Après une vaste enquête initiée en juin 2021, la Competition and Markets Authority (CMA), agence britannique chargée de la concurrence sur les marchés, a publié un rapport sur le « duopole » exercé par Apple et Google dans le secteur des logiciels pour smartphones. Plusieurs enquêtes de marché devraient en découler.

Une mainmise sur les écosystèmes mobiles

Selon la CMA, « Apple et Google disposent d’un duopole effectif sur les écosystèmes mobiles qui leur permet d’exercer une mainmise sur ces marchés, qui comprennent les systèmes d’exploitation, les magasins d’applications et les navigateurs web sur les appareils mobiles ». Le régulateur estime que s’il n’agit pas, les deux géants technologiques vont renforcer encore davantage leur mainmise dans ces différents domaines. Dans un communiqué de presse, Andrea Coscelli, directeur général de la CMA, déclare :

« Lorsqu’il s’agit de la façon dont les gens utilisent les téléphones mobiles, Apple et Google ont toutes les cartes en main. Aussi bons que soient nombre de leurs services et produits, leur forte emprise sur les écosystèmes mobiles leur permet d’exclure leurs concurrents, ce qui freine le secteur technologique britannique et limite le choix.

Nous utilisons tous des navigateurs pour utiliser Internet sur nos téléphones, et les moteurs qui les font fonctionner ont une influence considérable sur ce que nous pouvons voir et faire. À l’heure actuelle, le choix dans ce domaine est très limité, ce qui a des conséquences réelles : cela empêche l’innovation et réduit la concurrence des applications web. Nous devons donner aux entreprises technologiques innovantes, dont beaucoup sont des start-ups ambitieuses, une chance équitable d’être compétitives ».

Monopole dans le secteur des navigateur web sur mobile

La CMA a identifié plusieurs secteurs dans lesquels il est impératif d’agir ; le premier est celui des navigateurs Internet. « 97 % de la navigation web mobile au Royaume-Uni en 2021 se fait sur des navigateurs utilisant le moteur de navigation d’Apple ou de Google », explique l’agence. Or, Apple interdit les alternatives à son propre moteur de navigation sur ses appareils mobiles, ce qui limite considérablement la possibilité pour les navigateurs concurrents de se différencier de Safari.

L’agence explique en outre que Google Chrome et Safari sont directement pré-installés sur quasiment tous les smartphones, ce qui relève de possibles pratiques anticoncurrentielles. Par ailleurs, « cette restriction entrave sérieusement les capacités des applications web – des applications qui s’exécutent sur un navigateur au lieu de devoir être téléchargées individuellement – privant ainsi les consommateurs et les entreprises de tous les avantages de cette technologie innovante ».

La CMA devrait donc lancer une enquête de marché sur le domaine des navigateurs web sur smartphone.

Un Google Pixel et un iPhone.

Un Google Pixel et un iPhone. Photographie : Daniel Romero / Unsplash

Le cloud gaming sur smartphone pris pour cible

​Elle envisage également de le faire dans le secteur du cloud gaming, notamment car elle estime qu’Apple multiplie les efforts afin d’empêcher ce domaine de croître sur smartphone, en bloquant l’émergence de services de cloud gaming sur l’App Store. D’après la CMA, les applications de jeux sont une source essentielle de revenus pour Apple et les services de cloud gaming pourraient constituer une réelle menace pour sa position dominante dans la distribution d’applications.

L’agence s’est ainsi entretenue avec plusieurs entreprises britanniques qui ont exprimé leurs préoccupations quant aux restrictions mises en place par la marque à la pomme. À travers son enquête, elle espère évaluer plus en détail les problèmes de concurrence identifiés à ce jour et décider des mesures à prendre. Enfin, la CMA va aussi enquêter sur les paiements in-app mis en place par la firme de Mountain View par rapport aux biens numériques.

Les enquêtes antitrust de plus en plus courantes

Sans surprise, les deux géants de la Silicon Valley restent sur leurs positions : leurs magasins d’applications et systèmes d’exploitation permettent une meilleure concurrence et sécurité pour les utilisateurs. Ainsi, Apple a déclaré ne pas être en accord avec certaines des conclusions de la CMA et qu’elle entendait travailler avec le régulateur britannique « pour expliquer comment notre approche favorise la concurrence et le choix, tout en garantissant que la vie privée et la sécurité des consommateurs sont toujours protégées ». De son côté, Google a expliqué avoir « réagi rapidement aux commentaires de la CMA dans le passé » et assure continuer à collaborer avec le régulateur.

Pour rappel, les enquêtes de marché peuvent déboucher sur des injonctions à modifier les pratiques, mais pas sur des amendes. Ces dernières annonces de la part du gouvernement britannique s’inscrivent dans une démarche de régulation bien plus stricte des géants technologiques, qui sont de plus en plus ciblés par les autorités. C’est notamment le cas outre-Atlantique mais surtout en Europe, où la législation va grandement se renforcer grâce au Digital Markets Act.