Acceptation sociale et maturité technologique en Occident

De l’ordre de la science-fiction au début du millénaire, jugée peu fiable, la reconnaissance faciale a depuis fait d’immenses progrès, s’inscrivant ainsi dans le sillage de ceux déjà réalisés par l’intelligence artificielle. L’on pourrait même parler de révolution : en juin 2015 Google (avec FaceNet) obtient ainsi, au test de référence Labeled Facebooks in The Wild, un score — inédit pour l’époque — de 99,63 % de précision, quasiment identique aux performances humaines.

Opérante dès le milieu des années 2010, l’utilisation de la reconnaissance faciale a cependant été longtemps ralentie dans le monde occidental par la persistance en son sein d’un fort tropisme libertaire. Un obstacle que n’a pas connu l’Asie, et en particulier la Chine, pour laquelle les concepts d’harmonie et d’ordre supplantent traditionnellement celui de liberté individuelle. C’est l’une des raisons qui expliquent les retards américains dans ce domaine, en rapport aux Chinois. Mais à la faveur de la pandémie, la reconnaissance faciale, comme l’ensemble des technologies dites de « contrôle sociétal », est désormais mieux acceptée par les populations d’Occident. Nécessité faisant loi, même les plus réfractaires s’y mettent : une immense majorité de Français a, par exemple, approuvé le pass vaccinal. Comme toutes les autres applications industrielles de l’intelligence artificielle, la reconnaissance faciale pourrait ainsi, dans un futur proche, s’intégrer dans la vie quotidienne des Occidentaux. D’autant que, en France comme aux États-Unis, la réglementation du secteur promet un encadrement strict face à certaines craintes légitimes de l’opinion, comme le respect de la vie privée. Et qu’il n’est — pas encore — question d’un quelconque crédit social à la chinoise.

Reconnaissance faciale et sécurité

Pour Thalès, le géant français de l’électronique, la reconnaissance faciale offrirait en effet d’efficientes solutions à deux impératifs de sécurité complémentaires que sont l’identification et l’authentification. Selon l’industriel français, le premier consiste à répondre à la question de l’identité d’un individu, tandis que le second a pour but de vérifier sa véracité. La solution de reconnaissance faciale de Thales (LFIS) aurait ainsi un taux d’acquisition de visage en moins de 5 secondes de 99,44 % et un taux réel d’identification en moins de 5 secondes de 98 %, selon la Homeland Security Science and Technology Directorate des États-Unis. Les GAFAM ne sont évidemment pas en reste dans le domaine, puisque ces derniers ont implémenté la reconnaissance faciale dans leurs produits pour — entre autres — améliorer la sécurité des iPhone X, ou encore dans Google Photos pour trier les clichés automatiquement, en fonction des visages reconnus.

Mais la technologie de reconnaissance faciale ne permet pas seulement d’identifier ou d’authentifier un visage, elle peut également être intégrée à des solutions complètes de sécurité par l’intermédiaire de la « vision par ordinateur », qui consiste à habiliter les systèmes à « voir » et à identifier des objets. Du reste, les applications de la reconnaissance faciale ne se limitent pas au secteur de la sûreté/sécurité. Les applications sont nombreuses, en particulier en matière de santé et d’expérience client.

De nombreuses applications dans le domaine de la santé

Grâce au deep learning et à la reconnaissance faciale des émotions, il est désormais possible de contrôler la consommation de médicaments d’un patient, d’accompagner la prise en charge de la douleur et même de détecter des maladies génétiques rares, par exemple le syndrome de DiGeorge, et ce avec une acuité de 96,6 %. Plus prosaïquement, la reconnaissance faciale a également été largement utilisée pour détecter des températures élevées lors de la pandémie.

Le dernier développement notable de la reconnaissance faciale est pour le moins inattendu, mais tout à fait prometteur pour le commerce et l’expérience client. Cette dernière pourrait en effet largement profiter de l’installation de caméras dans les points de vente afin d’analyser le comportement des clients et améliorer leur parcours. C’est encore une fois en Chine que la révolution est en marche : KFC et Alibaba mènent ainsi depuis 2017 un test de paiement par reconnaissance faciale dans la ville de Hangzhou. L’empire du Milieu est assurément à la pointe du progrès, déjà en 2015, Jack Ma, le patron d’Alibaba, avait dévoilé un système de paiement par selfie lors du salon Cebit à Hanovre s’appuyant sur la technologie Face++ de la start-up chinoise Megvii.

Marché à fort potentiel de croissance en Amérique du Nord

Bien avant la pandémie et alors que la défiance était à son maximum, une étude de juin 2019 du cabinet Markets and Markets évaluait tout de même le chiffre d’affaires potentiel du marché de la reconnaissance faciale à 7 Md de dollars en 2025, avec un taux de croissance annuel moyen de 16 %.

Selon le cabinet, si « le segment des services a le taux de croissance annuel moyen le plus élevé au cours de la période de prévision », c’est cependant le secteur du maintien de l’ordre qui disposera de « la plus grande part de marché », alors que la plus grande partie des revenus sera générée en Amérique du Nord. D’autant que les États-Unis sont en passe d’accélérer l’adoption de l’intelligence artificielle avec l’actuel projet de loi sur les infrastructures, qui promet un financement accru pour l’utilisation de technologies d’intelligence artificielle pour les acteurs publics et privés américains.

Ce sont donc les acteurs majeurs de cette région qui devraient tirer leur épingle du jeu comme Animetrics, Amazon ou Microsoft. Mais la compétition s’annonce féroce : il faudra compter sur la concurrence d’acteurs européens comme le français Thales ou l’allemand Cognitec Systems, sans oublier les Japonais de NEC Corporation ou les Français de Id3 Technologies.