Ils sont spécialisés en lutte contre la désinformation et le renseignement en sources ouvertes (OSINT) et pourtant une dizaine de comptes Twitter ont été suspendus le 22 février. Ils couvraient l’arrivée des troupes russes à ce moment précis, dans les régions séparatistes de l’est de l’Ukraine. Twitter a reconnu une erreur.

Manipulé, manipulateur et debunkeur

Techcrunch et The Verge ont relayé les messages de membres du média Bellingcat, Aric Toler et Nick Waters, sur la disparition de cette dizaine de comptes. Bellingcat est justement spécialisée dans la recherche d’informations en sources ouvertes.

Ses membres ont été alertés par la suspension de comptes se livrant à une activité similaire. S’y retrouve un média anglophone spécialiste des affrontements armés, Conflits, la page francophone Neurone Intelligence, l’analyste Alexander Oliver, dont le compte a été supprimé à deux reprises, etc.

Ces comptes ont la particularité de suivre de près l’invasion en cours de l’Ukraine par la Russie. Ils participent également à vérifier les informations depuis cette région. Formidable vecteur d’information continue, les réseaux sociaux comme Twitter, Snapchat, TikTok, ou encore Telegram, ont vu affluer également des tentatives de désinformations grossières.

Dans les jours précédant l’invasion russe de l’Ukraine, des vidéos « sous fausse bannière » se sont multipliées. Elles consistent à faire croire, grâce à des manipulations plus ou moins discrètes, à des agressions ukrainiennes contre les séparatistes du Donbass ou les troupes russes. La Russie, spécialiste dans l’art de la désinformation peut ensuite les mobiliser pour justifier une attaque, ou, tout du moins, le déstabiliser et obtenir le soutien de sa population.

Twitter au cœur de la guerre de l’information

Il est possible que relayer, pour les démentir, des vidéos ou images manipulées soit à l’origine de la suspension des comptes. Twitter a reconnu « Un petit nombre d’erreurs humaines dans le cadre de notre travail de lutte proactive contre les médias manipulés ». Le réseau social ayant vraisemblablement anticipé le déferlement de fausses informations aurait eu la main un peu lourde.

Plusieurs utilisateurs de Twitter ont redouté sur le moment une action directe de la Russie pour censurer les messages déconstruisant ses mensonges, ou localisant ses troupes. La crainte ici est celle de signalement massif pour tromper la modération de Twitter, très largement automatisée.

Yoel Roth, responsable intégrité de Twitter, a fermement écarté cette hypothèse, « Nous ne déclenchons jamais de mesures d’application automatisées basées sur le volume de rapports, exactement parce qu’il serait très facile d’en tirer parti ».

La suspension de la plupart des comptes a été levée. En parallèle de la guerre, la vraie, en cours en Ukraine, une guerre de l’information s’intensifie sur les réseaux sociaux. Attention à discerner le vrai du faux. Les médias traditionnels restent le vecteur d’information le plus sur dans une situation aussi confuse.