Mykhailo Fodorov, vice-premier ministre de l’Ukraine et surtout ministre de la transformation numérique, ne cesse, depuis le début de l’invasion par la Russie, d’interpeller sur les réseaux sociaux les grandes entreprises du numérique pour qu’elles boycottent l’envahisseur, « aux noms des valeurs humaines ».

Le 2 mars, il a lancé un message similaire à l’industrie du jeu vidéo, l’appelant « à bloquer temporairement les comptes des joueurs russes et biélorusses, de stopper temporairement la participation des équipes russes et biélorusses à tous les événements esports internationaux et d’annuler tous les événements internationaux prévus sur le sol russe et biélorusse ». Plusieurs acteurs majeurs du jeu vidéo ont annoncé stopper leurs ventes dans les deux pays depuis cet appel.

Microsoft réactif, Sony et Nintendo plus timide

Sur son Tweet, Myckhailo Fodorov a directement désigné deux acteurs majeurs de l’industrie, Sony et Xbox. Microsoft, derrière la Xbox, a annoncé dès le vendredi 4 mars, que la plupart de ses produits ne seront plus disponibles en Russie, ceux liés à son activité jeux vidéo inclus. Sony n’a pas eu de prises de position officielles, mais certains médias spécialisés notent que son hit Gran Tourismo 7, sortit le même vendredi, n’était pas disponible en Russie.

Comme Sony, le troisième grand acteur de l’univers des consoles, Nintendo, n’a pas réagi. Les achats via son eShop sont néanmoins suspendus en Russie. Cela ne relève manifestement pas d’une décision de l’entreprise japonaise comme l’explique le site russe de l’eShop, « Étant donné que le service de paiement utilisé dans le Nintendo eShop a suspendu le traitement des paiements en roubles, le Nintendo eShop en Russie est temporairement placé en mode maintenance ».

Valve est dans la même situation, sans avoir pris de position publique, l’entreprise est entravée par les décisions de tiers. Ars Technica relève que les paiements par carte sont indisponibles sur la très populaire plateforme Steam en Russie. Cela vaut également pour les achats via PayPal, qui a cessé ses activités dans le pays le 5 mars. Il reste possible d’acquérir des jeux pour ceux qui ont de l’argent dans les portefeuilles de la plateforme.

Certains acteurs quittent la Russie sans amalgamer leurs joueurs au Kremlin

Du côté des grands noms du jeu vidéo CD Projekt Red a été l’un des premiers à agir à la suite du message de Myckhailo Fodorov, en bloquant les ventes physiques et numériques de leurs jeux en Russie, le 3 mars. Le pays d’origine du studio, la Pologne, se sentant menacé par le Kremlin a pu jouer. CD Projekt Red a tout de même eu un mot pour les joueurs russes et biélorusses « qui n’ont, individuellement, rien à voir avec l’invasion de l’Ukraine ».

Il s’agit d’un des reproches adressés au message du ministre ukrainien de la transformation numérique, à savoir que le boycott va affecter des personnes n’ayant joué aucun rôle dans la guerre déclenchée par Vladimir Poutine. Une position valable pour la plupart des sanctions internationales et des décisions similaires d’autres entreprises technologiques. La pression qui en résulte sur les populations russes et biélorusses est l’une des raisons de leur existence, pour qu’elle se répercute sur les autorités au pouvoir.

Dans la même veine, Epic Games a suspendu le 4 mars la vente de jeux en Russie et Biélorussie, mais a décidé de ne pas leur bloquer l’accès aux jeux en ligne, dont Fortnite. L’entreprise a justifié ce jeu d’équilibriste dans son message, « Nous ne bloquons pas l’accès pour la même raison que d’autres outils de communication restent en ligne : le monde libre devrait garder toutes les lignes de dialogue ouvertes ».

Un vrai coup dur pour la communauté des joueurs russes vient de Take-Two. L’éditeur a aussi suspendu ses ventes selon gamesindustry.biz, les nouvelles installations de jeux ou ses campagnes marketing sur les territoires concernés. Take-Two est derrière le studio Rockstar, lui-même à l’origine de GTA V, le troisième jeu le plus apprécié en Russie. Une édition de GTA V sur console nouvelle génération doit être lancée dans le courant du mois.

Protéger les employés de l’industrie du jeu vidéo directement affecté

Le 4 mars, Activision Blizzard, imité trois jours plus tard par Ubisoft, a également quitté, temporairement, le marché russe. Electronic Arts a fait de même, la branche sport de l’éditeur avait déjà retiré les équipes russes et biélorusses des jeux FIFA et NHL.

Les deux entreprises ont surtout adressé un message de soutien à leurs équipes sur place. Chacune a annoncé avoir mis des moyens en œuvre pour leurs sécurités en les aidant à fuir et se reloger. Bloomberg rappelle qu’Ubisoft dispose de bureau à Kiev, sous les bombes depuis plusieurs jours ainsi qu’à Odessa, également touchée par l’armée russe ces dernières 24 heures.

Une autre structure importante de l’univers du gaming est confrontée aux mêmes enjeux, Wargamming, le studio derrière World of Tanks. Une difficulté supplémentaire dans ce cas, l’entreprise est biélorusse. Elle a dû licencier son directeur créatif après qu’il ait soutenu l’armée russe sur Facebook. Elle a également promis un don à la Croix-Rouge ukrainienne. Le studio Bungie est allé également vers le caritatif avec la levée de fonds Game2Give.

Le Huffington Post signale, enfin le cas des entreprises de jeux vidéo ukrainiennes. Sans surprise, ses dernières n’ont pas attendu le message de Myckhailo Fodorov pour agir. Le 24 février, le studio GSC Game World, développeur du jeu S.T.A.L.K.E.R., a appelé à soutenir l’armée et appelé aux dons pour les soldats. Il a été imité par 4AGames, ironiquement connu pour son titre Metro 2033, un jeu, tiré d’un livre, se déroulant dans le métro moscovite où survit l’humanité après une guerre apocalyptique…