En 2022, le numérique occupe une place de plus en plus importante dans nos vies et donc indéniablement dans la politique. France Digitale, le lobby des startups hexagonales, propose un comparatif des programmes des candidats à l’élection présidentielle sur les différents sujets ayant trait au numérique. Verdict : même si les entrepreneurs sont de plus en plus écoutés et compris par les candidats, le numérique est encore trop absent dans les programmes.

Numérique : France Digitale décortique les programmes des candidats

Plusieurs grandes thématiques ont été analysées par France Digitale. On peut notamment accéder à un comparatif sur la fiscalité et le financement de l’écosystème. Sur la souveraineté de la France vis-à-vis des GAFAM, sur l’éducation et la formation au numérique, sur la cybersécurité, sur le droit du travail, sur l’innovation et l’impact, sur la commande publique ou encore sur l’état des services publics. Dans ce comparatif, vous ne trouverez pas de proposition d’Emmanuel Macron : le Président candidat n’a pas encore publié de programme. Les « petits candidats », Jean Lassalle, Philippe Poutou et Nathalie Arthaud, n’ont pas été pris en compte.

Globalement, l’association estime que le numérique n’est toujours pas assez présent dans la campagne et que les candidats manquent de vision globale. On peut lire que « les enjeux numériques devraient être évoqués sur toutes les thématiques de la campagne présidentielle », mais que ce n’est vraisemblablement pas le cas. Selon Maya Noël, directrice générale de France Digitale, « alors que le bilan de nos startups impressionne en termes de créations d’emplois, de valeur, d’innovation… beaucoup reste encore à faire pour permettre au numérique de révéler l’ensemble de ses opportunités pour notre société et notre pays ».

La cybersécurité, un sujet majeur délaissé par les candidats ?

Sur le sujet de la cybersécurité, les candidats n’auraient pas pris la pleine mesure du problème. Selon l’association, certains candidats avancent tout de même quelques propositions concrètes pour renforcer notre écosystème cyber. Parmi les projets : créer une certification par l’Anssi des téléphones de l’ensemble des hauts cadres de l’administration et du gouvernement, créer un parquet national cyber, ou encore créer une véritable flotte de drones sous-marins pour protéger les câbles où circulent les données.

Jean-Luc Mélenchon, de la France Insoumise se démarque comme le candidat qui s’est le plus emparé du numérique. Il propose notamment de créer une conscription citoyenne obligatoire de neuf mois effectuée entre 18 et 25 ans, rémunérée au SMIC, avec une formation militaire initiale et une composante numérique. Elle « constituera le socle d’une garde nationale permettant notamment de renforcer les capacités de cyberdéfense de la France ». Il soumet également l’idée d’élaborer un droit international cyber ou encore de mobiliser l’espace numérique et la réalité spatiale pour installer des systèmes défensifs et non létaux contre les agressions et pour la paix.

Sur ce même sujet, Anne Hidalgo, pour le Parti socialiste, propose simplement de « renforcer la défense de l’Europe avec une véritable stratégie industrielle commune et un soutien à la recherche et développement, pour faire face aux principales menaces de cybersécurité ». Sans émettre de réelles propositions, l’écologiste Yannick Jadot souhaite « renforcer les moyens de l’État contre la cybercriminalité, le harcèlement et la haine en ligne ». De son côté, la candidate des républicains, Valérie Pécresse veut faire des entreprises françaises et européennes de la cybersécurité ou de l’intelligence artificielle des championnes de la souveraineté à l’image de Tehtris ou d’OVH.

Un front commun contre le monopole des GAFAM

Sur le sujet de la souveraineté française et européenne par rapport aux GAFAM, « le grand sujet numérique de la campagne », la condamnation de la situation de quasi-monopole des géants de la tech fait l’unanimité auprès des candidats. Ils ont tous conscience du déséquilibre entre les grandes entreprises technologiques et les autres acteurs, économiques ou étatiques. En revanche, peu de solutions concrètes sont avancées pour y remédier. Plusieurs candidats lancent des appels aux nouvelles taxes du secteur numérique (Marine Le Pen, Nicolas Dupont-Aignan, Anne Hidalgo, Yannick Jadot, Fabien Roussel).

Les candidats de gauche ont formulé de nombreuses propositions à ce sujet. De la plus extrême avec Yannick Jadot et la mise en oeuvre d’une loi nationale et européenne « de démantèlement des GAFAM », en passant par la nationalisation des infrastructures numériques les plus importantes avec Jean-Luc Mélenchon, jusqu’à l’idée de limiter la puissance des GAFAM en garantissant le pluralisme et la concurrence avec Anne Hidalgo. À l’extrême droite, Éric Zemmour veut faire émerger des solutions françaises souveraines dans le cloud et investir dans les technologies de rupture. Marine Le Pen, pour le Rassemblement national suggère d’être plus de vigilants à l’égard des géants du numérique chinois.

