Les États-Unis continuent d’adopter de nouvelles sanctions à l’encontre de la Russie, dans le cadre de la guerre en Ukraine. Le Département du Trésor américain a déclaré le 20 avril avoir décidé de s’attaquer aux mineurs de Bitcoins opérant en Russie, en ciblant notamment des entreprises et la vente de matériel. Un coup dur pour le secteur au niveau mondial, puisque la Russie est le troisième pays accueillant le plus de mineurs au monde, selon l’Université de Cambridge.

Les États-Unis visent le matériel et les entreprises

Lors de l’annonce du dernier train de sanctions, le Département du Trésor américain a annoncé prendre des mesures contre « les entreprises de l’industrie minière russe en monnaie virtuelle ». Il s’agit de la première fois que les États-Unis visent directement les mineurs de Bitcoins présents en Russie dans leurs sanctions.

Plus précisément, les sanctions toucheront les paiements et le matériel utilisé, « les sociétés minières dépendent du matériel informatique importé et des paiements fiduciaires, ce qui les rend vulnérables aux sanctions », est-il expliqué dans un communiqué, sans plus de précisions.

Parmi les entreprises ciblées se trouve un géant du secteur, BitRiver, fondée en 2017. Il s’est notamment fait connaître pour sa ferme de minage en Sibérie, qui ne fonctionne qu’avec de l’énergie hydraulique locale, c’est également un fournisseur de matériel de minage à l’international. En février 2022, elle a affirmé dans un communiqué être la première entreprise russe à atteindre la neutralité carbone. BitRiver emploie près de 200 personnes en Russie. L’Office of Foreign Assets Control (OFAC, Bureau de contrôle des avoirs étrangers) a plus particulièrement mis l’accent sur 10 filiales russes de BitRiver dans les dernières sanctions.

« Ces actions américaines devraient évidemment être considérées comme une ingérence dans l’industrie minière de la cryptographie, une concurrence déloyale et une tentative de changer le rapport de force mondial en faveur des entreprises américaines », a réagi dans un communiqué le PDG de BitRiver, Igor Runets.

La Russie risque de se servir des cryptomonnaies pour contourner les sanctions

Pourquoi sanctionner ces mineurs et ces entreprises ? Les autorités américaines les accusent de permettre à la Russie de monétiser ses ressources énergétiques sous le coup de sanctions, « en exploitant de vastes fermes de serveurs qui vendent de la capacité minière de monnaie virtuelle à l’échelle internationale, ces sociétés aident la Russie à monétiser ses ressources naturelles ». Ces dernières sont les principales sources de richesses du pays, ce qui en fait un enjeu majeur dans le bras de fer actuel.

Dans un rapport, le FMI avertit que des pays tels que la Russie pourraient utiliser le Bitcoin pour monétiser les ressources énergétiques, « qui ne peuvent pas être exportées en raison de sanctions ». Pour rappel, le Congrès américain a d’ores et déjà voté pour l’interdiction d’importation de pétrole, de gaz et de charbon russe. L’Union européenne de son côté, bien plus dépendante aux énergies fossiles de Russie, traîne à prendre des sanctions semblables.

Comme l’explique le FMI, la monétisation des ressources via le minage se fait directement dans la blockchain et donc « en dehors du système financier où les sanctions sont mises en œuvre ». Il faut dire aussi que la Russie est un pays propice à l’exploitation de Bitcoins. Son climat froid permet de diminuer la montée en température des ordinateurs et des serveurs. Le pays dispose aussi d’importantes ressources énergétiques, la probabilité de connaître une crise qui impacterait le minage de cryptomonnaies, à l’image du Kazakhstan, est donc infime.

Début 2022, Vladimir Poutine s’était montré favorable au minage, en opposition avec la Banque centrale de Russie, qui souhaitait l’interdiction totale de cette pratique. Étrangement, la Banque centrale semble avoir changé d’avis. Elle a récemment autorisé la Sberbank pour émettre des actifs numériques.

Des impacts à l’échelle mondiale

Ces sanctions représentent en tout cas un coup dur pour les mineurs. Après avoir dû quitter la Chine, ils vont désormais avoir du mal à exercer en Russie. De plus en plus de pays leur sont hostiles à la pratique, à l’image de la Suède dans l’Union européenne, à cause de sa très forte consommation d’énergie.

La Russie représente 11,23% du minage mondial. Une potentielle mise à l’arrêt dans le pays de Vladimir Poutine entraînerait intrinsèquement une redistribution du hashrate dans le monde et donc une baisse du taux global. Le hashrate désigne la puissance de calcul d’une ferme de serveurs pour créer un bloc. De quoi bousculer sévèrement le marché mondial des cryptomonnaies.

Enfin, ces sanctions pourraient pousser les mineurs à poursuivre leurs activités au Kazakhstan, pays frontalier de la Russie. Seulement, les mineurs y font déjà face à des difficultés ainsi qu’à un gouvernement qui les taxe et les régule de plus en plus. Les impacts potentiels de ces sanctions toucheront bien plus de pays que la seule Russie.