Chez les professionnels du livre, la campagne de la FNAC a d’ailleurs été accueillie avec une certaine circonspection. « Aujourd’hui nous proposons aux libraires ou aux bibliothèques d’enrichir leurs sites avec ce double savoir-faire : celui des algorithmes qui favorisent la découvrabilité du contenu et celui de la recommandation humaine », suggère Pierre Fremaux, fondateur de Babelio, un réseau social dédié aux lecteurs, pour le webmagazine spécialisé Actualitté, qui souligne aussi que « ces deux dimensions se complètent et se rejoignent plus souvent qu’il n’y paraît ».

Les perspectives de marché sont d’ailleurs particulièrement porteuses pour l’intelligence artificielle appliquée au marketing et à la relation-client. Selon Juniper Research, une agence de conseils en technologie, rien que les chatbots devraient permettre d’économiser plus de 2,5 milliards d’heures de travail d’ici 2023, notamment pour les tâches les plus basiques et ainsi réorienter les employés vers des tâches à plus haute valeur ajoutée. Un modèle gagnant-gagnant défendu par les défenseurs de l’intelligence artificielle, notamment dans les centres d’appels et l’ensemble des services dédiés à la relation-client, où ces solutions ont vocation à se généraliser.

Les points de vente physique veulent aussi suivre la tendance

Plus étonnant, la tendance se dessine aussi dans la vente physique, dont l’environnement peut sembler moins adapté au déploiement d’applications opérationnelles de solutions d’intelligence artificielle. Mais la crise sanitaire a joué un rôle de catalyseur et a ainsi très fortement accéléré la transition numérique des points de vente physique, dont beaucoup ont craint d’être submergés par la vente en ligne, à laquelle les consommateurs se sont bon gré mal gré acculturés. Au premier trimestre de l’année 2021, la fréquentation des magasins spécialisés en centre-ville avait en effet chuté de près de 75 % dans le secteur de la chaussure, de 68 % pour la beauté et la santé et d’environ 70 % dans l’habillement. Dans tous les domaines de l’IA, c’est plus précisément la vision par ordinateur qui gagne le satisfecit des commerçants.

Si elle demeure encore relativement anecdotique en France, la conversion des enseignes à la computer vision devrait s’accélérer dans les années à venir. Une étude dévoilée par Orange Business Service en 2020 affirmait ainsi que 30 % des commerçants souhaitaient se doter d’outils de computer vision dans l’année à venir. Pour les enseignes, l’objectif est de connaître les parcours effectués dans les rayons, le moment précis pendant lequel les clients choisissent leurs produits ou encore le réparage de produits finalement non achetés. Et, à terme, utiliser les données remontées pour comprendre les moteurs de la décision d’achat, adapter et personnaliser le parcours client. « Jusqu’ici la fréquentation des magasins et le parcours physique était moins identifiables faute d’indicateurs précis » affirme Virgile Dier, chef de produit marketing Intelligence Artificielle et Big Data chez Orange Business Services.

De plus en plus d’acteurs se positionnent d’ailleurs sur ce segment porteur. Aux Etats-Unis, Remark Holdings, un groupe coté au NASDAQ, a ainsi développé une suite complète de solutions d’intelligence artificielle, destinée à permettre aux directeurs de magasins une meilleure connaissance de leur clientèle, afin d’en améliorer l’expérience en magasin. Trois fois vainqueur du Championships in the the Visual Object Tracking de la Conference on Computer Vision, Remark Holdings promet une « IA facilement adaptable à tous les secteurs d’activité et configurable sur différents systèmes », selon les termes de son CEO Kai-Shing Tao. Cette approche complète les applications traditionnelles de la vision par ordinateur en magasin, la plus souvent centrée sur la lutte contre le vol ou le paiement automatique.

Décharger les employés de leurs tâches les plus répétitives

Autre champ d’application de l’intelligence artificielle directement utilisé dans les enseignes, le soutien opérationnel aux employés des magasins. A l’Intermarché d’Amiens par exemple, des caméras fixes, nourries de technologie de vision par ordinateur utilisant des méthodes de deep learning, ont été installées pour repérer les manques dans les rayonnages, les produits mal placés ou encore les problèmes de propreté. Des outils, dont les enseignements ont, à terme, vocation à être utilisés à tous les niveaux de direction. Les données collectées sont en effet, selon François Company de la start-up Belive, d’abord transmises « au manager qui dispose d’un certain nombre de KPI, mais également au top-management qui peut comparer les données de différents magasins ».

Toujours dans la grande distribution, Auchan s’est offert les services de la start-up Smartway, dont le rôle est d’optimiser le parcours des produits en fin de vie dans les quelque 350 magasins du réseau français. Un moyen, là encore, de décharger les employés du magasin de leurs tâches les plus répétitives. « C’est autant de temps qu’ils pourront consacrer à l’accueil du client. En détectant les dates courtes plus tôt, on redonne, aussi, du pouvoir d’achat au client, alors qu’avec un travail manuel, il était parfois trop tard pour vendre à prix réduit ou pour faire un don », explique Olivier Delpierre, directeur chargé des projets stratégiques d’Auchan Retail France, à La Tribune.