RT et Sputnik, deux médias affiliés à l’État russe, vivent leurs derniers instants au sein de l’Union européenne. La présidente de la Commission européenne a annoncé le 27 février le blocage des deux médias pour s’assurer qu’ils ne « seront plus en mesure de répandre leurs mensonges pour justifier la guerre de Poutine et semer la zizanie dans notre Union ».

RT est interdit en Allemagne depuis début février. En France, les détails juridiques de l’application de ce qui devrait prendre la forme d’un règlement européen restent obscurs. Meta, ByteDance, Google, Microsoft et même Telegram ont anticipé la décision, Twitter est à la traîne.

Suspension de Facebook et YouTube, le véritable coup dur pour les deux médias russes

La veille de la prise de parole d’Ursula von der Leyen, Meta et Google avaient déjà décidé de retirer la monétisation et les recommandations des deux chaînes sur leurs plateformes Facebook, Instagram et YouTube. Les choses se sont accélérées après le discours de la présidente, où les annonces de suspensions sont arrivées en cascade.

RT et Sputnik ont progressivement disparu des réseaux sociaux à partir du 28 février. Nick Clegg, vice-président de Meta en charge des affaires mondiales, a annoncé « nous restreindrons l’accès à RT et Sputnik dans toute l’UE pour le moment ». Il explique cette décision par les « demandes d’un certain nombre de gouvernements et de l’UE ».

Selon Le Monde, le même jour ByteDance, maison mère de TikTok, a rendu RT et Sputnik inaccessibles en France et probablement en espagnol ou en anglais dans l’Union européenne. Microsoft a mis fin à la diffusion de contenus RT et Sputnik sur MSN.com, a retiré les applications des deux médias de son magasin et limité les résultats de son moteur de recherche Bing. Brad Smith, président de l’entreprise fondée par Bill Gates, a assumé, « Nous agissons rapidement pour prendre de nouvelles mesures visant à réduire l’exposition à la propagande d’État russe ».

Google Europe y est allé de sa propre déclaration, le 1er mars, rendant inaccessible RT et Sputnik en Union européenne avec effet immédiat, « compte tenu de la guerre en cours en Ukraine ». Twitter, de son côté, ne semble pas disposé à prendre une mesure aussi radicale pour le moment.

page RT sur YouTube suspendue en Europe

RT France a été suspendue de YouTube le 1er mars.

S’il est apparu à Siècle Digital qu’il était moins évident de tomber sur les contenus et les comptes des deux chaînes russes, officiellement le réseau social a simplement indiqué une mention décrivant RT et Sputnik comme liés au gouvernement russe. Insuffisant pour le secrétaire d’État au numérique Cédric O. Il a reproché sur France Inter à Twitter d’être « toujours le dernier à réagir » en matière de modération, ce 1er mars.

En perdant ses comptes Facebook et YouTube, RT et Sputnik France perdent leurs canaux de diffusion privilégiés. L’impact sur leur audience s’annonce très important. L’un comme l’autre ont suggéré à leur public de les suivre sur Telegram, pour continuer à avoir accès à leurs contenus.

Cependant, comme l’a remarqué la journaliste de Politico Laura Kayali, le compte de RT France a été également supprimé de la messagerie chiffrée. À l’heure où ces lignes sont écrites, Sputnik France est toujours disponible, d’après le constat de Siècle Digital. Telegram n’a pas communiqué sur le sujet.

Telegram a suspendu RT France

Le lien Telegram partagé par RT France sur Twitter ne fonctionne pas.

Sur quelles bases juridiques la chaîne RT France et les sites vont-ils être interdits ?

À part Twitter, RT et Sputnik ne disposent en France plus que de deux canaux de diffusion, à la fréquentation minime, leurs sites internet et la chaîne de télévision de RT France, disponible sur le câble.

L’Arcom, fruit de la fusion du CSA et d’Hadopi le 1er janvier, a théoriquement le pouvoir de suspendre les fréquences de RT France. Le 24 février l’agence n’avait pas hésité à mettre en garde la chaîne, « S’il l’estime justifié, le régulateur n’hésitera pas à faire usage, sans délai, des outils juridiques dont il dispose et qui peuvent aller jusqu’à demander la suspension de sa diffusion ».

Arrêt sur Images note également qu’il existe une procédure non liée à l’Arcom pour aboutir à ce résultat. Cela implique que le président de la section contentieux du Conseil d’État instruise un dossier, sur la base duquel un juge pourrait couper RT France. Sur France Inter, Cédric O a estimé « Nous ne sommes pas dans le cadre de ce que fait l’Arcom » pour sanctionner la chaîne, sans donner plus de précision sur la procédure juridique qui sera utilisée.

Dès l’annonce d’Ursula von der Leyen, RT France a dénoncé « une violation de l’État de droit et va à l’encontre des principes mêmes de la liberté d’expression et d’information ». La chaîne a rappelé qu’elle employait dans l’hexagone 176 salarié, dont plus de 100 journalistes. Elle a ajouté que « RT France s’est toujours conformée à ses obligations légales et soumis aux obligations qu’elle tenait de sa convention de diffusion ».

Le principal syndicat de la profession, le Syndicat National des Journalistes (SNJ) a concédé, le 28 février, « Fort logiquement, le positionnement éditorial de RT France est souvent discuté et contesté ». Il déplore cependant que « S’en prendre à des journalistes, les expulser, interdire les chaînes ou les journaux dans lesquels ils travaillent constitue, quelles que soient les intentions affichées, un acte de censure qui réduit le pluralisme de l’information ».

Le Commissaire européen au marché intérieur, Thierry Breton, a déclaré ce mardi 1er mars sur RTL, que la sanction prise par la Commission européenne devrait être mise en œuvre dès aujourd’hui.