Alors que les vols et arnaques sont de plus en plus fréquents sur les réseaux sociaux, la Federal Trade Commission (FTC) a conseillé aux utilisateurs américains de désactiver la publicité ciblée, si possible, pour se prémunir de ces délits. Plusieurs acteurs du monde de la publicité fustigent les propos de l’agence américaine.

Une hausse importante des arnaques sur les réseaux sociaux en 2021

Selon un rapport de la FTC, les déclarations de pertes dues à des manœuvres frauduleuses initiées sur les réseaux sociaux ont plus que doublé entre 2020 et 2021 aux États-Unis, passant de 46 000 à 95 000. Au total, les internautes ont perdu 770 millions de dollars l’année dernière, contre 258 millions en 2020. Ainsi, les réseaux sociaux ont permis aux escrocs de soutirer davantage d’argent que les méthodes plus traditionnelles, comme les appels téléphoniques ou les courriels frauduleux, qui ont respectivement rapporté 546 millions et 554 millions de dollars en 2021.

Si de nombreuses arnaques liées aux relations amoureuses et aux investissements ont été reportées, la FTC déclare que le plus grand nombre de signalements provient de personnes ayant été volées en essayant d’acheter quelque chose dont elles avaient vu la publicité sur les réseaux sociaux. Dans près de 70 % de ces rapports, les victimes expliquent avoir commandé un produit, généralement après avoir vu une publicité, qui ne leur est jamais parvenu.

Dans la majorité des cas, 9 sur 10, les arnaques se sont produites sur des plateformes appartenant à Meta. En l’occurrence, sur Instagram ou sur Facebook.

Les conseils de la FTC pour éviter d’être victime

Selon la FTC, les personnes mal intentionnées « utilisent les outils mis à la disposition des annonceurs sur les plateformes de médias sociaux pour cibler systématiquement les gens avec des publicités bidon basées sur des détails personnels tels que leur âge, leurs intérêts ou leurs achats passés ». L’agence conseille par conséquent aux internautes de se protéger en limitant les personnes qui peuvent voir leurs publications et leurs informations, et en vérifiant s’ils peuvent refuser les publicités ciblées… Des suggestions qui ne sont pas partagées par les acteurs du secteur de la pub.

« Désactiver les paramètres des publicités personnalisées sur les plateformes sociales est une idée terrible. Les utilisateurs ont une expérience bien plus agréable avec les plateformes sociales lorsque les publicités, qui financent les plateformes, sont pertinentes pour eux, et les escrocs peuvent facilement escroquer sans utiliser de publicités ciblées », explique au Wall Street Journal Wayne Blodwell, fondateur et directeur général de TPA Digital Ltd, une société de conseil en publicité numérique.

« Je peux affirmer avec une certaine confiance que le fait de refuser les publicités ciblées, dans la mesure où vous en avez la possibilité sur ces plateformes, ne vous protégera pas des publicités frauduleuses. La meilleure chose que vous puissiez faire est de vous sensibiliser aux différents types d’escroqueries et aux signaux d’alarme des escroqueries, et d’avoir un scepticisme sain à l’égard de tout ce que vous voyez sur une plateforme de médias sociaux, surtout s’il s’agit d’une publicité », continue-t-il.

D’après Wayne Blodwell, les cybercriminels peuvent en effet cibler les utilisateurs sans distinction, sans avoir besoin d’une information personnelle distincte sur ces derniers.

Le logo de Meta.

La majorité des arnaques ayant eu lieu sur les réseaux sociaux se sont produites sur Instagram ou Facebook. Illustration : Muhammad Asyfaul / Unsplash

La cybercriminalité en hausse de manière globale

L’IAB Tech Lab, un consortium à but non lucratif développant des produits et des standards pour tout le monde de la publicité, assure avoir mis au point des outils permettant aux annonceurs de mieux s’authentifier, ce qui permet aux plateformes d’éliminer plus facilement les sociétés frauduleuses. « L’adoption de ces solutions et la résolution de ce problème permettent non seulement de protéger le consommateur, mais aussi de protéger l’annonceur contre les mauvais acteurs qui utilisent leur marque pour escroquer les clients et diffamer leur image de marque », explique Shailley Singh, vice-présidente senior de la gestion des produits et des programmes mondiaux de l’organisation.

De son côté, Meta assure être parvenu à mieux comprendre les caractéristiques communes des annonces frauduleuses et, par conséquent, à améliorer ses systèmes de détection automatisés ainsi que les processus de ses examinateurs humains.

Cette hausse de la cybercriminalité sur les réseaux sociaux va dans le sens d’une tendance plus globale, qui a vu les cyberattaques ainsi que les arnaques en ligne augmenter de manière exponentielle depuis 2020 et le début de la pandémie. Par exemple, les sommes obtenues suite aux rançongiciels ont explosé depuis 2020.

La publicité ciblée dans le viseur des autorités

Si l’intervention de la FTC n’est pas du goût de tout le monde, force est de constater que l’agence fait preuve d’une plus grande sévérité avec les géants technologiques. Par ailleurs, il n’est pas étonnant de voir la publicité ciblée à nouveau visée par les autorités américaines.

Il y a peu, un projet de loi souhaitant l’interdire a été présenté outre-Atlantique. Selon les personnalités politiques qui le soutiennent, la publicité ciblée « alimente la désinformation, la discrimination, la suppression des électeurs, les abus de la vie privée, et tant d’autres préjudices ». Si elle venait à être adoptée, la législation sonnerait comme un véritable coup de tonnerre pour le secteur publicitaire.