Si le boom de la voiture électrique doit booster la demande en lithium, l’exploitation de ce métal pose de réelles questions environnementales. Comme le rapporte CNBC, les initiatives pour rendre cette exploitation plus « verte » se multiplient. Au Royaume-Uni, dans le comté de Cornouailles, l’entreprise Geothermal Engineering Ltd (GEL) travaille à utiliser les propriétés de la géothermie.

L’extraction du lithium, toujours indispensable

Le lithium est déjà présent partout dans nos vies. On le retrouve dans nos téléphones portables, nos ordinateurs, nos tablettes tactiles et beaucoup d’autres appareils électroniques. On le rencontre également dans les voitures électriques, dont le nombre est appelé à être démultiplié. En gardant à l’esprit qu’une batterie de Renault Zoe peut contenir jusqu’à 8 kilos de lithium, il s’est vendu 1,2 million de véhicules électriques et un million de véhicules hybrides en Europe de l’Ouest en 2021.

Si les batteries actuelles, au lithium-ion, peuvent être améliorées, le lithium reste pour l’heure indispensable à la production des futures voitures. Après une augmentation de son cours de 400% en 2021, sa demande doit continuer d’augmenter dans les prochaines années. Pour Julia Poliscanova, la directrice d’un groupe bruxellois centré sur la mobilité électrique, ce métal est « irremplaçable pour nos transitions vertes ». 

À long terme, la grande majorité du lithium doit venir du recyclage. L’experte estime cependant que dans les prochaines décennies, le lithium doit connaître « une croissance et une demande vraiment immenses. » L’extraction jouera donc un rôle central dans un avenir plus ou moins proche. Toujours selon Julia Poliscanova, la majorité du lithium devant être utilisé en 2030 n’a pas encore été extraite.

Réduire l’impact du lithium sur l’environnement

Problème : cette extraction est synonyme de pollution. Majoritairement menée dans des saumures et dans une roche appelée spodumène, elle implique, selon les procédés utilisés, des émissions de CO2, une dégradation des sols et une importante consommation en eau. Ses effets sont particulièrement redoutés dans les zones qui souffrent déjà de stress hydrique.

Pour pallier ces problèmes, Geothermal Engineering Ltd entend faire appel à ce que l’entreprise fait de mieux : utiliser la géothermie, c’est-à-dire récupérer la chaleur présente dans le sous-sol, afin de réduire l’empreinte carbone de l’exploitation du lithium et la rendre plus respectueuse de l’environnement.

GEL mène actuellement un projet pilote dans le comté de Cornwall, dans les Cornouailles anglaises. Le sous-sol de la région étant particulièrement riche en lithium, la région pourrait devenir un acteur économique majeur dans ce domaine si le projet du GEL aboutissait. L’entreprise cherche cependant à améliorer cette exploitation des roches granitiques du sous-sol, riches en lithium, sans pour autant nuire à une région réputée pour son littoral et ses fruits de mer.

En partenariat avec une autre entreprise, Cornish Lithium, ils ont créé une joint-venture baptisée GeoCubed. Le duo espère développer de nouvelles méthodes d’extraction du précieux métal, en se concentrant notamment sur la question des émissions de CO2. Dans un communiqué, GEL déclare : « L’objectif est de démontrer que l’hydroxyde de lithium, un composant clé des batteries lithium-ion utilisées dans les véhicules électriques, peut être produit à Cornwall à partir d’une eau géothermique naturelle avec une empreinte carbone nette nulle. »

La production à grande échelle n’est pas pour tout de suite

Le projet United Downs Deep Geothermal Power de GeoCubed se concentre sur la DLE, pour Direct Lithium Extraction. Cette extraction directe regroupe trois aspects : l’absorption et la liaison du lithium, l’échange d’ions et l’extraction par solvant. Dans l’usine pilote, qui a coûté 4 000 000 £ (environ 4 755 000 €), ils doivent étudier les rendements potentiels et propriétés de l’eau géothermique.

Cette eau étant chaude, elle capte effectivement mieux le lithium. Ryan Law, le fondateur et directeur général de GEL, indique ainsi que l’eau utilisée par sa centrale électrique a une teneur très élevée en lithium. Il suffirait de séparer le lithium pour profiter, en plus d’une production électrique, d’un métal extrait de façon plus respectueuse de l’environnement.

La réponse à cette problématique ne va cependant pas de soi. Comment procéder pour récupérer le lithium ? Le National Renewable Energy Laboratory (NREL), du département américain de l’énergie, se dit enthousiaste quant au potentiel du procédé, tout en prévenant qu’il restait « une tâche difficile » pour étendre les capacités de production. En sachant que la saumure géothermique contient de nombreux minéraux et métaux, comment récupérer uniquement le lithium et la séparer des autres composants ?

À quand le lithium vert ?

Ryan Law répond : « c’est ce que nous avons examiné en collaboration avec un certain nombre de partenaires. » Le dirigeant admet que la technologie n’est pas encore prête pour un usage à grande échelle. La multiplication des projets liés à la géothermie appelle cependant à l’optimisme.

En avril dernier, l’entreprise Volcan Energy Resources a commencé ses activités d’extraction directe dans le Haut-Rhin allemand.

Aux Etats-Unis, le PDG de Controlled Thermal Resources, Rod Colwell, a déclaré que sa société était « dans les délais » sur un projet similaire. D’ici fin 2023, elle entend livrer ses 50 premiers mégawatts d’énergie renouvelable, ainsi que 20 000 tonnes d’hydroxyde de lithium en 2024. Un projet qui a déjà attiré l’attention de General Motors.

Tous ces projets sont parvenus à des étapes différentes de maturité. Si rien n’est sûr, le potentiel de la géothermie dans la production de lithium est réel. Cela pourrait participer à remettre la géothermie sur le devant de la scène des énergies renouvelables. En France, la production d’électricité d’origine géothermique reste extrêmement marginale : bien que l’hexagone dispose d’autres sites exploitables, seul le site de Bouillante, en Guadeloupe, produit de l’électricité géothermique de manière industrielle. Il a produit 110 GWh en 2019, soit 6% de la production électrique de l’île.

Pour Julia Poliscanova, le lithium géothermique doit être encouragé sans pour autant devenir la priorité numéro un. Il ne doit venir qu’en complément d’autres efforts portant sur le recyclage des batteries et d’autres initiatives liées à l’économie circulaire. En attendant, le projet de GeoCubed se poursuit. En plus de relever des niveaux « encourageants » de lithium, l’enseigne a déclaré avoir détecté d’autres éléments intéressants, comme le césium, le rubidium et le potassium. Si tout se passe comme prévu, l’installation pilote doit entrer en service ce mois-ci.