La date du 12 mai 2022 est à marquer au fer rouge dans l’histoire de l’étude du cosmos. Des astronomes ont en effet révélé la toute première image de Sagittarius A*, le trou noir supermassif qui se trouve au centre de notre galaxie, la Voie lactée.

Une prouesse scientifique

Cette image historique est le fruit d’un travail astronomique de cinq ans. Plus de 300 chercheurs venus du monde entier ont ainsi collaboré pour récolter les données nécessaires à la création de l’image. Ils ont eu accès à ses données grâce à un réseau planétaire de radiotélescopes situés aux quatre coins du monde et baptisé Event Horizon Telescope (EHT).

L’image a été révélée lors de six conférences de presse simultanées, et nous donne un aperçu du monstre se trouvant au centre de notre galaxie, à 27 000 années-lumière de la Terre. Comme l’ont expliqué les scientifiques lors de leur conférence, cela équivaut à observer un objet de la taille d’un croissant à la surface de la Lune, depuis la Terre.

Bien sûr l’image ne montre pas le trou noir en lui-même ; aucune lumière ne peut s’en échapper, le rendant invisible. Plutôt, l’EHT est capable de voir la lumière sous forme d’ondes radio et a ainsi pu capturer ces ondes provenant de gaz chauds tourbillonnant autour du bord de l’horizon des événements, l’endroit de non-retour à partir duquel plus rien ne peut s’échapper du trou noir. Ce dernier se nourrit de la matière présente dans son environnement immédiat, qu’il s’agisse de nuages de gaz, d’astéroïdes ou même d’étoiles qui pourraient s’approcher trop près et être déchirées par ses forces gravitationnelles.

Le gaz, la poussière, ou encore les étoiles déchiquetées qui tombent dans un trou noir sont ainsi chauffés à des millions de degrés dans un courant tourbillonant de champs électromagnétiques ; une partie de cette matière tombe dans le trou noir, mais une autre est éjectée par d’énormes pressions et champs magnétiques.

Ce n’est pas la première image d’un trou noir

Aussi extraordinaire soit-elle, cette image n’est pas la première image d’un trou noir. En 2019, l’EHT a en effet pu capturer un visuel de M87*, trou noir supermassif logé au centre de la galaxie M87. Néanmoins, l’image de Sagittarius A*, bien que celui-ci se trouve nettement plus près de nous que M87*, a été plus compliquée à obtenir.

Cela s’explique par le fait que le gaz entourant Sagittarius A* complète une orbite en quelques minutes seulement, contre des jours ou des semaines pour le gaz orbitant autour de M87*, beaucoup plus grand, ce qui entraîne un changement rapide de la luminosité et de la configuration du gaz, précise le MIT Technology Review. L’équipe de chercheurs a comparé la capture de ce phénomène à « la tentative de prendre une photo claire d’un chiot qui poursuit rapidement sa queue ».

Car, si les deux trous noirs observés sont supermassifs, ils ne font absolument pas la même taille. Sagittarius A* mesure environ l’orbite de Mercure autour du Soleil, et sa masse équivaut à 4 millions de fois celle de notre étoile. M87*, lui, équivaut à 6,5 milliards de masses solaires. Pour comparer les deux trous noirs, une chercheuse du groupement a affirmé durant la conférence de presse que si Sagittarius A* était un doughnut, M87* ferait la taille d’un stade de foot comme l’Allianz Arena de Munich.

La première image d'un trou noir, datant de 2019.

L’image du trou noir supermassif M87*, capturée en 2019, montrant un monstre dont la masse équivaut à 4,5 milliards de fois celle du Soleil. Image : EHT Collaboration

La relativité générale d’Einstein se confirme une fois de plus

D’un point de vue scientifique, l’annonce des chercheurs est fabuleuse. L’existence des trous noirs a été prédite par des calculs d’Albert Einstein dans sa théorie de la relativité générale. Cette dernière a décrit une nouvelle conception du cosmos dans lequel l’espace-temps peut frémir, se plier, se déchirer, se dilater, tourbillonner et même disparaître à jamais dans un trou noir, un objet dont la gravité est si forte que rien, ni même la lumière, ne peut s’en échapper.

Cette théorie paraissait tellement folle à Einstein qu’il n’y croyait pas et était persuadé d’avoir fait une erreur. Désormais, deux d’entre eux ont été immortalisés au centre de galaxies ; cela donne raison aux calculs du savant, et confirme également la thèse des scientifiques, qui estiment que quasiment toutes les galaxies abritent en leur centre un trou noir supermassif. Par ailleurs, si l’existence de Sagittarius A* était supposée, avec de nombreuses preuves à l’appui, par les chercheurs ; elle est désormais confirmée.

Les astronomes ont également été frappés par la ressemblance entre les deux trous noirs, qui se trouvent pourtant au milieu de deux galaxies complètement différentes, en taille et en forme. Pour rappel, il existe de nombreux trous noirs au sein de la Voie lactée, mais ils sont souvent les vestiges d’étoiles mortes qui se sont effondrées sur elle-même. Les trous noirs supermassifs, eux, sont des objets incroyablement plus immenses, à tel point que les scientifiques ignorent comment ils ont pu atteindre cette taille.

Il nous reste encore de nombreuses énigmes à élucider à propos de ces astres fascinants, notamment la manière dont ils se forment, et pourquoi ils se trouvent au centre des galaxies, entraînant les étoiles qui composent cette dernière à orbiter autour (oui, le Soleil orbite autour de Sagittarius A* comme la Terre orbite autour du Soleil). Grâce à l’Event Horizon Telescope, il est certain que les années à venir s’annoncent riches en découvertes à propos des objets les plus énigmatiques de l’Univers.