Depuis décembre dernier, l’Arcom somme 5 sites pornographiques d’empêcher l’accès à leurs contenus aux mineurs. Resté sans réponse, le régulateur français des médias saisissait le tribunal judiciaire le 8 mars dernier. Il demandait alors le blocage de Pornhub, Tukif, Xhamster, Xvideos et Xnxx.

Néanmoins, si la justice décide de bloquer ces sites, quelles solutions ont-ils à disposition pour pouvoir interdire leurs sites aux moins de 18 ans et sont-elles sans danger ?

L’Arcom demande aux sites pornographiques de se conformer à la loi en restreignant leur accès aux mineurs pour les protéger

L’histoire remonte à 2020, lorsque le CSA (devenu l’Arcom en ce début d’année 2022) est sollicité par trois associations de parents (Open, Unaf et Cofrade) pour que le contenu des sites pornographiques soit mis hors d’accès des mineurs. Suite à cela, une loi est promulguée le 30 juillet 2020, stipulant que les plateformes hébergeant du contenu pornographique soient rendues inaccessibles aux mineurs. Le cas échéant, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel pourrait mettre ces dernières en demeure et, en cas d’inaction de leur part, saisir le président du tribunal de la justice de Paris.

Les vidéos à caractère pornographique de Pornhub, Tukif, Xhamster, Xvideos et Xnxx ne respectant pas ces exigences, le CSA demandait en décembre dernier la restriction de leurs accès à un public majeur sous 15 jours, avant de les mettre en demeure pour non-respect de la loi. Devant le manque d’impact de ces mesures, le président de l’Arcom, – Roch-Olivier Maistre -, déclarait saisir le président du tribunal de la justice de Paris le 8 mars dernier, à la suite d’une conférence de presse sur la représentation des femmes à la télévision et à la radio. Il demandait alors le blocage de ces 5 sites sur le territoire français. Une date d’audience a ainsi été déterminée au 24 mai prochain.

Comment la justice va-t-elle bloquer l’accès à ces sites classés X ?

Ce même jour, l’Arcom déclarait dans un communiqué que l’objectif de cette demande était « que le président du tribunal de Paris (…) ordonne aux principaux fournisseurs d’accès à internet d’empêcher l’accès » à ces sites.
Il s’agit d’ailleurs de l’une des sanctions prévues par la loi dans le cas où des sites classés X tenteraient de s’exonérer de leurs responsabilités. L’autre étant leur déréférencement.

Pour empêcher l’accès à ces sites, les fournisseurs d’accès à internet (FAI) vont faire en sorte que lorsque le nom du site est recherché, le DNS (Domain Name System) redirige l’internaute du serveur qui l’héberge physiquement vers une autre adresse en modifiant l’adresse IP (suite de chiffres qui indique l’emplacement physique, soit dans quel serveur il est stocké au sein d’un data center). Ce type de procédé a notamment été utilisé en 2015 pour lutter contre les sites promouvant le terrorisme. Lorsqu’un site est rendu inaccessible, le visiteur est redirigé vers une page web expliquant pourquoi le site en question a été bloqué.

Le déréférencement d’un site consiste à ce qu’un ou plusieurs résultats obtenus via un moteur de recherche à partir de mots-clés soient supprimés. Si le site et son contenu subsistent, ils ne deviennent en revanche accessibles qu’aux internautes qui se rendent directement sur ce dernier. Cette solution serait ici uniquement envisagée dans le cas où des sites miroirs seraient créés suite au blocage des sites par les FAI.

Devant la menace de ces sanctions, quels moyens ont ces sites pour prendre leurs responsabilités et rendre leurs contenus inaccessibles à un public mineur ?

Rendre les sites pornographiques inaccessibles aux moins de 18 ans : un marché porteur en Europe

Devant l’évolution des lois concernant l’accès aux sites au contenu sensible, la vérification de l’âge des internautes est aujourd’hui considérée comme un marché porteur. Ce dernier est d’ailleurs estimé à 4 milliards d’euros d’ici 5 à 7 ans selon l’Avpa, qui fédère les fournisseurs de vérification de l’âge. On note effectivement que 30% des sites européens doivent, pour se conformer aux réglementations de plus en plus exigeantes vis-à-vis de la protection des mineurs, vérifier l’âge de leurs utilisateurs. Ce marché est d’autant plus en expansion depuis septembre 2021, date à laquelle la commission européenne rappelait à l’ordre les États membres qui n’auraient pas encore pris les mesures nécessaires.

À ce jour, la majorité des sites proposant du contenu sensible recourt à des tiers vérificateurs, soit des sociétés spécialisées dans la vérification de l’identité. Ces dernières utilisent trois grands types de solutions :
⁃ Le scan de la pièce d’identité ;
⁃ L’estimation de l’âge du visiteur à partir d’un selfie ;
⁃ L’analyse des informations partagées sur les réseaux sociaux.

De son côté, le webmaster de Tukif assure vérifier l’âge grâce aux cartes bancaires des utilisateurs.

Ces entreprises de vérification assurent ne pas envoyer les informations collectées sur un serveur et qu’elles ne sont pas conservées afin de garantir l’anonymat.

La question de l’expérience utilisateur se posant, le Consortium EUConsent a été créé dans le but de permettre aux différents acteurs de partager toutes les vérifications réalisées, ce qui éviterait à l’internaute de devoir à chaque fois réitérer des démarches chronophages (et aux sites de perdre du trafic par la même occasion).

Malheureusement, aucune de ces alternatives ne semble vraiment répondre aux besoins des plateformes concernées à ce jour, et ce pour différentes raisons. Un projet de loi porté en 2019 en Angleterre concernant la surveillance de l’âge sur les sites X avait finalement été abandonné par crainte de violations de la vie privée, voire l’émergence de chantages liés aux habitudes pornographiques.

En France, la Cnil s’est penchée sur le sujet à la demande de Roselyne Bachelot, ministre de la Culture.

La CNIL alerte sur les dérives de la collecte de données personnelles

En 2021, un avis non publié de la Cnil (Commission internationale de l’information et des libertés) était relayé chez nos confrères de Next INpact concernant la vérification de l’âge sur les sites pornographiques.

Selon la commission, « la mise en place de procédés techniques de vérification de la majorité d’âge des utilisateurs est susceptible d’entraîner la mise en œuvre de traitement de données à caractère personnel », renvoyant aux exigences de la RGPD.

Elle met également en garde contre les potentielles dérives que pourrait entraîner la collecte de données personnelles permettant d’identifier les visiteurs. Cela pourrait en effet devenir problématique dans le cas où l’orientation sexuelle d’un internaute serait déduite à partir des contenus visionnés, tandis qu’il s’agit de données personnelles sensibles qui ne devraient pas pouvoir être collectées et stockées.

Cet avis alerte également sur les risques encourus par les utilisateurs qui auraient délivré des informations personnelles aux sites pornographiques en cas de cyberattaque. C’est pourquoi la Cnil invite les plateformes à avoir recours à un tiers de confiance.

Bien que des solutions existent, nous n’en trouvons pas à ce jour de fiable pour les plateformes pornographiques. La question est donc de savoir si, au sein de ce nouveau marché en expansion, une entreprise saura trouver une proposition efficace et viable pour ces sites soumis à de nouvelles règles de plus en plus restrictives… ?