SoftBank pensait sans doute souffler après avoir officiellement renoncé à vendre ARM à Nvidia pour 40 milliards de dollars début février, que nenni ! Le conglomérat japonais s’est rapidement décidé à revenir à son projet initial, introduire ARM en bourse, jusqu’ici tout va bien. Encore faut-il se décider vers quel marché se tourner… C’est ici que les choses se compliquent, à nouveau.
Le Royaume-Uni veut son champion technologique à ses côtés
Pour Masayoshi Son, le PDG de SoftBank, les choses semblent assez clairs. Lors des derniers résultats d’ARM il a expliqué que « Les États-Unis sont le marché que nous envisageons pour l’introduction en bourse d’ARM, et très probablement le Nasdaq ». New York apparaît comme la destination logique pour le concepteur de puces dont les licences sont utilisées dans 95% des smartphones du monde.
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Pourtant des dents risquent de grincer à Londres. ARM a été créée en 1990 à Cambridge, en Angleterre, 50% de ses salariés se trouvent au Royaume-Uni. Lorsque SoftBank a racheté l’entreprise en 2016, pour 32 milliards de dollars, le gouvernement britannique s’est réjoui de la nouvelle.
Depuis, la pénurie de semi-conducteurs et la notion de souveraineté numérique ont fait leur chemin. Au 10 Downing Street on aimerait conserver ARM sur sa terre natale, Londres, place financière de premiers ordres et l’un des centres technologiques européens, à des arguments à faire valoir.
Les sirènes du Nasdaq restent compliquées à concurrencer. La bonne volonté du gouvernement britannique pourrait avoir du mal à convaincre SoftBank. Une possibilité sur la table est celle d’une double cotation, sur les deux rives de l’atlantique. C’était l’option qu’avait choisie ARM avant son rachat par le groupe japonais.
Jamie Urquhart, le cofondateur d’ARM, a confié à CNBC, fataliste, « Les décisions que SoftBank prendra tiendront naturellement compte de leurs propres besoins plutôt que de ceux d’ARM en soi ». Le directeur financier de Qualcomm, Akash Palkhiwala, est plus optimiste, « Ils ont des options et ce sont toutes de bonnes options dans mon esprit ». Pour lui, la position d’ARM est « formidable ». L’entreprise américaine s’était déjà montrée intéressée par la Britannique lors de la tourmente Nvidia.
ARM China en pleine crise d’indépendance
Formidable, peut-être à un détail près. ARM a une sérieuse épine dans le pied : sa filiale chinoise. Elle est en réalité une coentreprise depuis 2018 et son rachat à 51% par un consortium chinois pour 775,2 millions de dollars.
Le South China Morning Post rapporte que son PDG, Allen Wu, a déclaré soutenir l’introduction en bourse d’ARM, ajoutant « Nous espérons qu’ARM soutiendra également la nôtre ». Le dirigeant souhaite introduire sa coentreprise à Shanghai ou Hong Kong aux alentours de 2025.
L’affaire se complique, puisque ARM a tenté d’évincer le PDG en juin 2020. La maison mère l’accuse de conflits d’intérêts. Son conseil d’administration l’a suspendu, mais Allen Wu s’accroche. Il a conservé les sceaux de l’entreprise et a conservé le statut de représentant légal d’ARM China, en manifestant des désirs d’autonomie. Selon le South China Morning Post, la filiale pèserait 25% des recettes annuelles d’ARM.
SoftBank a quitté l’enfer des autorités de régulations, pensant satisfaire tout à chacun. Désormais il faudra s’échiner à négocier avec un pays, le Royaume-Uni et une rébellion pour mener à bien son opération. Le 1er mars, SoftBank a fait savoir à CNBC que la décision finale sur la cotation d’ARM n’a pas été prise. Beaucoup l’attendent de pied ferme.