L’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) et l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom, fusion du CSA et de Hadopi) ont publié leur référentiel commun des usages numériques. Cette étude propose une vision globale des pratiques et usages du numérique en France en 2020 et 2021.

Elle a été initiée par le pôle numérique Arcep – Arcom, fondé en mars 2020. Ce pôle doit permettre de mieux comprendre l’économie du marché du numérique français. Les deux autorités considèrent que ce travail permettra d’améliorer la mise en œuvre de leurs nouvelles missions de régulation, dans un secteur en perpétuel mouvement.

Quelle adoption et quelle couverture pour internet à très haut débit ?

Selon l’Arcep et l’Arcom, l’adoption et le déploiement des technologies permettant l’accès à internet à très haut débit s’accélèrent. Entre le deuxième trimestre 2020 et le deuxième trimestre 2021, on note une augmentation de 12 % des abonnements internet exploitant la fibre optique (+4,1 millions d’abonnements), portant à 54 %, la part des abonnements internet à très haut débit en France (12,4 millions d’abonnements).

Abonnements à très haut débit selon la technologie et le débit.

Capture d’écran : Observatoire des services fixes haut et très haut débit ; abonnements et déploiements pour le T2 2021.

27 millions d’habitations et bâtiments sont raccordables à la fibre optique, soit une augmentation de 6,2 millions de locaux en un an. L’Arcep se félicite de ce chiffre, mais souhaite aller encore plus loin pour atteindre une couverture fibre optique sur 100 % du territoire d’ici 2025. En novembre dernier, l’autorité présentait son plan d’action pour un meilleur déploiement de cette technologie comportant trois axes principaux :

  • Une meilleure communication entre les opérateurs d’infrastructures et les commerciaux grâce à un outil interopérateur de notification en temps réel. Avec cette plateforme, l’ensemble des acteurs permettant la mise en place de la fibre optique dans les foyers pourra se coordonner pour accélérer son installation ;
  • L’analyse des comptes rendus photo grâce à l’intelligence artificielle afin d’améliorer les raccordements de la fibre optique à l’avenir ;
  • La remise en état des infrastructures les plus anciennes et les plus dégradées.

La couverture des réseaux 4G progresse également puisque 99 % de la population est couverte par la 4G en extérieur. Le taux de couverture territoriale en France métropolitaine est de 94 %. À 79 % ce sont des clients mobiles qui utilisent les réseaux 4G en France en 2021. On note que les acteurs de l’amélioration du réseau 4G se sont particulièrement concentrés sur les zones rurales et les zones dites « intermédiaires », les zones denses étant déjà bien couvertes. Les zones blanches tendent à disparaître, l’un des objectifs de mettre fin à la fracture numérique dans le pays.

Malheureusement, l’étude ne prend pas en compte le déploiement et l’accélération de la 5G. C’est pourtant l’une des priorités de l’Arcep, sous l’impulsion de sa nouvelle présidente, Laure de La Raudière. Récemment, cette dernière, avec l’aide du gouvernement, a mis en place deux nouvelles mesures pour que les industries et les acteurs « verticaux » (collectivités locales, universités, laboratoires de recherche, etc. ) puissent avoir plus facilement recours à la 5G. Ainsi, de nouvelles bandes (3,8 – 4,0 GHz) leur seront dédiées tandis qu’un portail permettra de simplifier l’accès à la bande 2,6 GHz.

La crise sanitaire : catalyseur des usages du numérique en France

Avec la crise sanitaire et les confinements successifs, de nombreuses entreprises et particuliers se sont tournés vers le numérique afin de poursuivre leurs activités. Bien entendu, l’une des premières actions que les entreprises ont mises en place lors du confinement de mars 2020 est le télétravail. Selon l’Arcep et l’Arcom, le télétravail a permis de « remettre l’ordinateur au centre des usages internet » face à la concurrence du smartphone.

Entre 2019 et 2020, l’utilisation quotidienne de l’ordinateur a progressé de 19 points, passant de 47 % à 66 %. Une progression qui se révèle également au travers des équipements employés pour se connecter à internet : le smartphone utilisé à 51% pour se connecter en 2019 contre 31% pour l’ordinateur a cédé sa place en 2020 avec 43% de connexion à internet via ordinateur contre 41% pour le smartphone. Néanmoins, le smartphone reste l’équipement le plus utilisé au quotidien : 78 % des 12 ans et plus.

Les équipements connectés privilégiés par les français

Capture d’écran : Baromètre du numérique – Édition 2021 ; étude CREDOC réalisée pour le compte de l’Arcep, du CGE et de l’ANCT.

Tous les moyens pour se connecter à internet à domicile ont vu leur utilisation augmenter drastiquement, que ce soit avec un ordinateur branché grâce à un câble Ethernet ou via le Wi-Fi, avec les smartphones ou avec les tablettes tactiles. Ces dernières sont utilisées quotidiennement par 26 % de la population âgée de 12 ans et plus.

Fin 2020, 92 % de la population française consulte régulièrement internet. 67 % indiquent avoir passé du temps sur les réseaux sociaux au cours des douze derniers mois. D’autres services ont été plébiscités, contexte sanitaire oblige : les applications de visioconférence et de santé ont réalisé des scores importants en 2020 et 2021. En 2021, TousAntiCovid a occupé la place d’application la plus téléchargée.

