Le Sénat se positionne sur l’utilisation de la reconnaissance faciale. Le 11 mai 2022, les sénateurs Marc-Philippe Daubresse, Arnaud de Belenet et Jérôme Durai, ont présenté un rapport dans lequel ils réclament la création d’un contrôleur européen de la fiabilité des algorithmes de reconnaissance faciale.

Le Sénat réclame un cadre européen pour l’utilisation de la reconnaissance faciale

Selon les membres du Sénat, il est urgent d’établir « un cadre autour du recours à la reconnaissance faciale dans l’espace public ». Les rapporteurs considèrent qu’il est indispensable de fixer dans la loi quatre interdictions applicables aux acteurs publics comme privés : l’interdiction de la notation sociale. Cette interdiction irait au-delà de celle proposée par la Commission européenne dans le règlement sur l’intelligence artificielle puisque cette dernière ne s’intéresse qu’aux acteurs publics. Selon les sénateurs, il est en effet nécessaire de protéger les consommateurs de méthodes commerciales intrusives et d’empêcher le recours à la notation sociale.

Ils proposent également l’interdiction de la catégorisation d’individus en fonction de l’origine ethnique, du sexe, ou de l’orientation sexuelle, sauf dans le cadre de la recherche scientifique et sous réserve de garanties appropriées. Troisième interdiction préconisée : celle de l’analyse d’émotions, sauf à des fins de santé ou de recherche scientifique et sous réserve de garanties appropriées. Enfin, ils plaident pour l’interdiction de la surveillance biométrique à distance en temps réel dans l’espace public, sauf exceptions très limitées au profit des forces de sécurité.

Selon le rapport du Sénat, il est primordial de poser trois principes généraux. Le principe de subsidiarité, le principe d’un contrôle humain systématique afin qu’il ne s’agisse que d’une aide à la décision et le principe de transparence pour que l’usage des technologies de reconnaissance biométrique ne se fasse pas à l’insu des personnes. Ils précisent qu’il est « indispensable de construire une réponse collective à l’utilisation des technologies de reconnaissance biométrique afin de ne pas être, dans les années à venir, dépassés par les développements industriels ».

Un projet qui rejoint celui de l’Artificial Intelligence Act

En effet, les usages de la reconnaissance faciale sont potentiellement illimités, même si, pour le moment, le droit français n’en autorise que quelque-uns dans des contextes bien précis. Pour renforcer la souveraineté de l’Europe, les sénateurs préconisent de confier à une autorité européenne « la mission d’évaluer la fiabilité des algorithmes de reconnaissance biométrique et certifier leur absence de biais ».

Les institutions européennes ont déjà fait un premier pas dans ce sens et n’iront pas à l’encontre de cette initiative du Sénat. En effet, il y a quelques mois, deux régulateurs européens (le CEPD et l’EDPB) ont demandé que la reconnaissance faciale soit interdite dans les lieux publics au sein de l’Union européenne.  Fin 2021, les eurodéputés ont également adopté un moratoire sur l’utilisation de la reconnaissance faciale par la police. Cette résolution a été adoptée le 6 octobre par le Parlement européen. Les eurodéputés réclament la définition d’un cadre juridique précis.

Par ailleurs, les négociations au sujet de la mise en place de l’Artificial Intelligence Act avancent et cette réglementation semble être une priorité pour Paris, qui tente de progresser autant que possible sur le sujet avant la fin de sa présidence.