivis lors de leurs interactions avec des prestataires.

L’Union européenne procède étape par étape

Au cours des discussions en trilogue (Parlement, Conseil, Commission), une autre mesure discutée a été celle d’un seuil minimum déclenchant le traçage des opérations. Dans sa proposition initiale de juillet 2021, la Commission fixait ce seuil à 1 000 euros, à l’image du secteur traditionnel. Les eurodéputés ont obtenu la suppression d’un minimum, considérant les crypto-actifs trop volatiles et faciles à fractionner, donc pouvant facilement contourner le dispositif. Une inégalité et une disproportion aux yeux du milieu des actifs numériques qui n’auront pas obtenu gain de cause.

Les institutions européennes doivent désormais mettre en place les derniers détails techniques du texte avant son adoption définitive. Ernest Ustasun espère que « les autres juridictions suivront l’approche ambitieuse et rigoureuse sur laquelle les co-législateurs se sont accordés aujourd’hui ».

En attendant, les négociations en trilogue ont repris ce 30 juin pour le second texte de ce paquet législatif d’encadrement des crypto-actifs : MiCA. Un bel hommage pour le dernier jour de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, puisque ce texte est en partie basé et prolonge la loi Pacte, votée dans l’hexagone en 2019. Il oblige, entre autres, les prestataires à se signaler auprès des autorités de régulation des marchés financiers. Là aussi, les pierres d’achoppement ne manquent pas.