Les choses bougent aux États-Unis sur le front de la réglementation antitrust. La commission judiciaire du Sénat a voté, le 3 février, une deuxième proposition de loi antitrust importante en 2022, l’Open App Markets Act. Elle est destinée à limiter les conséquences de la domination d’Apple et Google sur les magasins d’applications.

Au Sénat, c’est l’entente cordiale autour de l’antitrust

Les sénateurs républicains et démocrates se sont montrés encore plus unis que lors du vote de l’American Innovation and Choice Online Act début janvier. Ils ont approuvé cette nouvelle proposition de loi par 21 voix contre une, rapporte le Wall Street Journal.

Ce projet de loi vise à empêcher Apple et Google d’imposer leurs propres règles sur leurs plateformes et des frais aux développeurs d’applications sur l’App Store et le Play Store. Selon le républicain Mike Lee « nous avons deux entreprises qui exercent un pouvoir excessif sur le marché ».

Au cœur des préoccupations des élus américains, la commission perçue par les boutiques pour tout achat ou abonnement in-app, pouvant atteindre 30%. Ces commissions, inévitables dans le cas d’Apple, sont critiquées par les entreprises créatrices de contenus. Epic Games, déjà en procès contre cette pratique d’Apple, Spotify et d’autres militent pour une actualisation de la législation antitrust américaine, peu adaptée aux enjeux numériques.

Selon ces dernières, ces commissions augmentent leurs frais, ce qui les empêche d’innover, et nuisent à leur activité en général. Un argument repris dans une interpellation du sénateur démocrate Richard Blumenthal, « Consommateurs, si vous regardez, vous payez plus cher à cause des frais de location du monopole qui vous sont facturés en raison de leur pouvoir monopolistique ».

La nouvelle loi antitrust, destinée aux magasins d’applications avec plus de 50 millions d’utilisateurs américains (l’App Store et le Play Store donc), doit autoriser les développeurs d’applications de proposer leurs systèmes de paiement, d’informer les utilisateurs d’une alternative.

Le texte interdit également à Apple et Google de favoriser leurs propres services dans les résultats de recherche de leurs boutiques ou d’utiliser des informations commerciales non publiques des applications d’autres entreprises pour les concurrencer. Une mesure antitrust également présente dans d’autres textes proposés par le Sénat.

Le chemin législatif reste long, semé de lobbyistes d’Apple et Google

Les arguments d’Apple et Google sont connus. Ils sont matraqués par des lobbyistes de Washington D.C. à Bruxelles, où le DMA prévoit des mesures similaires. D’une part, en contrôlant le paiement in-app, ils expliquent assurer sa sûreté et la confidentialité des utilisateurs. Un amendement est prévu pour qu’Apple et Google conservent cette capacité de contrôle, mais il devrait apparaître insuffisant aux deux entreprises.

Apple redoute particulièrement d’être contraint d’ouvrir son système. Selon Cupertino le projet de loi va permettre le « sideloading », le téléchargement d’applications en passant outre l’App Store. Tim Cook a pris la parole en personne pour dénoncer les risques de sécurité que ce changement induirait. Le sideloading existe pourtant sur Android et… sur Mac.

Le deuxième argument d’Apple et Google est plus commercial. Il s’est exprimé dans la bouche du sénateur républicain John Cornyn, le seul à voter contre la loi. Il estime que les deux géants de la Silicon Valley ont le droit de se rémunérer pour l’accès à leur plateforme.

Google et Apple ne sont pas parvenus à convaincre les sénateurs de la commission judiciaire, la guerre n’est pas perdue pour autant. Les deux lois devront être votées en plénière et ce n’est pas mince à faire.

L’exemple de la Chambre des représentants est éloquent. Des mesures antitrust ont été votées en commission, mais n’ont toujours pas été soumises à l’ensemble de la Chambre. Politico rapporte qu’un démocrate doit rencontrer une coalition de son camp pour débloquer la situation. Elle est composée d’élus de Californie et Washington, peu enclins à vanter des mesures pouvant nuire à des sociétés implantées sur leur territoire. Il reste du travail, mais le Sénat montre la voie à suivre.