Le nombre croissant de satellites circulant en orbite basse affecte sérieusement les observations des astronomes. En conséquence, l’Union astronomique internationale (UAI) a annoncé la création d’un nouveau centre afin de protéger les intérêts de la communauté scientifique.

Avec la baisse des coûts dans le spatial, les constellations de satellites sont légion

Les prix de lancements spatiaux et de confection de satellites n’ont jamais été aussi bas, et le secteur privé en profite grandement. De plus en plus d’objets sont envoyés en orbite basse, avec un rythme qui devrait même s’accélérer dans les années qui arrivent. La constellation Starlink, de SpaceX, compte déjà plus de 1 400 satellites en orbite, et des milliers d’autres devraient les rejoindre.

La société britannique OneWeb a quant à elle lancé des centaines de satellites, et le projet Kuiper d’Amazon se prépare également à en envoyer plus de 3 000 afin d’apporter un réseau Internet de qualité aux régions les plus reculées du monde. Tandis que la Commission européenne veut, elle aussi, développer sa propre constellation, la Chine a récemment annoncé qu’elle prévoyait de lancer près de 13 000 satellites de communication en orbite terrestre.

Cet engouement certain pour l’orbite terrestre basse, qui va jusqu’à 2 000 kilomètres d’altitude, a des répercussions néfastes pour les scientifiques, et ce malgré les promesses des constructeurs qui font tout pour empêcher leurs satellites d’altérer les observations des astronomes, à l’instar de la visière ajoutée par SpaceX sur ses satellites afin d’éviter qu’ils ne réfléchissent le Soleil.

Le haut d'une fusée Falcon 9 de SpaceX.

La constellation Starlink compte déjà plus de 1 400 satellites. Photographie : ANIRUDH / Unsplash

L’astronomie est directement affectée par la présence des satellites

Une étude publiée le 15 janvier dernier dans la revue Astrophysical Journal Letters s’est intéressée à l’impact de la constellation Starlink sur 300 000 images prises par un instrument de l’observatoire Palomar en Californie du Sud. Elle a démontré que le nombre d’images corrompues a été multiplié par 35 entre novembre 2019 et septembre 2021.

Les satellites, de par leur présence en grande nombre dans le ciel, affectent les observations optiques des astronomes en apparaissant directement sur les images, mais ils ont également des conséquences sur l’astronomie radio, qui consiste à constituer des images grâce aux ondes radio plutôt que via la lumière émise par les objets. Ainsi, les signaux de télécommunications émis par les satellites tendent à étouffer ceux émanant d’astres lointains, notamment car ils peuvent être « des millions de fois plus puissants » que ces derniers, explique au Wall Street Journal Philip Diamond, directeur général du Square Kilometer Array, un projet de radiotélescope dont la construction a débuté en 2021.

« C’est un gros problème. L’astronomie est essentielle à notre exploration et à notre utilisation de l’espace, à la navigation dans l’espace lointain, à la défense planétaire contre les astéroïdes et à notre connaissance de la Terre, du système solaire et de l’Univers. Et l’observation du ciel nocturne est au cœur de ce que nous sommes en tant qu’êtres humains. Perdre cela est une perte pour chaque personne dans le monde », affirme Jessica West, chercheuse principale sur la sécurité spatiale à l’institut canadien Project Ploughshares, à Gizmodo.

Par exemple, les interférences des satellites pourraient empêcher les astronomes de détecter un astéroïde dangereux.

Un centre pour contrer le problème

Afin de réduire l’impact des satellites présents en orbite basse sur l’astronomie, l’Union astronomique internationale a décidé de mettre en place un « centre pour la protection du ciel étoilé contre les interférences satellitaires ». Celui-ci sera géré par le NOIRLab de la NSF, le centre américain d’astronomie optique au sol, ainsi que par l’Observatoire SKA (SKAO), une organisation intergouvernementale dont le siège est au Royaume-Uni et qui est chargée de mettre en place les réseaux de radiotélescopes les plus puissants du monde en Australie et en Afrique du Sud.

« L’Union astronomique internationale est profondément préoccupée par le nombre croissant de constellations de satellites lancées et planifiées, principalement en orbite terrestre basse. L’UAI adhère au principe d’un ciel sombre et radio-silencieux, non seulement parce qu’il est essentiel pour faire progresser notre compréhension de l’Univers dont nous faisons partie, mais aussi pour le patrimoine culturel de toute l’humanité et pour la protection de la faune nocturne », écrit l’Union dans un communiqué.

Le Centre va réunir des astronomes, des opérateurs de satellites et des régulateurs afin d’agir comme un pont entre les différents partis. Objectif : « coordonner les efforts et unifier les voix de la communauté astronomique mondiale en ce qui concerne la protection du ciel sombre et tranquille contre les interférences des constellations de satellites ».

« Il ne s’agit pas d’opposer les satellites à l’astronomie, mais plutôt de savoir comment concilier les différents besoins, intérêts et valeurs qui coexistent dans l’espace extra-atmosphérique, y compris ceux qui sont moins puissants. Cela nécessite un dialogue ouvert et une action coordonnée et collective. La communauté internationale des astronomes nous montre comment faire. Et le monde est à l’écoute. C’est un moment critique pour la gouvernance de l’espace », assure Jessica West.

Vu le rythme effréné des lancements spatiaux, il faut espérer que cette solution sera viable et satisfera chacune des parties concernées… Même s’il paraît très peu probable que le secteur privé accepte de réduire sa présence en orbite basse ou même de freiner son rythme de lancements.