AT&T et Verizon ont enfin commencé à déployer la 5G aux États-Unis le 19 janvier après plusieurs reports. Ces derniers ont été motivés par les inquiétudes de la Federal Aviation Administration (FAA) et des compagnies aériennes sur le risque d’interférence de la 5G avec des appareils critiques à bord des avions, à proximité des aéroports. Les deux opérateurs ont accepté le 18 janvier de ne pas activer les antennes à moins de 3,2km des pistes d’atterrissage.

La 5G, terreur des altimètres…

Les craintes des professionnels de l’aviation concernent les radioaltimètres, utilisés pour déterminer la distance du sol vis-à-vis de l’avion. Un outil critique pour les phases d’atterrissage lorsque la visibilité est réduite. Pour fonctionner ils utilisent la bande fréquence de 4,2 GHz à 4,4 GHz, très proche de celle de la 5G, entre 3,7 GHz et 3,98 GHz, d’où les questions sur d’éventuelles interférences.

Ces doutes et leurs conséquences ont engendré depuis plusieurs semaines un conflit aux États-Unis entre les professionnels de l’aviation et ceux des télécommunications. Pour les premiers le risque de la 5G est réel, pour les seconds, y compris pour la Federal Communications Commission (FCC), il est minime.

La FAA a publié début janvier une liste de près d’une centaine d’aéroports, parmi les plus importants du pays, où les risques d’interférences ont été considérés comme sérieux. Le 5 janvier, le déploiement de la 5G a été repoussé de 15 jours, après l’avoir déjà été d’un mois.

Ce délai devait permettre à l’agence d’identifier les altimètres les plus susceptibles d’être victimes d’interférences pour réduire la liste des aéroports où la 5G a été jugée indésirable. Il existe une grande variété de ces appareils et les tester un à un est un travail fastidieux.

Un avion comme le Boeing 787, cité en exemple par le New York Times, est particulièrement exposé à de possibles dysfonctionnements de son altimètre. C’est l’altimètre qui gère automatiquement les propulseurs inversés utilisés pour ralentir un avion une fois qu’il a touché le sol. D’autres systèmes de freinage existent, mais si les propulseurs inversés ne s’activent pas, l’appareil a toutes les chances de ne pas s’arrêter avant la fin de la piste.

La FAA tente de limiter la casse pour un secteur aérien déjà laminé par le Covid

Le 16 janvier la FAA a communiqué l’approbation de deux modèles d’altimètres, « Cette combinaison d’approbation de l’avion et de l’altimètre ouvre des pistes dans pas moins de 48 des 88 aéroports les plus directement touchés par les interférences de la bande C de la 5G ». Ces nouvelles approbations couvraient environ 45% de la flotte commerciale américaine.

Insuffisant pour certaines compagnies aériennes. Emirates a annoncé que ses avions ne desserviraient pas neuf villes américaines. Air India, Japan Airlines et All Nippon Airways ont annoncé qu’ils suspendaient les vols de Boeing 777 sur les conseils du constructeur. Ils sont revenus sur leurs décisions le 19 janvier, lorsque la FAA a approuvé le 777 rapporte The Verge. Actuellement, 62% de la flotte commerciale américaine est apte à atterrir en situation de visibilité réduite.

AT&T et Verizon fous de rage

Une décision facilitée par celle des opérateurs la veille de ne pas activer les antennes 5G à proximité des pistes. Non sans un certain mauvais esprit. AT&T et Verizon sont extrêmement remontés d’avoir dû différer le déploiement de la 5G. L’achat des fréquences leur avait coûté 80 milliards de dollars en février 2021.

AT&T a déclaré à The Wired, « nous avons volontairement accepté de reporter temporairement l’allumage d’un nombre limité de tours autour de certaines pistes d’aéroport alors que nous continuons à travailler avec l’industrie de l’aviation et la FAA pour fournir de plus amples informations sur notre déploiement 5G, car ils n’ont pas utilisé les deux années dont ils disposaient pour planifier de manière responsable ce déploiement ».

Verizon a publié un communiqué dans la même veine, accusant la FAA et les compagnies aériennes d’avoir été incapables « de résoudre la problématique de la 5G autour des aéroports alors même qu’elle a été déployée de façon sûre et efficace dans plus de quarante autres pays ».

Le danger de la 5G pour les avions connus de longue date

En France c’est pourtant sur la base d’une étude américaine, de l’association Radio Technical Commission for Aeronautics, que le problème a été soulevé dès décembre 2020. La direction générale de l’aviation civile a indiqué au Monde que « des zones de protection ont été mises en place autour de dix-sept grands aéroports français afin de limiter la puissance d’émission des antennes 5G à proximité immédiate de ceux-ci ».

En réalité, la FAA a fait part de ses inquiétudes à l’administration Trump à la même période. La demande de repousser la mise aux enchères des fréquences 5G avait été approuvée à l’époque. Les rivalités entre agences ont ensuite entraîné la situation dans laquelle se trouvent les États-Unis aujourd’hui, rapporte le New York Times.

Joe Biden a salué en personne la décision prise par les opérateurs, « Cet accord évitera des perturbations potentiellement dévastatrices pour le transport des passagers, les opérations de fret et notre reprise économique, tout en permettant à plus de 90 % du déploiement des relais de se produire comme prévu ».

Qui va payer la facture ?

La question d’un règlement définitif de la question reste en suspens. La mise à jour des normes de l’industrie prendra du temps, les nouveaux altimètres ne sont pas attendus avant octobre. Leur installation dans l’ensemble de la flotte américaine coûtera des milliards de dollars. Une facture que personne ne semble prêt à régler.

Des négociations vont être menées entre les compagnies aériennes et la FAA d’une part et les opérateurs et la FCC de l’autre. La solution d’une zone tampon sans ou avec une 5G limitée de 3,2 km autour des pistes les plus sensibles pourrait être pérennisée.