Enfin, la crise sanitaire a accéléré la numérisation des entreprises. 78 % des dirigeants de TPE/PME estiment que le numérique représente un vrai bénéfice pour leur structure, ce qui constitue un bond de 10 points en un an. 2 entreprises sur 3 ont leur propre site internet pour présenter leurs activités en 2021, contre 1 entreprise sur 3 en 2020. Les entreprises sont de plus en plus équipées en outils numériques afin de répondre à des besoins qui évoluent constamment.

Avantages du numérique selon les entreprises.

Capture d’écran : France Num – Baromètre 2021, Octobre 2021.

Focus sur l’écologie : quel impact du numérique sur l’environnement ?

L’Arcep et l’Arcom ont porté leur attention sur l’impact environnemental des usages numériques, notamment en ce qui concerne les équipements numériques. 81 % des émissions de gaz à effet de serre du numérique proviennent des terminaux numériques, selon le rapport. Parmi l’ensemble de ces émissions de gaz à effet de serre, 23 % sont issues des téléviseurs, 14 % des ordinateurs portables, 13 % des smartphones et 12 % de nos box internet qui sont, le plus souvent, constamment allumées.

Dans leur étude, les autorités françaises s’intéressent de plus près au smartphone. Sa durée de détention reste faible, qu’il soit acheté neuf ou d’occasion. Près de 2 smartphones sur 3 sont conservés moins de deux ans, tandis qu’une faible minorité (3 à 4%) est utilisée plus de cinq ans. Après avoir servi, les smartphones sont, pour plus de la moitié d’entre eux, conservés par leurs anciens utilisateurs. En général, l’usager estime que l’appareil pourrait encore servir à l’avenir, en cas de pépin. À noter que plus d’un utilisateur sur 4 donne ou vend son téléphone et qu’ils sont seulement 14 % à tenter de le recycler.

Usages des anciens smartphones

Capture d’écran : Baromètre du numérique – Édition 2021 ; étude CREDOC réalisée pour le compte de l’Arcep, du CGE et de l’ANCT.

Le 15 novembre 2021, la loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique a été adoptée. Selon celle-ci, si rien n’est fait à court terme, le numérique sera à l’origine de 24 millions de tonnes équivalent carbone en 2040, ce qui correspondrait à 7 % des émissions de gaz à effet de serre de la France. Aujourd’hui le numérique en représente 2 %. En 2022, le pôle numérique Arcep – Arcom, avec l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), devrait lancer une étude pour évaluer plus en détail l’impact de la diffusion et de la consommation de contenus audiovisuels.

D’après Françoise Berthoud, informaticienne au Gricad, dont les propos ont été repris par CNRS Le Journal, le secteur des nouvelles technologies péserait entre 6 et 10 % de la consommation mondiale en électricité, soit 4 % des émissions de gaz à effet de serre. Parmi les technologies polluantes, se trouve le cloud computing, exploité par les entreprises pour stocker ou transférer de grandes quantités de données, ou les blockchains utilisées notamment pour les transactions via cryptomonnaies.

Quelles compatibilités entre le secteur audiovisuel et le numérique à l’heure actuelle ?

Avec le Covid-19 et la crise sanitaire qui en découle, les ménages ont passé plus de temps devant le petit écran qu’à l’accoutumée. Alors que le chiffre était en baisse constante, il a connu plusieurs pics. En plein cœur du confinement, en avril 2020, il a dépassé les 4 heures 35 d’écoute moyenne par jour. Pour cette année 2021, la durée de visionnage individuel moyenne s’élève à 3 heures 42 par jour, un niveau quasi identique à celui de décembre 2019.

Mais les pratiques pour consommer du contenu audiovisuel ont évolué. Grâce à l’arrivée des smart TV (ou téléviseurs connectés), 86 % des utilisateurs de ce type de téléviseurs exploitent les services de télévision en replay, et 76 % visionnent d’autres contenus vidéos que ceux des chaînes de télévision. De nombreux services sont utilisés pour diversifier les contenus comme les services de vidéo à la demande par abonnement comme Netflix, MyCanal, Prime Video, Salto ou encore Disney+.

Consommation de SVOD en France.

Capture d’écran : Hadopi et CSA (nouvellement Arcom), étude sur la multiplication des services de vidéo à la demande par abonnement, stratégies de développement et impact sur les usages.

Parmi les stratégies mises en place par les utilisateurs pour optimiser leur consommation de contenus vidéos divers tout en limitant les coûts, le partage de comptes est une pratique courante. Plus de la moitié des abonnés à un ou plusieurs services SVOD recourent au partage de compte, et 20 % d’entre eux partagent même un de leurs comptes avec des personnes en dehors de leur foyer.

Malgré le développement de services légaux de vidéo à la demande, la consommation illégale de contenus vidéos reste élevée. Un secteur où les progrès les plus significatifs concernent les retransmissions sportives en direct, sous l’effet de l’explosion des droits de diffusion. La loi anti-piratage, promulguée le 25 octobre 2021, a pour but de renforcer la lutte contre ces pratiques. Entre janvier et février 2022, de nombreux consommateurs de ces services illégaux ont vu leurs sites de streaming être bloqués par l’Arcom, sur demande de BeIN Sport et Canal+, détenteurs de la plupart des droits de diffusion d’événements sportifs en France.

Le numérique s’est imposé dans le quotidien des Français, de sa jeunesse, de l’économie du pays et même du continent avec l’émergence des débats autour de la souveraineté. Alors que le pays est en pleine campagne pour l’élection présidentielle, la présence de cet enjeu reste pourtant secondaire. Attention à ne pas faire du numérique l’un des parents pauvres des débats.