La guerre juridique entre les autorités antitrust et Google bat son plein. Le département de la Justice américain a dévoilé le 21 mars avoir déposé une requête devant un tribunal de Washington D.C., daté du 8 mars. Elle reproche à Google la dissimulation de documents dans le cadre d’une enquête pour monopole illégal. Mountain View est accusé d’abuser de la protection de la correspondance avocat-client, pour expurger le contenu de certains éléments du dossier.

Des salariés de tous niveaux formés à mobiliser le secret avocat-client

Le département de la Justice accuse (pdf) Google d’avoir « formé ses employés à l’utilisation du privilège avocat-client pour dissimuler des communications professionnelles ordinaires dans le cadre de litiges et d’enquêtes gouvernementales ». Un programme intitulé « Communicate with Care » serait entièrement consacré à cette mission depuis près d’une décennie.

La directive d’adjoindre un juriste de l’entreprise à une chaîne de message aurait été répétée à au moins deux reprises. Une première fois en 2016, à l’occasion du déclenchement de l’enquête de la Commission européenne pour abus de position dominante avec Android. La seconde lorsque l’enquête des procureurs et du département de la Justice américain a été déclenchée sur les activités recherches et publicitaires du groupe.

Concrètement, les employés de Google ajoutaient des phrases types dans leurs chaînes de mail du type pls advise, privileged, adding legal, etc., des milliers de documents sont adjoints de ce type de termes. Un avocat est également mis en copie des discussions. Autant de future justification pour transmettre, le cas échéant, des documents caviardés à la justice.

Pour le gouvernement américain, « ces communications ne sont pas de véritables demandes de conseils juridiques, mais plutôt un effort pour cacher des preuves potentielles ». L’accusation présente plusieurs exemples jugés édifiants.

En mars 2020, un vice-président de Google a ouvertement dit, sur une discussion portant sur des négociations commerciales, qu’il ajoutait un avocat, car son message comporterait des « mots déclencheurs ». Dans ce cas, le département de la Justice rapporte que « L’avocat inclus n’a répondu à aucun des quelque 25 courriels suivants de la chaîne et a finalement été entièrement retiré du fil de discussion, ce qui confirme que son inclusion n’avait pas pour but légitime de demander un avis juridique ».

Sundar Pichai en personne, le directeur général de Google et PDG d’Alphabet, aurait procédé ainsi lors d’un échange avec Susan Wojcicki, PDG de YouTube. Le juriste adjoint à la conversation n’aurait jamais répondu. Pour les autorités antitrust, les avocats, dans la confidence, ont pris l’habitude de ne même pas prendre la peine de répondre à un grand nombre d’ajouts similaire.

Pour Google, du balai ! Il n’y a rien à voir

Le porte-parole Google rejette les accusations. L’entreprise s’est défendue auprès du média Axios en déclarant que « Tout comme les autres entreprises américaines, nous informons nos employés sur les privilèges juridiques et sur le moment où il convient de demander conseil à un avocat. Et nous avons produit plus de quatre millions de documents au DOJ dans cette seule affaire – y compris de nombreux documents que les employés avaient considérés comme potentiellement confidentiels ».

Les requérants demandent au juge une sanction contre l’entreprise et l’accusent d’avoir « ordonné la production intégrale des courriels retenus et expurgés dans lesquels un avocat de l’entreprise a été inclus dans une communication entre non-avocats et n’a pas répondu ».

Le département de la Justice demande également à la cour de prendre en compte la mauvaise volonté de Google dans la transmission d’informations clefs. Les autorités antitrust accusent depuis 2021 le géant d’avoir transmis des documents partiels sans aucune raison pour retarder l’enquête. Autant de batailles que se livrent et continueront à se livrer les autorités antitrust et Mountain View, dont l’objectif est de gagner la guerre ou, au moins, de repousser le plus longtemps possible son issue.