Des démocrates de la Chambre des représentants et du Sénat ont proposé le 16 mars une loi pour bloquer les fusions-acquisitions dépassant les 5 milliards de dollars. Le « Prohibiting Anticompetitive Mergers Act (pdf) » pourrait poser un sérieux problème aux géants de la Tech américaine.

La loi antitrust qui fait trembler la Silicon Valley

Elizabeth Warren, la marraine de la loi au Sénat ne s’en cache pas, si la formulation du texte vise l’ensemble des entreprises américaines, ce sont bien celles du numérique qui sont visées. Rien de surprenant pour l’ancienne candidate à la primaire démocrate en 2021 qui avait fait du démantèlement des GAFAM le cœur de son programme.

Le « Prohibiting Anticompetitive Mergers Act » propose de donner les moyens au Département de la Justice et à la Federal Trade Commission (FTC), les deux entités antitrust américaines, de bloquer les acquisitions au-delà de 5 milliards de dollars sans passer par les tribunaux. Idem pour les achats permettant d’obtenir une part de marché dépassant 25% sur un marché. Le texte va même plus loin en interdisant les fusions en cas d’antécédent de non-respect des lois antitrust.

Les fusions pourraient également être annulées rétroactivement si elles ont conduit à des parts de marché supérieur à 50% dans un domaine, ou un préjudice notable pour les employés, les consommateurs et les petites entreprises.

L’acquisition d’Instagram par Facebook en 2012, aujourd’hui jugée anticoncurrentielle par la FTC, est dans tous les esprits. Plus largement, si la loi passait, le rachat de Mandiant par Google, 5,4 milliards de dollars, serait à oublier, la fusion de MGM et Amazon, 8,4 milliards de dollars, est à l’eau, l’acquisition record d’Activision Blizzard par Microsoft, 69 milliards de dollars, inutile d’y penser.

Les démocrates trop fragiles pour faire passer la loi, pour l’instant…

L’ambition des démocrates est de limiter les possibilités de recours de la Tech devant les tribunaux fédéraux. Ces derniers sont parfois perçus trop conciliants, en vertu de la loi en vigueur, avec les grandes entreprises. La multiplication des recours est aussi un excellent moyen pour limiter l’efficacité des politiques antitrust en laissant traîner les décisions sur plusieurs années. La justice fédérale pourrait tout de même être saisie si une agence agit de façon « arbitraire ou capricieuse », note Politico.

7 sénateurs et 11 représentants ont paraphé le « Prohibiting Anticompetitive Mergers Act », dont Bernie Sanders et Alexandria Ocasio-Cortez. Politico signale toutefois l’étonnante absence d’Amy Klobuchar parmi les signataires, pourtant à la pointe de la lutte antitrust au Sénat.

De même, l’absence de parrain issu des rangs républicains incite au pessimisme. La majorité démocrate est très fragile au Congrès, sans soutien venu du camp d’enfance, la loi Warren-Jones à peu de chance d’aboutir dans l’immédiat. Un ouf de soulagement doit souffler dans la Tech américaine, mais la menace est désormais concrète.