Sézane, RECC, Livy, le Slip Français, Sensee, Cabaia, Bandit ou encore Respire, qu’est-ce que ces marques ont-elles en commun ? Toutes sont des DNVB, ou Digital Native Vertical Brands. Cet acronyme utilisé depuis 2015 représente les entreprises qui se développent via Internet (site, influence, réseaux sociaux).

Ces marques tirent parti de tous les avantages des réseaux sociaux, de la création à l’entretien de communauté, et surtout d’un business model bien ficelé, qui leur permet de vendre uniquement en ligne (en tout cas dans un premier temps).

Il y a quelques semaines, le panorama des DNVB françaises en 2022 est sorti, l’occasion de suivre l’évolution de ces entreprises nouvelle génération.

Les DNVB ne datent pas d’hier

Aux origines des DNVB

Le terme de DNVB a été popularisé par l’américain Andy Dunn, à l’origine de la DNVB Bonobos, créée en 2007. Une marque de vêtements pour homme qui proposait exclusivement en ligne des pantalons, des vestes, des shorts… Une situation inédite, qui aujourd’hui ressemble plus à une norme.

En 2011, l’entreprise a ouvert sa première boutique et en possède aujourd’hui une dizaine. La marque a été rachetée par Walmart en 2017, pour plus de 300 millions de dollars.
En France, l’une des plus anciennes DNVB n’est autre que Le Slip Français.

L’acronyme DNVB regroupe des « marques qui proposent une expérience unique, des marques qui sont nées sur le digital, » rappelle Vincent Redrado, PDG de Digital Native Group. Les lettres DN, représentent également le fait que « les personnes à l’origine de DNVB sont elles-mêmes des digital native ».

Enfin, le terme Vertical est lui employé, car « les marques vendent en direct aux clients », et surtout se détachent de tout intermédiaire en maîtrisant la chaîne de valeur au complet du sourcing à la livraison. L’avantage ? Une maîtrise des coûts complète.

Les DNVB en 2021

Si au départ on en trouvait sur des marchés à fort taux de pénétration, en France, les DNVB sont désormais présentes sur la majorité des secteurs. Entre le panorama 2021 et 2022, on observe que les secteurs du bien-être, du sport et des loisirs, mais aussi de l’alimentation et des boissons ont connu les hausses les plus importantes. Des chiffres en croissance, influencés par le COVID, qui a transformé de nombreuses habitudes et a amené des sujets comme le loisir ou la santé mentale sur le devant de la scène.

schéma présentant l'évolution des DNVB entre 2021 et 2022

Source : Panorama des DNVB 2021 / DNG.

Aujourd’hui on compte 592 DNVB en France. Un chiffre en croissance de 32% par rapport à 2021. Par ailleurs, le marché des DNVB affiche une hausse du chiffre d’affaires de 59% pour un total de 2,7 milliards en 2021, là où le e-commerce affichait une croissance de seulement 15% au dernier trimestre 2021.

Les DNVB ont une approche stratégique, basée sur le digital, qui leur permet de se développer rapidement (sans contrainte physique pour commencer).

Une DNVB est à l’opposé du blitzscaling, aussi connu sous le nom de stratégie de l’ogre, où l’objectif premier est de construire rapidement une entreprise à forte valeur (levée de fonds, prix cassés…). Elle se construit plutôt sur le long terme, même si les premiers mois sont décisifs.

Femmes et DNVB : une place bien ancrée ?

Dans le panorama des DNVB 2022, on note que l’écosystème est porté à 44% par des dirigeantes. Si on ajoute le nombre de cofondatrices, cette statistique grimpe à 70%. Dans la FrenchTech, elles ne sont que 7% au poste de PDG.

Le succès d’une DNVB repose sur les émotions et la sensibilité, traduit dans le storytelling de la marque, dans sa communication et ses valeurs. Des traits auxquels les femmes répondent, en général, plus fréquemment.

Les facteurs de réussite d’une DNVB

5 critères pour devenir une bonne DNVB ?

Dans chaque DNVB à succès, on retrouve des points communs. Parmi les critères les plus importants, on peut citer :

  1. Le modèle économique : il faut a minima 75 à 80% de marge brute ;
  2. Le Product Market Fit : proposer le bon produit, au bon prix et surtout au bon moment ;
  3. L’omnicanalité : une expérience cohérente pour le client, peu importe le canal ;
  4. La communauté : créer du lien avec les consommateurs est essentiel et cela passe par du crowdfunding, de la co-création… ;
  5. La gamme des produits : se lancer avec un seul produit risque d’être difficile. Il faut donc penser à plusieurs produits dès le début et élargir assez vite la gamme pour ne pas perdre les clients.

