Barack Obama a donné un discours portant sur « les défis de la démocratie dans le domaine de l’information numérique » lors d’un événement au Stanford Cyber Policy Center. Selon l’ancien président des États-Unis, la démocratie s’affaiblit à cause, entre autres, du modèle économique mis en place par les réseaux sociaux.

La désinformation est un réel danger pour la démocratie

« L’une des principales raisons de l’affaiblissement de la démocratie est le changement profond qui s’est opéré dans la manière dont nous communiquons et consommons l’information », explique Obama. L’ancien occupant de la Maison Blanche cible tout particulièrement les dangers de la désinformation qui circule sur ces plateformes, et admet ne pas avoir remarqué à quel point le problème était sérieux avant 2016, lorsque la Russie a utilisé les réseaux sociaux pour influencer l’élection présidentielle américaine et que le scandale Cambridge Analytica a été mis au jour.

Depuis, de nombreuses campagnes de désinformation ont étiolé la démocratie, avec des millions de personnes influencées par rapport aux vaccins, mais également à la légitimité de l’élection du président Joe Biden. Pour Barack Obama, le monde de la tech « donne un coup de fouet à certaines des pires impulsions de l’humanité ».

Obama remercie Internet pour son élection

« Je n’aurais peut-être jamais été élu président s’il n’y avait pas eu des sites web comme – et je sors de l’ordinaire – MySpace, Meetup et Facebook, qui ont permis à une armée de jeunes bénévoles de s’organiser, de collecter des fonds, de diffuser notre message. C’est ce qui m’a fait élire », admet l’ancien président, qui vante les bienfaits que peuvent avoir les réseaux sociaux. En 2008, son équipe de campagne avait été bien plus active en ligne que celle de son opposant, John McCain, ce qui avait contribué à lui faire gagner l’élection.

Désormais, Barack Obama estime que le modèle économique des réseaux sociaux, qui cherchent l’engagement des utilisateurs à tout prix quitte à partager de fausses informations et à polariser les débats, est à revoir. « Dans la compétition entre la vérité et le mensonge, la conception même de ces plateformes semble nous faire pencher dans la mauvaise direction. Et nous en voyons maintenant les résultats », explique-t-il.

Selon lui, les plateformes de médias sociaux n’ont pas entraîné directement davantage de divisions et d’angoisses au sein de la société, mais elles ont contribué à les amplifier, les utilisateurs de toutes les régions du monde étant désormais exposés à davantage d’informations et de rapports en provenance du monde entier, les pires exemples étant amplifiés par inadvertance, ou pas, par les algorithmes des réseaux sociaux qui ont été conçus pour maximiser l’engagement des utilisateurs.

Des Américains brandissent des drapeaux de leur pays.

À cause de la désinformation, de nombreux américains estiment que l’élection de Joe Biden est illégale. Photographie : Dyana Wing So / Unsplash

Les réseaux sociaux doivent être plus transparents

Dans cette optique, Obama appelle à davantage de transparence dans la conception des plateformes technologiques : « Les entreprises technologiques devraient pouvoir protéger leur propriété intellectuelle tout en respectant certaines normes de sécurité que nous, en tant que pays, et pas seulement elles, avons jugées nécessaires pour le bien commun ».

Il a en outre listé plusieurs principes auxquels ces plateformes devraient réfléchir lorsqu’elles prennent des décisions ; par exemple si ces dernières renforcent ou affaiblissent les perspectives d’une démocratie saine et inclusive, ou si elles encouragent un débat vigoureux et le respect des différences. Ces décisions doivent aussi être choisies en prenant en compte si elles renforcent l’État de droit et l’auto gouvernance, si elles nous aident à prendre des décisions collectives fondées sur les meilleures informations disponibles et enfin, si elles reconnaissent les droits, les libertés et la dignité de tous les citoyens.

« C’est une chance pour les entreprises de faire ce qu’il faut. Vous gagnerez toujours de l’argent, mais vous vous sentirez mieux. C’est une chance pour les employés de ces entreprises de les pousser à faire le bon choix. Parce que vous avez vu ce qui se passe et vous voulez vous sentir mieux », déclare-t-il.

Obama donne des conseils pour réguler les Big Tech

L’ancien président estime en outre que l’amélioration de ces plateformes passe aussi par la régulation. Il a d’ailleurs contré l’avis de nombreux Républicains à ce sujet, qui fustigent les réseaux sociaux en assurant qu’ils bafouent le premier amendement (la liberté d’expression).

« Le premier amendement est un contrôle du pouvoir de l’État. Il ne s’applique pas aux entreprises privées comme Facebook ou Twitter, pas plus qu’il ne s’applique aux décisions éditoriales prises par le New York Times ou Fox News. Il ne l’a jamais fait. Les entreprises de médias sociaux font déjà des choix sur ce qui est ou n’est pas autorisé sur leurs plateformes et sur la manière dont ce contenu apparaît. De manière explicite, par la modération du contenu, et de manière implicite, par les algorithmes. Le problème est que nous ignorons souvent les principes qui régissent ces décisions », explique-t-il.

Par ailleurs, Barack Obama appelle à réformer la Section 230, qui protège les plateformes technologiques pour tout le contenu qu’elles hébergent. Il a déclaré que le Congrès devrait envisager des réformes de la loi et que les plateformes devraient « être tenues d’appliquer des normes de diligence plus élevées en ce qui concerne la publicité sur leur site ».

« Si elle est correctement structurée, la réglementation peut promouvoir la concurrence et empêcher les opérateurs historiques de geler les nouveaux innovateurs », continue-t-il. Le discours de l’ancien président est notable : pendant ses huit années à la Maison Blanche, Obama et son administration ont entretenu d’excellentes relations avec la Silicon Valley, ses dires ne sont donc pas à prendre à la légère. Par ailleurs, il soutient la loi sur la responsabilité et la transparence des plateformes, un projet de loi qui obligerait les sociétés de médias sociaux à partager certaines données relatives aux plateformes et à permettre le contrôle par des chercheurs indépendants.

« Les médias sociaux sont un outil. En fin de compte, les outils ne nous contrôlent pas, c’est nous qui les contrôlons. C’est à chacun d’entre nous de décider ce que nous valorisons et d’utiliser ensuite les outils qui nous ont été donnés pour faire avancer ces valeurs », conclut-il.