Une surprise pour personne… Amazon a décidé de faire appel suite à la création d’un syndicat dans l’un de ses entrepôts new-yorkais. La firme évoque notamment des obstructions avant et pendant les votes.

De nombreuses interférences avec les votes, selon Amazon

Ce 1er avril 2022, les employés de l’entrepôt JFK8 d’Amazon situé à Staten Island, l’un des arrondissements de la ville de New York, ont voté pour rejoindre l’Amazon Labor Union (ALU), un groupe créé par des employés actuels et anciens de l’entreprise qui réclame des salaires plus élevés et la sécurité de l’emploi. Il s’agit du tout premier syndicat formé par des employés d’Amazon aux États-Unis et forcément… Cela ne plaît pas vraiment au géant de l’e-commerce.

Selon le Wall Street Journal, ce dernier s’apprête à déposer un recours auprès du National Labor Relations Board (NLRB), une agence indépendante du gouvernement américain chargée de conduire les élections syndicales et d’enquêter sur les pratiques illégales dans le monde du travail. Selon Amazon, l’ALU a menacé les employés de l’entrepôt pour les forcer à les rejoindre, en plus d’interférer avec les gens faisant la queue pour voter et de « menacer les immigrants de perdre leurs avantages s’ils ne votaient pas ».

La firme accuse en outre le NLRB d’avoir organisé les périodes de vote de telle manière à ce que de nombreux employés ne votent finalement pas ; seulement 55 % des travailleurs de l’entrepôt ont voté. D’après Amazon, la façon dont l’agence gouvernementale a géré le cas Bryson a également mis le feu aux poudres et entraîné les employés de l’entrepôt à voter pour former un syndicat. Gerald Bryson était un salarié de l’entrepôt JFK8 et membre de l’ALU, qui a été licencié en 2020 après sa participation à une manifestation liée aux conditions de travail durant la pandémie de Covid-19.

L’entreprise a déclaré que Bryson avait violé sa politique en matière de harcèlement et de langage à l’encontre d’un autre employé au cours de la manifestation. Toutefois, le NLRB a affirmé dans une plainte qu’Amazon avait injustement licencié le salarié en représailles pour avoir manifesté.

Un entrepôt Amazon.

Les conditions de travail dans les entrepôts Amazon sont réputées pour être difficiles. Photographie : Adrian Sulyok / Unsplash

Amazon n’est pas très friande des syndicats

Eric Milner, un avocat représentant l’ALU, assure que les allégations d’Amazon sont fausses : « Dire que l’Union syndicale d’Amazon menaçait les employés est vraiment absurde. L’Union syndicale d’Amazon, ce sont les employés d’Amazon », a-t-il déclaré.

En amont, ce jeudi 7 avril, le Retail, Wholesale and Department Store Union (RWDSU), un autre syndicat américain, a déposé un recours suite au deuxième vote des employés d’un entrepôt Amazon situé à Bessemer en Alabama pour se syndicaliser. Pour la seconde fois en moins d’un an, les employés ont décidé de ne pas former de syndicat, mais des suspicions autour d’une possible interférence d’Amazon lors des deux votes subsistent.

Lors du premier vote, qui a eu lieu en avril 2021, le NLRB a ainsi préconisé un second vote après avoir observé des agissements douteux de la part de l’entreprise pour fausser les résultats. Si le second vote vient de s’achever avec une fin similaire, le RWDSU continue de penser que des méfaits ont une nouvelle fois été commis.

De son côté, Amazon s’est dite déçue des résultats à l’entrepôt de New York, et assure qu’elle préfère communiquer directement avec ses employés qu’à travers un syndicat, une manière de faire qu’elle juge meilleure pour ses salariés. L’entreprise vante par ailleurs son salaire de départ, qui, selon elle, s’élève en moyenne à 18 dollars de l’heure, ainsi que les avantages qu’elle propose comme des options de soins de santé et des frais de scolarité payés.

La création du syndicat fait déjà des émules outre-Atlantique

Néanmoins, les conditions de travail dans les entrepôts d’Amazon sont sous le feu des critiques depuis plusieurs années. Les salariés de la firme ont par exemple beaucoup plus de risques de s’y blesser qu’en travaillant pour d’autres entreprises. Le géant de l’e-commerce analyse en outre les performances de ses salariés de manière très stricte en utilisant des algorithmes ; nombreux d’entre eux ont affirmé qu’ils sautaient des pauses ou ne se rendaient pas aux toilettes afin de pouvoir respecter leurs quotas. En août 2021, Jeff Bezos a d’ailleurs admis qu’Amazon devait en faire davantage pour le bien-être de ses employés.

Désormais, la société a jusqu’au 22 avril pour déposer son recours auprès du NLRB, mais elle a peu de chance pour que celui-ci soit accepté. John Logan, professeur de droit du travail à l’université d’État de San Francisco, a en effet expliqué à Reuters que le NLRB traite généralement les violations présumées des employeurs plus sérieusement que les actes répréhensibles présumés des syndicats.

La création du syndicat à New York fait déjà des émules : Chris Smalls, ancien employé de JFK8 et président de l’ALU, a déclaré cette semaine que son groupe s’est entretenu avec des employés de plus de 50 entrepôts d’Amazon à travers les États-Unis souhaitant se syndicaliser.