Pour Respire et les Miraculeux, « Ces deux marques du domaine du bien-être et de la beauté se sont toutes les deux lancées avec une référence, » détaille Vincent Redrado « Rapidement, leurs offres se sont accompagnées de déclinaisons. Un mois et demi après, d’autres produits sortent et le rythme est assez intense. »

L’exemple de Respire

En août 2018, la fondatrice de Respire, Justine Hutteau a annoncé la création de son entreprise. Forte de sa communauté (environ 20 000 abonnés), l’entrepreneuse et son associé Thomas Meheut ont dépassé leur objectif sur leur campagne de crowdfunding.

Un succès qui se résume par de la co-création, en impliquant la communauté pour le lancement du premier produit, un déodorant naturel.

Résultat ? Les produits Respire ont été lancés officiellement en 2019 ! Un an après, la marque avait déjà plus de 16 références (allant du déodorant, au shampoing solide) avec une distribution dans plus de 1000 points de vente.

Aujourd’hui son offre se compose de produits solides, d’une crème visage, d’un baume corps, d’un déodorant roll-on, d’un porte-savon aimanté, d’une mousse lavante pour les mains… Sur Instagram, plus de 160 000 personnes suivent les aventures de Justine et son équipe, avec du contenu drôle, humain, parfois éducatif et surtout que la communauté apprécie ! Sur les réseaux sociaux, les utilisateurs aiment être impliqués, se retrouver dans les situations présentées. La proximité avec sa communauté est indispensable.

 

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Pas de DNVB sans communauté ?

La communauté est un élément phare d’une DNVB, mais d’autres éléments font aussi son succès. Un fondateur qui se met en avant est un très bon point. Il incarne sa marque et cela joue sur la proximité avec la communauté, qui a l’impression de connaître toutes les facettes de l’entreprise. Cependant, pour le bon fonctionnement d’une DNVB, un fondateur engagé n’est pas indispensable.

Comme l’explique Vincent Redrado, « plein de DNVB n’ont pas cela. Par exemple, la marque de sacs à main Polène, on ne connaît pas plus que ça les fondateurs, alors que Justine de Respire, on la voit partout. »

Nous avons demandé à Vincent Redrado, quelle était la DNVB de 2021. Pour lui Unbottled tire son épingle du jeu. Cette marque de beauté propose des produits solides, afin de libérer ses clients du plastique !

« Dès son lancement, l’entreprise a connu une très forte croissance. Cette marque est dans l’air du temps. C’est une société à mission, made in France, dans l’engagement. Les consommateurs actuels sont de plus en plus engagés et en voulant dire adieu au plastique tout en proposant des produits pour la santé, la marque a tout compris ! De plus, les produits de soins solides sont une réelle tendance de fond. Dès son lancement, Unbottled a ainsi appliqué les clés du succès d’une DNVB. »


DNVB et données, une mine d’or ?

Une DNVB de par sa naissance en ligne a aujourd’hui la chance de pouvoir connaître à la perfection ses prospects et clients. Avant même d’être lancée, une DNVB à l’opportunité de collecter des données, notamment via des questionnaires, des sondages ou encore des tests produits. Ces données récoltées permettent aux DNVB, pour qui l’aspect communautaire est constituant, de lancer leur premier produit facilement et de se développer plus rapidement.

À titre d’exemple, la marque de vêtements ASPHALTE propose directement sur son site un onglet co-création. À travers plusieurs questionnaires, les clients de la marque ou de simples visiteurs peuvent répondre à des questions afin de co-créer les futurs produits.

La marque profite d’avis spontanés, et les internautes se sentent réellement impliqués dans le développement de la marque. Elles bénéficient alors d’une image d’authenticité et c’est ce qui permet la création et le développement de communautés fidèles !

LE canal incontournable d’une DNVB en 2022 ?

Historiquement et pour toutes les marques qui se lancent, Instagram reste le réseau social de référence. La problématique actuelle réside dans le fait que les canaux en ligne sont nombreux et qu’une marque va facilement se lancer sur plusieurs réseaux sociaux à la fois : Facebook, Instagram, TikTok ou encore Pinterest.

