Dans un document déposé auprès de la Securities and Exchange Commission le 4 mai, dévoilé par la presse américaine le lendemain, Elon Musk informe qu’il va récupérer 7,14 milliards de dollars auprès de 18 investisseurs, pour acquérir Twitter. Ces financiers aux profils variés vont permettre au milliardaire de réduire son risque personnel dans cette opération à 44 milliards de dollars.

Merci les amis !

Les grandes sociétés de capital-risque ont plutôt évité de mettre la main à la poche pour soutenir Elon Musk. L’affaire est inhabituelle pour elles, connues pour acheter des sociétés plus jeunes – Twitter a été créé en 2006 – pour les remettre sur le marché ensuite. Les atermoiements et l’improvisation apparente de l’opération n’ont pas aidé. Le projet se résumant essentiellement à la liberté d’expression et au départ de Wall Street.

Le milliardaire a dû donner quelques gages pour convaincre cette multitude de grands investisseurs. Selon le New York Times, il ambitionne de doubler le nombre d’utilisateurs de Twitter d’ici 2025, pour atteindre 500 millions d’usagers. De même pour les revenus de la plateforme sur la même période. Il a également promis d’attirer des dizaines de millions d’abonnés payants sur le service, un rendement intéressant et remettre la société sur le marché d’ici trois ans. Il prendra lui-même la direction générale de la société durant un temps.

Des arguments manifestement convaincants, en premier lieu pour les amis ou alliés de Musk. Larry Ellison, cofondateur d’Oracle et membre du Conseil d’administration de Tesla, a accepté de mettre un milliard de dollars sur la table. Le gestionnaire d’actifs Fidelity Management & Research, investisseur historique de Tesla et SpaceX, contribue à hauteur de 375 millions de dollars. Une somme en réalité plutôt faible puisqu’il gère des centaines de milliards de dollars. Bamco, fondé par Ron Baron, un investisseur de premier plan de Tesla a mis 100 millions de dollars.

Les valeurs à géométrie variable d’Elon Musk

Viennent ensuite des profils plus inattendus. C’est le cas d’acteurs du Web3, souvent moqués publiquement par Jack Dorsey, cofondateur de Twitter, parfois suivis par son nouveau copain Musk. La plateforme d’échange Binance a consenti un investissement de 500 millions de dollars, qualifié par son fondateur Changpeng Zao de « petite contribution à la cause ».

La société de capital-risque a16z, a lâché 400 millions de dollars. Dans un long fil Twitter, l’un des fondateurs de l’entreprise, Ben Horowitz, a dit toute la confiance qu’il avait en Elon Musk « Nous croyons au génie d’Elon pour faire enfin de Twitter ce qu’il était censé être ». Il n’est pas le seul à mettre en avant l’aura du milliardaire comme première motivation à rejoindre cette aventure atypique.

C’est aussi ce qu’il ressort de la prise de parole d’un autre acteur de l’opération, sur Twitter, le prince saoudien al-Waleed bin Talal a affirmé « Je crois que vous serez un excellent leader pour @Twitter afin de propulser et de maximiser son grand potentiel ». Ce dernier va indirectement verser 1,9 milliard de dollars. Cet investissement, le plus important, n’en est pas vraiment un. Ce neveu du roi d’Arabie saoudite Salman va tout simplement conserver les actions qu’il possède déjà.

Initialement, le prince était bien moins disposé à l’égard d’Elon Musk. Mi-avril il s’était opposé à l’acquisition. Elon Musk en avait profité pour le tacler sur la liberté d’expression au sein de son royaume. Cette liberté d’expression, pourtant excessivement mise en avant par le milliardaire, semble être devenue plus secondaire. Cela permet également d’accueillir le fonds souverain du Qatar et ses 375 millions de dollars. Les convictions et valeurs affichées par le quinquagénaire s’effacent rapidement face à ses intérêts sonnants et trébuchants.

La course aux bénéfices est lancée

Il faut dire qu’il a bien besoin de ces 7,14 milliards de dollars pour réduire les risques pris dans ce rachat. La somme va essentiellement être utilisée pour réduire sa dette garantie sur les actions Tesla. Les 12,5 milliards d’emprunts vont être rabotés à 6,25 milliards de dollars. Le reste réduira un peu les fonds propres qu’Elon Musk doit apporter.

Jusqu’ici l’homme le plus riche du monde, dont la fortune repose quasi essentiellement sur les actions de ses sociétés, a « seulement » récupéré 8,5 milliards de dollars en vendant des actions Tesla. Une vraie question demeure : comment va-t-il récupérer le montant en fonds propre qu’il doit verser ? Pour éviter que le cours de Tesla ne s’effondre, il a déjà déclaré qu’il ne vendrait plus d’actions.

À l’issue de toute cette affaire, Elon Musk sera endetté de plusieurs milliards de dollars pour une plateforme, certes influente, mais aux bénéfices relativement modestes à ces nouveaux en comparaison. En 2022, Twitter devrait rapporter 513 millions de dollars. Résultat plus qu’honorable pour le commun des mortels, moins pour les géants technologiques. Musk devra mobiliser tout le génie qui lui est prêté s’il veut pouvoir finir gagnant à terme.