L’Union européenne a trouvé un accord « historique » pour le Digital Services Act (DSA). Samedi 23 avril à l’aube, le Conseil et le Parlement européen ont trouvé un accord politique pour sécuriser internet. Discours haineux, discriminations, accès aux droits fondamentaux, les géants du web vont devoir composer avec de nouvelles règles.

Le DSA est la loi européenne sur les services numériques. Son objectif principal est de mieux encadrer les contenus et les plateformes sur internet, pour protéger les citoyens européens et rendre le web plus équitable. « L’accord d’aujourd’hui sur DSA est historique. Ce qui est illégal hors ligne sera illégal en ligne dans l’UE », a déclaré la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.

Le Digital Services Act, un accord historique

Ce texte concerne une large gamme d’entreprises et de plateformes. Sont notamment touchées, les entreprises proposant des infrastructures de réseau, comme les opérateurs, ainsi que les plateformes en ligne, comme les marketplaces, les boutiques d’applications, ou encore les réseaux sociaux. Le DSA s’applique aussi aux services de cloud et bien sûr aux grandes plateformes et entreprises définies comme des gatekeepers, dont les actuels GAFAM.

L’accord sur le DSA est historique à plusieurs titres. Premièrement, il s’agit d’une nouvelle pierre apportée à la régulation de l’espace numérique. Le DSA a un texte frère, pour lequel un accord a été trouvé quelques semaines avant, le DMA (Digital Market Act). Quelles différences entre les deux ? Le DMA s’inscrit dans une logique préventive et de préservation de la concurrence. Il définit plus clairement quelles plateformes sont systémiques. Certaines, par leur taille, la présence sur de nombreux marchés et le nombre important de consommateurs, représentent de véritables portes d’entrée vers internet. Pour éviter qu’elles ne nuisent aux marchés et aux consommateurs, le DMA pose un certain nombre de règles qui s’appliquent uniquement à ces géants, ces fameux gatekeepers.

Le DSA, pour sa part, se concentre sur les contenus diffusés par ou plutôt sur ces gatekeepers avec des obligations proportionnées à leur taille. Ainsi, les plus grandes sociétés se verraient dans l’obligation de partager des données avec les régulateurs européens, alors que seules quelques règles de transparence et de coopération avec les autorités s’appliquent aux plus petites d’entre elles. Ce texte représente donc une régulation inédite d’internet.

Ensuite, les procédures pour le Digital Services Act et le DMA sont allées vite, très vite même, pour l’Union européenne : ils ont été quasiment adoptés en seulement 15 mois. C’est dans la lignée du RGPD, le 15 décembre 2020, que la Commission européenne, par les voix de Margrethe Vestager et Thierry Breton, a présenté ces deux textes de réglementation de l’espace numérique. Pour rappel, il a fallu 4 ans pour que le RGPD soit adopté.

« Oui, nous avons un accord ! Avec le DSA, le temps des grandes plateformes en ligne se comportant comme si elles étaient trop grandes pour s’en soucier touche à sa fin », a réagi le commissaire européen Thierry Breton.

Quelles sont les règles fixées par le DSA ?

Le DSA suscite moins l’ire des grandes plateformes que le DMA. Le texte comporte en effet certains points positifs pour elles, comme le fait d’éviter que chaque pays européen ne mette en place sa propre législation. Toutefois, cette réglementation et ses règles concernent bien les géants tels que Facebook, Twitter ou encore Google, mais pas que.

De par son importance, le DSA comporte nombre de mesures phares. Parmi elles, certaines ont pour but de lutter contre les discriminations et les contenus illicites. Les plateformes et moteurs de recherche devront retirer les contenus illégaux rapidement. Ils devront aussi permettre plus facilement aux utilisateurs de signaler lesdits contenus. Le DSA prévoit aussi la mise en place d’un système de traçabilité sur les marketplaces, pour suivre au mieux les vendeurs de produits illégaux. Enfin, n’importe quelle autorité nationale pourra demander le retrait d’un contenu illégal, peu importe le lieu de présence de la plateforme en Europe.

Les plateformes devront également faire preuve de plus de transparence quant au fonctionnement de leurs algorithmes. Une mesure attendue et qui renvoie aux algorithmes des réseaux sociaux, souvent pointés du doigt pour des problèmes de discrimination et de contrôle.

Les droits des utilisateurs et leur protection constituent l’une des priorités de ce règlement. Fini donc les conditions d’utilisations d’une dizaine de pages et constituées de petites lignes. Les utilisateurs devront pouvoir mieux comprendre ces conditions, qui devront être plus simples, plus lisibles. Les utilisateurs pourront plus facilement contester la modération et les règles pour suspendre un compte devront être plus précises. À noter également l’interdiction de la publicité ciblée visant les enfants.

En cas de non-respect du DSA, les entreprises concernées peuvent se voir infliger des amendes pouvant aller jusqu’à 6% de leur chiffre d’affaires mondial. L’amende pourra s’accompagner d’une interdiction d’opérer sur le marché de l’Union européenne dans les cas les plus graves. Ce texte doit encore être formellement adopté, maintenant qu’un accord, provisoire, a été trouvé entre la Commission, le Parlement et le Conseil. Il devrait ensuite entrer en vigueur dès le 1er janvier 2024.