En fonction de la cible, chaque marque aura un levier prédominant. Une marque de décoration, sera plus facilement sur Pinterest, qu’une marque de vélo par exemple.

Au niveau des dépenses publicitaires, celles des DNVB sont un peu floues. Cependant, voici quelques données importantes à connaître :

  • 87% sont réparties entre Facebook et Instagram ;
  • 15% sur Pinterest ;
  • 7% sur Snapchat.

« Les marques 100% digitales atteignent assez rapidement un plafond de verre en fonction des catégories, notamment à cause des coûts d’acquisition qui augmentent. »

Les chiffres pour Facebook et Instagram ne sont pas étonnants. Même si le réseau social historique, à savoir Facebook, semble délaissé des plus jeunes, il permet à de nombreuses marques d’être découvertes et donc développer leur notoriété générer des ventes.

Les DNVB s’orientent facilement sur les réseaux jeunes, comme TikTok par exemple. Ici, les marques vont plus loin et ne font pas « que » la promotion de leurs produits. On découvre les personnes de l’équipe, les backstages ou encore des tendances.

La marque Merci Handy par exemple peut se vanter d’avoir 433 000 abonnés TikTok. Un chiffre fort, quand on sait que la marque a regroupé depuis son lancement en 2014, 472 000 abonnés sur Instagram.

@mercihandy

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Quel avenir pour les DNVB ?

Une DNVB devient-elle obligatoirement une ONVB ?

Pour continuer dans le casse-tête des acronymes, la question ici est de savoir si une Digital Native Brand devient obligatoire une Omnichannel Native Vertical Brand. Il est donc intéressant de se demander si une marque digitale, va, avec le temps, développer des pop-up stores, ou encore s’intégrer à des places de marché.

Parmi les DNVB les plus populaires comme My Jolie Candle, Merci Handy ou encore Tediber, la plupart ont développé leurs propres points de vente, ou ont signé des partenariats avec de grandes enseignes comme Sephora ou Monoprix, afin d’étendre leurs canaux de distribution au-delà du 100% en ligne.

D’une manière générale, une DNVB qui grandit devient une ONVB, et cela le plus vite possible.
Le développement idéal d’une DNVB repose sur le schéma suivant :

  • une campagne de crowdfunding est lancée ;
  • l’entreprise vend uniquement en ligne et développe sa connaissance client ;
  • la marque ouvre un ou plusieurs pop-up ;
  • N+1 : la marque développe son réseau de boutique ;
  • Enfin, l’entreprise va se concentrer sur son développement à l’international.

L’objectif à terme étant d’internaliser complètement la chaîne de production, créer ses propres usines (si ce n’est pas déjà le cas) et donc de répondre à la partie “Verticale” qui caractérise une DNVB.

Les DNVB de demain ?

Si l’on regarde l’évolution des différents secteurs, on remarque que le secteur de l’enfance a souvent été délaissé. Aujourd’hui 29 marques se sont spécialisées dans la thématique de l’enfance. Avec le temps, on peut imaginer que ce chiffre puisse continuer à augmenter.

Autre secteur qui a connu un boom et dont le développement devrait se poursuivre : l’ameublement. Avec la pandémie et les magasins fermés, les consommateurs ont pris l’habitude d’acheter en ligne, peu importe le produit. Cette pratique devrait s’imposer, d’autant plus qu’en ligne, certaines promotions sont exclusives et indisponibles en magasin.

Le bien-être, d’une manière générale, est le secteur qui devrait le plus évoluer, notamment celui associé au sport. Prendre soin de soi, de son corps est devenue une norme, aussi bien pour l’épanouissement personnel que professionnel.

Enfin, secteur souvent oublié et pourtant à succès, celui du plaisir intime. Avant d’être référencées en magasin ou sur des marketplaces, ces entreprises à l’image de Puissante se font connaître essentiellement en ligne. Si ce secteur restera toujours moins important que la cosmétique par exemple, il tend cependant à se développer notamment via les tendances sociétales liées au plaisir intime, à la femme, etc.

Pour conclure, le marché des DNVB pourrait potentiellement représenter 15 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Aujourd’hui, les DNVB représentent 2% du commerce et couvrent quasiment tous les secteurs, à l’exception du bricolage, de la chirurgie ou encore du dentaire, des secteurs plus complexes, il faut le dire.

Dans tous les cas, il semble que les DNVB auront toujours un temps d’avance, car ces marques digitales sont aujourd’hui le poumon des consommateurs.