Un ordinateur capable de percevoir vos mouvements, votre comportement, s’y adapter pour mieux vous servir, voilà le dernier projet de la division Advanced Technology and Products (ATAP) de Google, présenté le 1er mars. Pour ceux, un brin inquiet pour leurs données ou qui ont trop regardé de dystopie à base d’intelligences artificielles rebelles, rassurez-vous, un peu : votre ordinateur ne vous verra pas via une caméra, mais grâce à un dispositif radar.

Soli, le cœur du projet

Google s’intéresse depuis 2015 à un système radar capable de repérer les mouvements des utilisateurs. Le projet de capteur Soli a déjà une existence pratique. Il a été intégré au smartphone de Mountain View, le Pixel 4. Il permettait d’activer le mode snooze ou de mettre en pause une musique d’un geste de la main.

Trop cher, le dispositif n’a pas été maintenu pour le Pixel 5. Il est toujours utilisé dans l’écran intelligent Nest Hub deuxième génération. Le capteur Soli de Google peut surveiller le sommeil d’une personne, sans dispositif en contact avec le corps, en repérant les mouvements de poitrine.

Google a voulu inverser la logique de fonctionnement de Soli. Au lieu de laisser un utilisateur exécuter un geste précis pour activer une fonctionnalité précise, c’est à partir de son langage corporel que le dispositif connecté interprétera ses attentes. Leonardo Giusti, responsable de la conception chez ATAP résume, « Nous pensons qu’à mesure que la technologie devient plus présente dans notre vie, il est juste de commencer à lui demander de prendre un peu plus de repères à partir de nous ».

Pour y parvenir, le radar doit capturer des gestes subtils, comme l’orientation du visage, l’orientation du corps et les rendre pertinents par rapport à l’usage de l’appareil auquel il est lié. Les chercheurs d’ATAP rapportent avoir sollicité le concept de proxémie, la relation d’individu à individu selon la distance entre eux, pour l’adapter à une machine. Une IA traitera l’ensemble des données pour que l’ordinateur y trouve un sens.

gif d'un homme se rapprochant et s'éloignant d'un ordinateur

Démonstration du principe de proxémie entre une machine et un humain. Crédit : Wired / Google

L’équipe de Google travaille depuis un an sur le projet. Les concepteurs expliquent avoir profité des confinements pour entraîner l’algorithme eux-mêmes, chez eux, dans leurs usages quotidiens, en variant les mouvements pour interagir avec les appareils équipés de Soli.

Parmi les exemples d’utilisations mis en scène, la vidéo qui se met en pause lorsque l’utilisateur n’est plus devant son écran, l’apparition d’un message lorsque l’appareil est observé de façon insistante ou au contraire la désactivation des notifications lorsque l’utilisateur s’éloigne de son espace de travail. Pour Lauren Bedal, en charge du design de l’interaction, « L’idée est que les ordinateurs puissent s’effacer en arrière-plan et ne nous aider qu’au bon moment ».

Confier autant de données quotidiennes à Google ?

Techniquement, plusieurs questions sans réponses se posent. Pour celles et ceux qui apprécient mettre une vidéo en fond pendant qu’ils font autre chose, la mise en pause automatique risque d’agacer. Un exemple concret de comportement du quotidien qui pourrait poser problème à cette technologie. Autres soucis, la portée de Soli est de trois mètres, nécessitant un maillage de capteurs dans un salon, mais un système radar à moins de latence, fonctionnant dans le noir, n’est pas perturbée par le son ou la température.

Une perspective qui ouvre la grande question, celle de la vie privée. Comme le rappelle Wired, Google vit en monétisant nos données. En fournir autant à Mountain View risque fort d’en rebuter beaucoup.

L’équipe ATAP jure que le radar est la technologie la plus optimisée en matière de vie privée. Pas d’images rime avec absence d’identification. Cela reste du recueil de données quotidien, sur les usages des utilisateurs. Les chercheurs de Google n’en sont pas là, leurs travaux de recherche sont toujours en cours. Ils offrent des perspectives intéressantes sur de futures technologies, à condition d’en connaître l’ensemble des tenants et aboutissants.