Tesla a demandé le 18 avril à un juge californien l’annulation d’une plainte du California Departement of Fair Employement and Housing (DFEH) pour « ségrégation raciale ». Elle estime que l’agence de l’État cherche à se faire de la publicité sur son dos, dans le cadre d’une rivalité avec une organisation fédérale. Pourtant son usine californienne, à Fremont, 20 000 employés, concentre, depuis plusieurs années, les cas de racisme.

Les témoignages accablent l’usine de Fremont et sa direction

Le DFEH a déposé plainte contre Tesla en février 2022 au nom de 4 000 travailleurs afro-américains anciens et actuels de l’usine de Fremont. Il s’agit du « plus grand procès pour discrimination raciale jamais intenté par l’État » rapporte le Los Angeles Times. Un mois plus tard, le journal américain a réuni des témoignages accablants d’anciens employés sur l’ambiance raciste au sein de l’usine : tâches ingrates ou humiliantes pour les ouvriers noirs, insultes, utilisations du terme proscrit « nigger », passivité de la hiérarchie.

Les conclusions du journal vont dans le même sens que celle de Kevin Fish, directeur du DFEH, « Les travailleurs noirs subissent des insultes raciales et des discriminations en termes de tâches, de discipline, de rémunérations et de promotion, ce qui crée un environnement de travail hostile. Les faits dans cette affaire parlent d’eux-mêmes ».

Ces faits entrent en résonance avec deux autres affaires. En mai 2021, au terme d’un arbitrage Tesla a réglé un million de dollars d’amendes pour des accusations similaires. Une autre affaire, basée sur une plainte de 2017, concernant les deux années précédentes, est toujours en cours.

En octobre 2021, le jury d’un tribunal fédéral a condamné Tesla à 137 millions d’amendes sur des actes racistes subies par un ancien ouvrier de l’usine de Fremont. Pour le jury l’usine Tesla « était saturée de racisme ». Il a dénoncé la non-réaction des cadres de l’entreprise, « Ses superviseurs et la structure de gestion plus large de Tesla n’ont pas réagi, ou si peu. Et les superviseurs se sont même joints aux abus, l’un d’eux allant jusqu’à menacer Diaz [le plaignant] et à dessiner une caricature raciste près de son poste de travail ».

Le 13 avril 2022, l’amende a été rabotée par un juge à 15 millions de dollars rapporte Ars Technica. Une décision motivée par le cadre de la loi sans déjuger le fond de la décision. Au contraire le juge William Orrick a qualifié les arguments de Tesla, qui espérait limiter l’amende à 600 000 dollars, de « révisionnisme édulcoré ». L’entreprise qualifiait les souffrances du travailleur « heureusement légères et de courte durée ». Pour William Orrick, « Il est difficile de voir comment Tesla est parvenu à cette interprétation des preuves autrement qu’en les ignorant ». Le plaignant doit encore accepter ou refuser la somme, Tesla pourra ensuite contester la décision.

Tesla nie jusqu’à l’écœurement

Malgré l’accumulation d’affaires et de témoignages écornant l’image d’une société moderne et ouverte, Tesla se borne à minimiser. Dans le cas Diaz ? Une affaire ancienne, deux contractuels virés et une déclaration publique étonnante assurant que « la plupart du temps, ils pensaient que ce langage était utilisé de façon “amicale” et en général par des collègues afro-américains ». Pour les témoignages du Los Angeles Times ? D’anciens travailleurs frustrés d’avoir été licenciés pour des manquements aux règles de sécurité de l’usine de Fremont.

En réaction de la plainte de la DFEH, Tesla a assuré s’opposer « fermement à toute forme de discrimination et de harcèlement et à une équipe dévolue aux relations entre employés pour répondre et enquêter sur toutes les plaintes ». L’entreprise a ajouté avoir « toujours pris des actions disciplinaires et licencié des employés pour faute professionnelle, y compris ceux qui profèrent des injures raciales ou harcèlent les autres de différentes manières ».

Dans un second temps, le 18 avril, le constructeur a lancé une contre-attaque. Ses avocats ont accusé la DFEH d’opportunisme, en l’accusant d’avoir « choisi Tesla comme son dernier sujet de litige sensationnel et accrocheur pour la presse ». Selon les informations de Bloomberg, la défense de l’entreprise a accusé la DFEH d’avoir agi après une d’enquête bâclée. Elle aurait souhaité prendre de vitesse une autre organisation travaillant également sur le racisme chez Tesla, l’Equal Employment Opportunity Commission (EEOC).

La DFEH et l’EEOC sont notoirement en rivalité aux États-Unis. L’agence californienne et son homologue fédérale avaient travaillé chacune de leur côté lors des cas de harcèlement sexuel et de discrimination envers les femmes chez Activision Blizzard. La société s’est engouffrée dans la brèche pour accuser la DFEH d’utiliser « le litige comme une tactique d’intimidation et pour faire avancer sa guerre de territoire ». Beaucoup d’énergie dépensée en défense, peu en introspection.