Le département de la Sécurité intérieure des États-Unis a annoncé le déploiement de chiens robots à la frontière séparant le pays du Mexique. Si les autorités assurent que les machines faciliteront le travail des agents, les défenseurs des droits de l’Homme crient au scandale.

Un chien robot robuste pour surveiller la frontière

Développés par la firme Ghost Robotics, grande rivale de Boston Dynamics, les robots vont assister le personnel du Service des douanes et de la protection des frontières, agence directement liée au département de la Sécurité intérieure chargée notamment de patrouiller aux alentours de la frontière américano-mexicaine. Si l’on ignore quel modèle exactement est impliqué, il faut savoir que les quadrupèdes fabriqués par Ghost Robotics sont capables de se déplacer de manière autonome, mais peuvent également être contrôlés manuellement, et par ailleurs, qu’ils peuvent être équipés d’un certain nombre de charges utiles, notamment de caméras thermiques et d’une vision nocturne. Par le passé, Ghost Robotics a même présenté des prototypes de modèles équipés d’armes à feu.

Selon Gavin Kenneally, chef de produit de l’entreprise, la machine de 45 kilos est taillée pour des missions à la frontière entre le pays et le Mexique, où les conditions peuvent parfois être difficiles. « C’est un robot quadrupède robuste. Il traverse tous les types de terrains naturels, y compris le sable, les rochers et les collines, ainsi que les environnements construits par l’homme, comme les escaliers. C’est pour cela qu’il faut des jambes, et non des chenilles », assure-t-il.

Dans son communiqué, le département de la Sécurité intérieure explique avoir mené différents tests avec les appareils, aussi bien en intérieur que dans la région désertique où se trouve la frontière. Ces derniers se concentraient principalement sur des missions de surveillance et, visiblement, ils ont été réalisés avec succès : le gouvernement a en effet expliqué que le travail avec les machines allait se poursuivre.

Des conditions difficiles

Pour les autorités, le travail des chiens robots est le bienvenu et devrait alléger la charge pesant sur les agents du Service des douanes et de la protection des frontières. « La frontière sud peut être un endroit inhospitalier pour les hommes et les bêtes, et c’est exactement la raison pour laquelle une machine peut y exceller », assure Brenda Long, gestionnaire de programme pour la branche recherche et développement du DHS, la direction des sciences et de la technologie (S&T).

« Comme partout ailleurs, il y a les comportements criminels habituels, mais le long de la frontière, il peut aussi y avoir du passage de clandestins, de la contrebande de drogues, ainsi que d’autres formes de contrebande – y compris des armes à feu ou même potentiellement des armes de destruction massive. Ces activités peuvent être menées par n’importe qui, depuis un simple individu isolé jusqu’à des organisations criminelles transnationales, des terroristes ou des gouvernements hostiles – et tout ce qui se trouve entre les deux », explique de son côté l’agent Brett Becker.

« Opérant dans le désert ou les montagnes, les agents et les officiers doivent faire face à un terrain accidenté, à la chaleur et à l’humidité élevées et, bien sûr, ils peuvent tomber sur des personnes qui veulent faire du mal. Mais les risques sont également nombreux plus près de chez eux. Par exemple, lorsque les missions conduisent les opérateurs tactiques de la patrouille frontalière dans des villes ou des ports, ils peuvent être confrontés à des conditions environnementales dangereuses, à des individus volatiles ou à des menaces hostiles. Ces situations peuvent toutes être intrinsèquement dangereuses », continue-t-il, afin de démontrer les bienfaits des chiens robots justement capables d’évoluer sur des terrains difficiles.

Un chien robot

Le chien robot de Ghost Robotics peut être équipé d’une charge utile. Photographie : Department of Homeland Security

Un projet considéré comme déshumanisant

Toutefois, le fait de déployer des robots à la frontière américano-mexicaine est très mal vu par les défenseurs des droits de l’Homme. De nombreuses personnes, notamment des femmes et enfants, fuyant des conditions de vie atroces dans leur pays d’origine pour rejoindre les États-Unis, s’y retrouvent. « Le projet du DHS d’utiliser des chiens de patrouille robotisés à ses frontières est un désastre en matière de libertés civiles. Le gouvernement doit retirer cette proposition dangereuse, et l’administration Biden doit freiner le glissement de notre pays vers une dystopie anti-immigrés », déclare dans un tweet l’Union américaine pour les libertés civiles (ACLU).

Par ailleurs, cela est d’autant plus parlant au vu de l’historique du Service des douanes et de la protection des frontières, qui a notamment été accusé à maintes reprises de nombreux abus à l’encontre des migrants. Par ailleurs, les chiens robots ont également des limites. Par exemple, lorsque l’armée française a testé le robot Spot de Boston Dynamics dans le cadre d’exercices militaires, les soldats se sont plaints que la machine manquait de jus trop rapidement, tandis que les rapports des essais de Spot par la police américaine ont témoigné de commandes douteuses et de performances inégales, les machines tombant parfois « sans raison apparente ».

Il n’est néanmoins pas étonnant de voir des machines prendre la relève d’humains, d’autant plus lorsque les conditions de travail difficiles, alors que les progrès technologiques sont toujours plus nombreux. En outre, une récente étude scientifique démontre que les conditions climatiques se trouvant à la frontière vont empirer rapidement, ce qui pourrait entraîner un déploiement plus précipité de robots dans la zone.