Depuis le début de l’année 2022, le ministère chinois des Affaires étrangères et les entreprises de cybersécurité du pays dénoncent de plus en plus le cyber-espionnage américain présumé. Selon plusieurs experts en géopolitique, cette initiative pourrait constituer un changement stratégique pour Pékin, qui s’efforce de consolider sa position de superpuissance technologique.

Pour la première fois, la Chine accuse les États-Unis de cyber-espionnage

Cela fait au moins une dizaine d’années que le gouvernement américain fait la même chose. Les gouvernements successifs ont régulièrement accusé la Chine de cyber-espionnage. Plusieurs études ont montré que les pirates chinois auraient dérobé des téraoctets de données à des entreprises telles que des sociétés pharmaceutiques et des sociétés de jeux vidéo. Washington accuse également la Chine d’avoir compromis des serveurs et détourné des logiciels de piratage. Plusieurs hackers chinois ont par ailleurs été mis en examen au cours des dix dernières années.

Ce début d’année 2022 est marqué par un tournant dans la relation entre les États-Unis et la Chine. Pour la première fois, Pékin accuse les États-Unis de cyber-espionnage. Des allégations très rares jusqu’à présent. Toutefois, ces accusations étonnent les experts car elles reposent sur des détails techniques vieux de plusieurs années, qui sont déjà connus du public et qui ne contiennent vraisemblablement pas d’informations nouvelles. Pour Che Chang, analyste des cybermenaces au sein de la société de cybersécurité TeamT5, basée à Taïwan, « c’est une stratégie utile pour les campagnes de propagande de la Chine ».

Un changement stratégique pour Pékin ?

En effet, c’est l’avis partagé par de nombreux chercheurs qui estiment cette nouvelle stratégie de Pékin pourrait lui permettre de faire face aux différentes accusations de cyber-espionnage formulées par les États-Unis. Les accusations de la Chine suivent toutes un schéma très similaire. Première alerte : le 23 février, la société de sécurité chinoise Pangu Lab a publié des allégations selon lesquelles les hackers d’élite du groupe Equation (une équipe qui travaille pour la CIA) auraient utilisé une porte dérobée, baptisée Bvp47, pour surveiller 45 pays.

Quelques semaines plus tard, le Global Times, un journal qui fait partie des médias contrôlés par l’État chinois, a publié un rapport exclusif sur ce piratage. Dans la foulée, le même journal a publié un deuxième article exclusif sur un autre outil de la NSA : Nopen. Ce dernier aurait été découvert par le Centre national chinois d’intervention d’urgence contre les virus informatiques. Il est pourtant connu du monde entier depuis les révélations de WikiLeaks en 2009. Les publications s’accompagnent généralement de déclarations officielles de la part de Wang Wenbin, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.

Il a notamment déclaré que « la Chine est gravement préoccupée par les actions malveillantes et irresponsables du gouvernement américain. Nous demandons des explications à Washington et voulons que ces activités malveillantes cessent immédiatement ». Cependant, ni Pangu Labs ni Qihoo 360, deux entreprises qui figurent sur la liste des sanctions du gouvernement américain depuis 2020, n’ont pas répondu aux demandes de commentaires sur leurs recherches ou leur méthodologie. Un porte-parole de Pangu a simplement déclaré qu’il avait fallu « beaucoup de temps pour analyser les données ».