Meta a publié le 7 avril un rapport pilote (pdf) sur l’état des « menaces » détectées sur son réseau au cours du premier trimestre 2022. Il s’agit d’un élargissement du champ des rapports mensuels sur les comportements inauthentique coordonnés, « une vue d’ensemble des risques que nous observons dans le monde entier et à travers de multiples violations de politiques ». Sans surprise, la Russie et la Biélorussie occupent une place prépondérante dans cette édition.

La Biélorussie est manifestement très active sur Meta

Dès les premiers jours du conflit, le 27 février, Meta a publié une mise à jour de sécurité sur la situation particulière en Ukraine. L’entreprise y mettait en avant l’activité d’un groupe en particulier, Ghostwriter. Ce dernier, nommé ainsi par l’entreprise de cybersécurité Mandiant, aussi appelé UNC1151, est un acteur de cyberespionnage et d’influence soupçonné d’être lié à la Biélorussie depuis novembre 2021.

En Ukraine, il a commencé par prendre le contrôle de comptes Facebook de dizaines de militaires ukrainiens, puis, écrit Meta, « ils [les pirates] ont posté des vidéos appelant l’armée à se rendre comme si ces posts provenaient des propriétaires légitimes des comptes ». Dans l’une des vidéos hébergées par YouTube on pouvait y voir de soi-disant soldats ukrainiens sortant d’une forêt dotés d’un drapeau blanc.

L’objectif était transparent : la Russie misait à l’époque sur une intervention rapide, basée sur la conviction que l’armée ukrainienne sombrerait dès les premiers affrontements. Il s’agissait d’une opération de propagande classique de déstabilisation de l’adversaire, adaptée à l’époque contemporaine.

Les attentes russes ont été déçues et Facebook affirme avoir rapidement bloqué les partages de ces vidéos, pour en limiter la nocivité. Ghostwriter serait cependant toujours actif prévient Meta.

Dans la même veine, un autre groupe affilié au KGB biélorusse a été détecté par Meta et ses comptes ont été supprimés. Le 24 février il « a soudainement commencé à publier en polonais et en anglais des messages sur la reddition des troupes ukrainiennes sans combat et la fuite des dirigeants du pays » constate le réseau social. Un compte passé à travers les mailles du filet a même tenté d’organiser une manifestation en Pologne, à Varsovie, le 14 mars, sans succès.

Depuis la Russie, l’Usine à troll pointe le bout de son nez

Les réseaux de faux comptes ne sont pas l’apanage des Biélorusses. Meta signale la résurgence d’un réseau déjà supprimé en décembre 2020, contrôlé par l’Internet Research Agency, une entreprise russe plus connue sous la dénomination « l’usine à troll ». Sous couvert d’une ONG spécialisée pour la défense des droits civiques en Occident, il imputait l’invasion à l’OTAN et accusait l’Ukraine de viser les populations civiles. Il a été supprimé.

Un réseau plus vaste, de quelque 200 comptes, s’était, lui, donné pour mission de signaler en masse des profils, authentiques, en Ukraine, Russie, Israël, États-Unis et Pologne. Le but était de faire taire les cibles de ces signalements. L’activité de ce réseau s’est accélérée à l’approche de l’invasion. Pour l’anecdote, Meta rapporte que ses membres se coordonnaient depuis un groupe… de cuisine.

Un dernier réseau a tenté de contourner la vigilance de Meta en mobilisant l’Intelligence Artificielle. Grâce, notamment, à la technique GAN (réseau antagoniste génératif), qui permet d’imiter parfaitement des images, de faux profils ont été créés en utilisant « des personnages et des marques fictifs sur Internet – y compris sur Facebook, Instagram, Twitter, YouTube, Telegram, Odnoklassniki et VK – pour paraître plus authentique ».

Si ces révélations de Meta n’ont rien d’inattendues, la Russie s’étant illustrée depuis de nombreuses années dans ce type d’activités, elles mettent en exergue les techniques de déstabilisations employées par le Kremlin et son allié biélorusse. Meta, de son côté, va avoir plus que jamais du travail. Sa capacité à répondre à ces manipulations sera scrutée et jaugée de toute part. Dans un entretien accordé à l’agence Reuters, Nick Clegg, sorte de ministre des affaires étrangères de Meta, a assuré que l’entreprise « étudie des mesures supplémentaires pour lutter contre la désinformation et les canulars provenant des pages du gouvernement russe ».