Selon un récent rapport du Conseil national de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (le CNLE), les conséquences des réorganisations menées à l’occasion de la crise sanitaire sont désormais visibles. Les membres du CNLE pointent notamment du doigt l’extrême rapidité de la numérisation des services publics (85% de l’objectif sous l’ère Macron a été atteint).

Une numérisation trop rapide ?

Avec la crise sanitaire, les pouvoirs publics ont été obligés de se réorganiser et surtout de restreindre l’accueil physique des français, dans de nombreuses administrations. Pour faire face à cette situation, le gouvernement a notamment dû accélérer la numérisation de plusieurs démarches administratives. Selon le baromètre du Conseil national de lutte contre la pauvreté, cette stratégie aurait éloigné certains usagers, notamment ceux qui en ont le plus besoin, de services essentiels.

Les personnes précaires et démunies sont évidemment concernées au premier plan par cette exclusion due à la numérisation. Dans son rapport, le CNLE explique que « la dématérialisation, en effet, est synonyme d’une régression drastique des modalités d’accès aux services publics et surtout avec un accueil physique. Les groupes de travail du CNLE ont tous noté ces difficultés d’accès ». Les membres du Conseil donnent quelques exemples de fonctionnements au détriment des usagers : « sur le site de la CPAM, on ne peut rien modifier, il faut écrire sur une messagerie et ensuite répondre aux messages par voie postale, c’est une vraie perte de temps ».

Une crispation de la société

En parallèle de la publication du baromètre, le Conseil national de lutte contre la pauvreté a dévoilé un « suivi qualitatif » de la pauvreté qui permet d’appréhender les effets sociaux de la pandémie et les conséquences économiques de l’inflation brutale surgie au premier trimestre 2022. Entre octobre 2021 et février 2022, le CNLE a interrogé 128 acteurs de terrain dans la France entière (travailleurs sociaux, associations de lutte contre l’exclusion, gestionnaires de structures d’hébergement, d’ateliers et de chantiers d’insertion, réseaux bancaires), Pôle Emploi, etc. Les résultats montrent qu’ils s’accordent tous à constater « une montée de l’agressivité du public ».

Ils font part d’une une crispation de la société, qu’ils relient, selon le baromètre du CNLE, aux « difficultés d’accès aux droits, de dialogue avec l’administration, à l’absence d’interlocuteurs à même d’entendre leurs difficultés ». La numérisation est donc directement pointée du doigt. Une récente étude de l’Insee publiée le 11 mai 2022 confirme que « 32% des adultes, mais 53% des personnes défavorisées, ont renoncé à effectuer une démarche administrative en ligne (demande de logement social, de place en crèche et surtout de prestation sociale, en raison de sa complexité ».