Il ressort de ce comparatif que certains candidats portent des mesures parfois trop caricaturales et irréalistes. Proposer le démantèlement des GAFAM en est l’un des exemples. Une telle mesure risquerait de mettre en péril les investissements étrangers en France et d’entraver le développement des startups, à en croire France Digital. Enfin, Mélenchon est l’un des seuls candidats à vouloir garantir la neutralité du Net et refuser la censure privée opérée par les GAFAM sur les réseaux sociaux. Selon lui, « la France doit défendre un autre modèle d’Internet ».

Il y a urgence à accélérer la transformation numérique du service public, mais ce n’est pas l’avis de tous les candidats

Concernant le service public, France Digitale estime que l’absence de proposition d’un ministère du Numérique est dommageable, « alors qu’il existe un enjeu d’incarnation indispensable. Nous voulons un pilote dans l’avion, en capacité de siéger de manière permanente au Conseil des ministres et dans les rencontres interministérielles ». Dans son analyse, France Digitale note des tentations de « dénumérisation » chez les candidats de gauche, comme Jean-Luc Mélenchon qui défend le retour des formulaires papier dans l’administration.

Ce qui ressort dans les propositions des candidats sur ce sujet, c’est un impératif de simplification administrative. Valérie Pécresse propose par exemple de créer un « comité de la hache » pour simplifier l’administration. Le but est de diviser par deux les codes juridiques et de diviser par deux tous les délais de traitement administratifs. Elle explique vouloir « s’appuyer sur les entreprises de la tech pour simplifier tous les process des services publics ». Sur le même sujet, Éric Zemmour souhaite créer un Haut-Commissariat à la simplification administrative, directement rattaché au Président de la République pour « débarrasser les ménages des lourdeurs administratives ».

Sur le sujet de l’accessibilité au numérique, Marine Le Pen propose « un grand plan de renforcement de l’accessibilité dans les transports publics, la voirie, le logement et le numérique pour remplir enfin l’objectif de la loi handicap de 2005 ». Jean-Luc Mélenchon souhaite, lui, instaurer un droit d’accès minimal gratuit à Internet quand Fabien Roussel aimerait pouvoir garantir un meilleur aménagement du territoire « afin que l’usager trouve, près de chez lui, un bouquet de services publics de proximité ». France Digitale rappelle que 12% des ménages français ne sont toujours pas équipés de matériel informatique et que 17% des Français sont en situation d’illectronisme.

Le subtil équilibre entre innovation et impact

À gauche comme à droite, les candidats ont bien compris l’importance et la nécessité de renforcer les liens entre recherche privée/et publique, et entre la recherche académique et l’entreprise. Un sujet abordé le 12 octobre 2021 par Emmanuel Macron au moment de la présentation du plan France 2030. Sur ce sujet, France Digitale estime que le prochain quinquennat devra impérativement être celui de la concrétisation. Eric Zemmour s’est emparé du sujet. Il souhaite allouer 3% du PIB à la recherche et au développement à horizon 2027 et revaloriser les centres de recherche et de l’innovation.

Yannick Jadot souhaite lui réorienter le Crédit d’impôt recherche (CIR) vers des projets visant à décarboner et à relocaliser notre économie ainsi qu’à préserver la biodiversité. Il désire néanmoins allouer 1% du PIB national à la recherche publique d’ici 2025 pour créer 10 000 postes d’enseignants-chercheurs et soutenir les pratiques pédagogiques qui favorisent l’interdisciplinarité. Nicolas Dupont-Aignan propose de « mieux rémunérer les chercheurs et les doctorants » et de verser des royalties sur l’exploitation industrielle des brevets pour valoriser les chercheurs et les ingénieurs.

France Digitale pointe du doigt de fausses bonnes idées sur l’implantation de centres de données que certains candidats de gauche souhaitent restreindre sur notre territoire. Anne Hidalgo propose notamment de s’engager dans la sobriété numérique, car « le numérique contribue d’ores et déjà plus que le transport aérien aux émissions de gaz à effet de serre et son impact augmente rapidement ». Elle aimerait donc obliger les principaux opérateurs de data centers à établir une charte de réduction de leur empreinte carbone. Jean-Luc Mélenchon souhaite lui baisser la production de chaleur des datacenters et les soumettre à une autorisation de construction.

Le numérique est bien présent dans les programmes des candidats, à des degrés divers et avec des stratégies différentes. On constate que les candidats de gauche comme de droite sont sensibles au sujet de la transformation numérique. Il sera intéressant d’observer les propositions d’Emmanuel Macron et surtout d’analyser comment le candidat élu mettra en œuvre sa stratégie. La France doit rattraper son retard sur les grandes puissances mondiales sur ce sujet.