C’est la proposition de loi antitrust la plus avancée dans le processus législatif américain qui suscite le courroux d’Amazon, l’American Innovation and Choice Online Act (AICOA). Brian Huseman, vice-président des politiques publiques du géant du web a pris la plume le 1er juin pour critiquer le texte et « ses conséquences négatives involontaires pour les consommateurs et les petites entreprises américaines ».

Le texte antitrust le mieux placé au Congrès

L’AICOA vise à interdire aux plateformes en ligne de promouvoir leurs propres produits ou services sur leur site au détriment de ceux d’entreprises tierces. Concrètement, Amazon ne pourrait plus mettre en avant ses produits dans ses résultats de recherches ni ceux de vendeurs tiers du programme Fulfillment by Amazon, un échange de bon procédé qui permet à ces vendeurs de bénéficier de Prime et d’une position privilégiée dans les résultats.

Le texte a été adopté par la commission judiciaire de la Chambre des représentants en 2021, et celle du Sénat début 2022 par une coalition bipartisane. C’est au sein de la chambre haute du Congrès que les événements s’accélèrent puisqu’un vote en séance plénière doit être organisé d’ici l’été.

Une échéance qui éclaire la prise parole publique d’Amazon pour combattre un texte jugé « vague et indéfini ». Le principal grief, du leader mondial de l’e-commerce est le caractère inéquitable de cette loi. Les entreprises concernées par l’AICOA doivent répondre à un certain nombre de critères, parmi lesquels 50 millions d’utilisateurs mensuels actifs aux États-Unis, plus de 550 milliards de dollars de chiffres d’affaires ou de capitalisation boursière…

Les concurrents d’Amazon épargnés

Pour Brian Huseman l’intention des élus est limpide, viser les GAFAM et en particulier Amazon, seul détaillant des géants de la Tech américaine. Le vice-président estime que « S’il doit y avoir une législation, elle doit être appliquée de manière équitable ». Des distributeurs comme Walmart, Target ou Costco seraient effectivement épargnés par le texte.

Pour défendre l’entreprise de Seattle, Brian Huseman n’hésite pas à attaquer frontalement les promoteurs du texte à coups de sous-entendus peu subtils, « De même, Target, dont le siège social se trouve dans l’État du Minnesota, d’où vient la sénatrice Klobuchar, est exclu bien qu’il exploite lui aussi un marché en ligne pour les vendeurs ». Une pique similaire est adressée à David Cicilline, républicain et porteur du texte à la Chambre des représentants.

Amazon mobilise des arguments plus classiques. La nuisance commerciale pour ses 500 000 partenaires, petites entreprises et le 1,8 million d’emplois qui vont avec. Des amendes au montant « farfelues » qui déstabiliseraient l’entreprise elle-même et son million d’employés. La dégradation du service de livraison express Prime.

Ce dernier point a inquiété des sénateurs démocrates le mois dernier. Ils craignent que s’en prendre à un service populaire à l’approche des élections de mi-mandat, en novembre, soit contre-productif.

Un lobbying sur la place publique

Une idée largement soutenue par le lobbying intensif d’Amazon résumé par une affirmation de Brian Huseman sur cette proposition de loi mettant « en péril deux des choses que les consommateurs américains apprécient le plus chez Amazon : le vaste choix et les prix bas rendus possibles par l’ouverture de notre magasin à des partenaires de vente tiers, et la promesse d’une livraison rapide et gratuite grâce à Amazon Prime ».

La sénatrice Amy Klobuchar a proposé des amendements pour apaiser les doutes au sein de son camp. Sans surprise, ces modifications ont été jugées largement insuffisantes par Amazon. Pour Brian Huseman ils « ne répondent en rien aux préoccupations les plus sérieuses concernant le projet de loi ».

En signe de timide ouverture, Brian Huseman conclut en se réjouissant à l’idée « d’identifier et de traiter les préoccupations légitimes des législateurs » pour adapter la réglementation du « secteur hautement concurrentiel de la vente au détail ». Une collaboration avec un préalable, reconsidérer l’adoption de l’AICOA.

Un porte-parole de la sénatrice démocrate a répondu fraîchement à Brian Huseman par l’intermédiaire de The Register, « À qui faites-vous confiance ? Le plus grand détaillant en ligne d’Amérique, qui a déjà fait la preuve de son habitude d’escroquer les petites entreprises et de mentir sur l’impact de ce projet de loi, ou les petites entreprises elles-mêmes ? ». Les sénateurs ne semblent pas enclins à « reconsidérer » l’AICOA pour le moment.