Les démocrates américains, dotés d’une très faible majorité au Sénat, ont du mal à porter leurs propositions de lois antitrust, même bipartisanes. Politico révèle qu’une partie d’entre eux envisage tout simplement d’abandonner un combat chronophage, avec un intérêt politique faible, à l’approche des middterms.

Le lobbying des géants numériques tourne à plein régime au Sénat

Chuck Schumer, chef de la majorité démocrate au Sénat, a prévu de faire voter en séance le mois prochain l’une des propositions de lois antitrust les plus avancées du Congrès américain. L’American Innovation and Choice Online Act, porté par la sénatrice progressiste Amy Klobuchar et le républicain Chuck Grassley, a été adoptée par la commission judiciaire du Sénat début 2022.

Ce texte prévoit d’empêcher les grandes entreprises numériques de privilégier, de mettre en avant, leurs produits sur leurs plateformes. Amazon ne pourra plus placer en tête des résultats de son site d’e-commerce ses appareils plutôt que ceux de ses concurrents.

Le texte, bien que voté en Commission par les deux partis, a suscité des doutes chez plusieurs sénateurs démocrates. Les élus de Californie en particulier s’étaient illustrés. Ils estimaient qu’il était injuste de cibler spécifiquement les entreprises numériques de la Silicon Valley.

Les critiques se seraient discrètement multipliées depuis la décision de Chuck Schumer. Selon le témoignage d’un assistant parlementaire démocrate à Politico, son groupe devrait revoir ses priorités, « Nous devrions nous concentrer sur les éléments qui aideront les consommateurs à faire face à la hausse des coûts ». Il ajoute, « Personne n’arrive à comprendre pourquoi ce serait une priorité ».

Un discours qui ne serait pas isolé dans les couloirs du Congrès. À cela s’ajoute la crainte de nuire au fonctionnement de produits très populaires tels qu’Amazon Prime ou Google docs. Des arguments très directement inspirés des lobbyistes mobilisés à coûts de dizaines de millions de dollars par les grandes entreprises numériques.

Le temps presse pour les démocrates

Dan Geldon, l’ancien chef de cabinet de la sénatrice Elizabeth Warren, figure de prou de la lutte antitrust contre les grandes entreprises du numérique s’est élevé contre les critiques formulées par certains représentants de son camp auprès de Politico, « l’idée qu’un projet de loi populaire et bipartisan comme celui-ci puisse nuire à l’un ou l’autre des candidats réélus ne passe pas le test de l’honnêteté. Les sondages sont incroyablement clairs à ce sujet ».

Au Sénat américain il y a autant d’élus démocrates que de républicain. C’est la vice-présidente Kamala Harris qui permet au camp progressiste de dominer la chambre d’une courte tête. Beaucoup craignent de voir cette faible majorité basculée en novembre 2022 lors des élections de mi-mandat. Si les républicains ont participé à un certain nombre de projets de loi antitrust, dont l’American Innovation and Choice Online Act, ils pourraient être tentés de voter des lois moins ambitieuses. Les démocrates espèrent voter leur texte d’ici l’été pour éviter ce risque. Encore faudra-t-il apaiser les doutes qui règnent dans leurs rangs.