Pour Tim Cook la protection des données personnelles est « l’une des batailles les plus essentielles de notre époque ». Un combat noble d’Apple et pourtant menacé par les futures législations antitrust, à en croire un discours du PDG, prononcé le 12 avril, à la conférence annuelle de l’Association internationale des professionnels de la vie privée (IAPP).

Apple, champion autoproclamé de la protection des données

Apple a fait de sa politique de protection des données, « un droit humain fondamental », proclame Tim Cook, l’un de ses arguments marketing majeurs ces dernières années. L’App Tracking Transparency, apparu en 2021, est venue concrétiser cette prise de position. Ce service exige d’une application l’autorisation de son utilisateur pour le suivre en dehors de son usage.

Pour son PDG, la marque à la pomme se fait un devoir de « protéger les gens d’un complexe industriel de données construit sur la base de la surveillance ». Il s’est même prononcé pour la mise en œuvre d’un RGPD à l’américaine. Ce discours, outre obtenir l’adhésion d’un public acquis d’avance et attiser la haine farouche de ce complexe des données (Meta, Google), avait un autre but : combattre le sideloading.

Le sideloading, dans le cas d’Apple, rime avec la possibilité de télécharger des applications en dehors de l’App Store, via des magasins d’applications tiers. Chose impossible sur iOS à l’heure actuelle, mais deux textes réglementaires, l’Open App Markets Act, en passe d’être soumis au Congrès américain et le Digital Markets Act européen, pourraient imposer à Cupertino cette pratique.


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Sans citer directement ces deux textes, Tim Cook s’est alarmé à la tribune de « réglementations qui porteraient atteinte à la vie privée et à la sécurité au service d’un autre objectif [la concurrence] ». Les arguments de Cupertino sont simples. Avant d’arriver sur l’App Store, les applications sont soumises à un examen d’Apple pour vérifier qu’elles sont sûres. Elles sont également contraintes de se soumettre à l’App Tracking Transparency.

Avec le sideloading d’une part « les entreprises avides de données seraient en mesure d’éviter nos règles de confidentialité et de suivre à nouveau nos utilisateurs contre leur gré » argumente Tim Cook, d’autre part elles seront exposées à des vulnérabilités.

Le PDG rapporte « nous avons déjà vu la vulnérabilité que cela crée sur les appareils d’autres entreprises ». Selon les médias américains, il s’agit d’une référence à une affaire d’application de suivi du Covid, qui s’est révélée être une porte d’accès pour un rançongiciel. Les « autres entreprises » étant en réalité surtout Android, de Google, qui permet le sideloading.

Avec un ton grave Tim Cook n’a pas hésité à anticiper, « Si nous sommes forcés de laisser des applications non approuvées sur l’iPhone, les conséquences involontaires seront profondes ». Il a martelé, « il n’y a pas de vie privée dans un monde où vos données privées peuvent être volées en toute impunité. Jamais cette menace n’a été aussi profonde, ni ses conséquences aussi visibles ».

Derrière la gravité, les intérêts

Outre que les protections d’iOS, tant en matière de vie privée, qu’en matière de sécurité face aux escroqueries, fraudes, logiciel malveillant, ne sont pas infaillibles, les réelles intentions d’Apple laissent planer un doute sur la sincérité de Tim Cook.

L’interdiction du sideloading pour Apple est surtout synonyme de confortables subsides et d’un certain pouvoir. Sur l’App Store des commissions pouvant aller jusqu’à 30% des achats sur la boutique et in-app sont imposées aux développeurs. La position de domination d’Apple lui permet aussi d’imposer ses propres règles et de changer brusquement et unilatéralement ses conditions d’utilisations.

L’argumentaire de la sécurité et de la confidentialité a pris une importance majeure pour Apple à mesure que les législateurs des deux côtés de l’Atlantique avançaient sur des réglementations antitrusts. Ars Technica rappelle que Craig Federighi, l’un des vice-présidents d’Apple, avait tenu le même discours lors du Web Summit 2021, Tim Cook également lors de VivaTech, la même année.

Certes, lors de son discours à Washington D.C., devant l’IAPP, Tim Cook a assuré que son entreprise « croit en la concurrence ». Il a même appelé les législateurs à travailler avec Cupertino pour une réglementation protectrice des utilisateurs, donc sans sideloading. Cela semble compliqué, mais pourquoi pas ? Ce serait pour le mieux de tous. Seulement voilà, cette partie du discours ne contenait aucune idée concrète. C’est dommage.