Aux États-Unis, un nouveau projet de loi visant à interdire la publicité ciblée a de quoi faire trembler les géants que sont Meta et Google. Il limiterait considérablement la manière dont les entreprises technologiques diffusent des publicités à leurs utilisateurs, en interdisant totalement l’utilisation de leurs données personnelles.

Un texte soutenu par de nombreuses entités

Baptisé Banning Surveillance Advertising Act, le texte est porté par les députés Anna Eshoo et Jan Schakowsky à la Chambre des représentants et par le sénateur Cory Booker. « La législation interdit aux facilitateurs de la publicité (par exemple, Facebook, Google DoubleClick, les courtiers en données) de cibler les annonces, à l’exception d’un large ciblage de localisation vers un lieu reconnu (par exemple, une municipalité) », est-il expliqué dans un communiqué.

Ainsi, les publicitées ciblées basées sur « les informations relatives aux classes protégées, telles que la race, le genre et la religion, ainsi que les données personnelles achetées auprès de courtiers en données » seraient interdites si le projet de loi était adopté.

Le texte est soutenu par de nombreuses entreprises, universitaires et organismes, précise Vice. C’est notamment le cas de l’Anti-Defamation League (ADL), de l’Electronic Privacy Information Center (EPIC), du moteur de recherche DuckDuckGo, du fournisseur de services axés sur la vie privée Proton ou encore de Shoshana Zuboff, auteur de The Age of Surveillance Capitalism, et de Joan Donovan, directrice de recherche au Shorenstein Center on Media, Politics and Public Policy de la Harvard Kennedy School.

Un pouce levé, symbole de Facebook.

La publicité ciblée est au cœur du modèle économique de Facebook. Photographie : Greg Bulla / Unsplash

Un modèle économique favorisant « la désinformation » et « la discrimination »

L’élue californienne Anna Eshoo dénonce les effets terriblement néfaste de la publicité ciblée qui, en plus d’entraîner la surveillance des internautes, a de réelles répercussions sur la société. « Le modèle économique de la « publicité de surveillance » repose sur la collecte et l’accumulation inconvenantes de données personnelles pour permettre le ciblage publicitaire. Cette pratique pernicieuse permet aux plateformes en ligne de chasser l’engagement des utilisateurs à un coût élevé pour notre société, et elle alimente la désinformation, la discrimination, la suppression des électeurs, les abus de la vie privée, et tant d’autres préjudices », déclare-t-elle

La publicité ciblée est au cœur du modèle économique de mastodontes numériques comme Google et Facebook, et ces derniers assurent que cette méthode est bénéfique aux entreprises mais également aux utilisateurs car ils reçoivent de la publicité spécifique à leurs centres d’intérêt. Pour y parvenir, il faut néanmoins récolter un nombre important de données personnelles au sujet des individus, les soumettant à de possibles vols ou hacks.

« La principale fonction économique de la publicité de surveillance est d’enrichir les adtech au détriment des éditeurs, des consommateurs et des annonceurs eux-mêmes, et il est grand temps que le Congrès intervienne. L’interdiction de la publicité de surveillance protégera la vie privée des individus, réduira les incitations des entreprises à maximiser la collecte invasive de données, et stimulera l’innovation en libérant le potentiel du secteur de la publicité contextuelle numérique qui a été freiné par les plateformes dominantes de publicité de surveillance », affirme Nathalie Maréchal, responsable principale de la politique et des partenariats chez Ranking Digital Rights, une organisation qui œuvre à la promotion de la liberté d’expression et de la vie privée sur l’internet.

Les autorités américaines haussent le ton

Bien sûr, la législation doit encore passer par de nombreuses étapes et il n’est pas certain qu’elle soit finalement adoptée. Si c’est le cas cependant, elle habiliterait la Federal Trade Commission (FTC) et les procureurs généraux des États à faire respecter les violations, avec des amendes pouvant atteindre 5 000 dollars par incident en cas de violation délibérée. Le Banning Surveillance Advertising Act démontre l’ambition des autorités américaines qui semblent, plus que jamais, vouloir réguler de façon bien plus stricte leurs géants technologiques.