Just Eat Takeaway patine, après deux ans de forte croissance. Les résultats trimestriels de l’entreprise, dévoilés le mercredi 20 avril, sont jugés insuffisants. De quoi la pousser à envisager la vente de GrubHub, pourtant acquis il y a seulement deux ans. Le géant européen de la livraison de repas se voit donc contraint de repenser son modèle économique, reposant jusqu’à présent sur l’emploi de livreurs en CDI. Plusieurs centaines de licenciements sont prévues.

Just Eat Takeaway pense à la vente de GrubHub

Il y a bientôt deux ans, Just Eat Takeaway a racheté l’entreprise américaine de livraison de repas GrubHub, coiffant Uber au poteau et marquant une entrée fracassante sur le marché américain. Seulement aujourd’hui, la société située à Amsterdam envisage de revendre GrubHub. En cause, des résultats trimestriels décevants. Just Eat Takeaway a racheté l’américain spécialiste de la livraison de repas, GrubHub, en juin 2020 pour 7,3 milliards de dollars, uniquement en actions.

La vente de sa filiale américaine serait aussi motivée par la pression des investisseurs, qui réclament des investissements stratégiques pour relancer totalement l’entreprise. La société a récemment expliqué que « la direction explore actuellement activement l’introduction d’un partenaire stratégique dans et/ou la vente partielle ou totale de Grubhub ». Certains investisseurs ont toutefois été plus explicites que d’autres. Dès le mois d’octobre 2021, Cat Rock Capital, qui détient approximativement 6,5% de Just Eat Takeaway, a demandé à cette dernière de vendre la filiale et de « recentrer ses activités » sur le Vieux Continent.

Le géant européen a aussi annoncé avoir dépêché des banquiers pour explorer les pistes possibles autour de l’avenir de la filiale.

La fin de « deux ans de croissance exceptionnelle »

Les résultats de 2021 de Just Eat Takeaway étaient pourtant bons. Comme beaucoup de concurrents, la société a vu son activité fortement augmenter durant la pandémie. Ainsi, 20 millions de nouveaux consommateurs ont passé commande depuis avril 2020 et les premiers confinements. Jitse Groen, PDG de l’entreprise, évoque même dans le communiqué « deux ans de croissance exceptionnelle ». « Notre priorité pour 2022 réside dans l’amélioration de la rentabilité et le renforcement de notre activité. Nous nous attendons à ce que la rentabilité s’améliore progressivement tout au long de l’année et qu’elle revienne à l’EBITDA positif ajusté en 2023 », ajoute le dirigeant.

Désormais, la pandémie recule et les restrictions disparaissent peu à peu, entraînant le ralentissement de la croissance du secteur de la livraison. Les habitudes de consommation reviennent à ce qu’elles étaient avant la crise, induisant une diminution des commandes et livraisons de repas chez Just Eat Takeaway.

Pour ce premier trimestre 2022, l’augmentation des commandes était donc inférieure à ce qui était espéré. 264 millions de commandes ont été passées, alors que l’objectif a été fixé à 286,5 selon Bloomberg. Il s’agit aussi d’une baisse de 1% par rapport à l’an passé. La société a également affirmé dans ses résultats que le montant de la valeur brute des transactions (GTV) s’élevait à 7,2 milliards d’euros. Ces chiffres illustrent la valeur totale des repas commandés et livrés. Dans ce cas, c’est une hausse de 4% par rapport à 2021. Une augmentation qui s’explique par un montant de transaction moyen plus élevé.

Les livreurs, premières victimes

Il n’en reste pas moins que Just Eat Takeaway s’est un peu emballé devant l’explosion de son activité durant la pandémie. Face à cette croissance, l’entreprise avait affirmé vouloir recruter près de 4 500 livreurs en CDI en France. Au total, seuls 800 à 900 livreurs ont été embauchés. Comble d’une santé économique mitigée, un plan de restructuration a été annoncé, amenant prochainement aux licenciements de pas moins de 269 livreurs en CDI.

Le modèle de Just Eat Takeaway est particulier dans le monde de la livraison de repas. De nombreuses polémiques et questions émergent régulièrement sur le statut de travailleur indépendant des livreurs des plateformes comme Uber Eats ou Deliveroo. L’Union Européenne envisage même d’intervenir pour éclaircir et améliorer leurs droits et leurs statuts.

La plateforme européenne se démarque par un modèle reposant sur le salariat des livreurs. Livreurs salariés présents jusqu’ici dans 27 villes françaises, mais ce modèle ne devrait perdurer que dans 7 d’entre elles, celles où le chiffre d’affaires est le plus important. Par conséquent, seuls 530 livreurs seront a priori conservés par l’entreprise, loin de l’ambition de départ…