Depuis le mois de mai, les licenciements se font de plus en plus nombreux dans le milieu de la tech. Layoffs.fyi, un site recensant les renvois dans les start-ups tech, rapporte presque 125 000 employés remerciés depuis l’arrivée du Covid-19. Il s’agit d’un signe du ralentissement de l’activité du secteur lié à la sortie progressive de la pandémie.

Le vent tourne dans le secteur de la tech

Il ne fait pas bon de travailler dans le milieu technologique ces derniers mois. Même certains géants du secteur comme Snap, Microsoft, Meta, Twitter encore Coinbase ont annoncé ralentir, voire geler leurs recrutements.

Début mai, Meta annonçait revoir son rythme d’embauche à la baisse afin de mieux contrôler ses dépenses. Depuis le premier trimestre, l’entreprise fait face à la plus faible croissance de son chiffre d’affaires : 27,9 milliards de dollars générés soit, une hausse de seulement 7 %. Un porte-parole de la maison mère de Facebook s’est exprimé sur le sujet : « nous réévaluons régulièrement nos besoins en talents, en fonction de nos besoins commerciaux et, à la lumière des prévisions de dépenses données pour cette période de résultats, nous ralentissons la croissance des recrutements. Cependant, nous continuerons à faire croître nos effectifs ».

Chez Microsoft, c’est la branche chargée du développement de Windows, de la suite Office et de l’application Teams qui est concernée. Le contexte économique instable pousse l’entreprise à réfléchir avant chaque nouvelle embauche au sein de la division. La personne recrutée devra être approuvée par le vice-président. « Microsoft va continuer de recruter dans l’année qui arrive, mais va davantage faire attention à l’attribution des ressources au sein de l’entreprise. Elle veut s’assurer que les bonnes personnes sont convenablement assignées aux bonnes opportunités », explique un porte-parole.

Pour Coinbase, le contexte économique est d’autant plus compliqué que le monde de la cryptomonnaie a été très brusquement secoué après l’effondrement du stablecoin TerraUSD. Dans un article de blog, Emilie Choi, présidente et chef des opérations de la plateforme d’échange, déclare revoir à la baisse les ambitions de sa société. « Au début de cette année, nous avions prévu de tripler la taille de l’entreprise. Compte tenu des conditions actuelles du marché, nous pensons qu’il est prudent de ralentir le recrutement et de réévaluer nos besoins en effectifs par rapport à nos objectifs commerciaux les plus prioritaires » a-t-elle détaillé.

Snap, la maison mère de Snapchat, a indiqué fin mai ralentir son processus de recrutement jusqu’à la fin de l’année. Le réseau social a dévoilé lors de ses résultats pour le premier trimestre 2022, ne pas avoir atteint les prévisions de ventes et de bénéfices espérées par Wall Street. Snap prévoit d’engager 500 nouveaux employés cette année, bien loin derrière les 2 000 recrues de l’année précédente.

Twitter a opté pour un traitement hybride de la situation. Plus tôt dans le mois, Parag Agrawal, directeur général de la plateforme, a renvoyé deux cadres travaillant dans le secteur des produits pour des raisons budgétaires avant d’arrêter temporairement ses recrutements. D’après Bloomberg, l’entreprise est également revenue sur certaines promesses d’emploi. Un homme résidant à Mexico, qui postulait pour le réseau social, a vu sa proposition d’embauche être annulée au dernier moment. Le rachat par Elon Musk n’est pas pour rien dans cette situation.

D’autres entreprises tech ont été plus radicales et ont procédé à des licenciements de masse. Mi-mai, Netflix annonçait le licenciement de 150 de ses employés après un premier trimestre 2022 catastrophique. Entre janvier et mars 2022, le géant du streaming a perdu environ 200 000 abonnés, une première depuis plus d’une décennie. Le motif avancé pour ces renvois est sa perte de croissance, « comme nous l’avons expliqué lors de la publication des résultats, le ralentissement de la croissance de nos revenus signifie que nous devons également ralentir la croissance de nos coûts en tant qu’entreprise. C’est pourquoi, malheureusement, nous nous séparons aujourd’hui d’environ 150 employés, principalement basés aux États-Unis ». Netflix avait également remercié 26 entrepreneurs s’occupant de Tudum, sa plateforme dédiée aux productions originales.

Plus récemment, PayPal a congédié plus de 80 employés de son siège situé à San José. À cela se sont ajoutées de nouvelles suppressions de postes dans trois villes américaines : Chicago, Omaha et Chandler. Ces dernières, prévues dans le plan stratégique de l’entreprise présenté en 2020, permettront au groupe d’économiser 260 millions de dollars par an.

Et les start-ups dans tout ça ?

Le site Layoffs.fyi, cité par Protocol, propose un outil participatif de suivi des renvois dans les startups dans le domaine de la tech. Il recense près de 100 start-ups ayant procédé à des licenciements depuis le début d’année, dont la moitié a eu lieu au cours du mois de mai. Les entreprises de FoodTech font partie de celles ayant procédé au renvoi du plus de personnes.

Gorillas et Getir, deux spécialistes de la livraison de courses ultra-rapides à domiciles, se sont implantées en France lors de la pandémie, profitant du contexte économique. Elles ont toutes les deux réalisé d’importantes levées de fonds, 1 milliard de dollars pour Gorillas, et se sont vite étendues. Pour continuer à prospérer, les deux start-ups vont devoir convaincre les investisseurs qu’elles peuvent être rentables. C’est dans cette optique qu’elles se sont séparées d’une partie de leur personnel. Gorillas a licencié près de 300 personnes dans le monde entier afin de se concentrer sur 5 marchés clés. Getir, quant à elle, s’est passée des services de 4480 personnes répartis sur les 9 marchés où elle offre ses services.

Du côté des FinTech, le suédois Klarna va licencier 500 personnes, soit 10% de ses effectifs. Sebastian Siemiatkowski, directeur général, a insisté sur le fait que les plans établis par Klarna l’année dernière ont été pensés dans « un monde très différent de celui d’aujourd’hui ». L’entreprise de paiement en ligne Bolt, a également dû procéder à une restructuration de ses équipes en supprimant plus de 100 postes afin de « sécuriser sa position financière » au sein d’un marché instable.

La liste des sociétés contraintes de licencier ses employés est loin d’être exhaustive, symbole d’un épuisement général du secteur. Dans un mail récupéré par TechCrunch, Y Combinator, une entreprise de financement de start-ups, conseille à ses fondateurs de « se préparer au pire » en vue d’un ralentissement économique.

« Ce ralentissement aura un impact disproportionné sur les entreprises internationales, les entreprises à fort volume d’actifs, les entreprises à faible marge, les entreprises hardtech et les autres entreprises ayant un taux d’absorption élevé et mettant du temps à générer un chiffre d’affaires », précise le mail.

Les entreprises de la tech se préparent aux conséquences d’une potentielle bulle post-pandémie.