Les autorités américaines enquêtent actuellement sur les activités de cloud computing d’Alibaba. Si elles parviennent à la conclusion que le géant chinois pose un risque pour la sécurité nationale du pays, elles pourraient interdire les Américains d’avoir recours à son service cloud.

Une méfiance qui ne date pas d’hier

C’est un petit comité relié au département du Commerce qui examine le dossier. Baptisé Office of Intelligence and Security, il a été créé sous l’administration Trump pour exercer de nouveaux pouvoirs étendus afin d’interdire ou de restreindre les transactions entre les entreprises américaines et les sociétés Internet, de télécommunications et de technologie des pays dits « adversaires étrangers » comme la Chine, la Russie, Cuba, l’Iran, la Corée du Nord et le Venezuela, rapporte l’agence de presse Reuters.

L’enquête sur la division cloud d’Alibaba a néanmoins été lancée sous l’impulsion de l’administration Biden peu de temps après la prise de fonction du démocrate. L’investigation s’intéresse particulièrement sur la manière dont la société stocke les données de ses clients américains, y compris leurs informations personnelles et la propriété intellectuelle, ainsi que sur la possibilité pour le gouvernement chinois d’y avoir accès.

Par ailleurs, les enquêteurs souhaitent savoir si Pékin est en mesure d’empêcher les clients américains d’Alibaba d’accéder à leurs données. Cette méfiance de la part de la Maison Blanche à l’encontre de la firme fondée par Jack Ma n’est pas nouvelle : en 2020, l’administration Trump a émis un avertissement contre les fournisseurs cloud chinois visant à « empêcher que les informations personnelles les plus sensibles des citoyens américains et la propriété intellectuelle la plus précieuse de nos entreprises… soient stockées et traitées sur des systèmes basés sur le cloud accessibles à nos adversaires étrangers ».

Comme il l’a démontré depuis son arrivée au pouvoir, Joe Biden est dans la lignée de son prédécesseur concernant sa politique à l’encontre de la Chine, cette enquête n’est donc pas vraiment surprenante.

Deux drapeaux américains devant un monument.

Depuis 2019, les États-Unis scrutent de très près les grosses entreprises venues de Chine. Photographie : Caleb Fisher / Unsplash

Les activités cloud d’Alibaba sont, actuellement, très prometteuses

Si Alibaba est davantage connue dans le secteur de l’e-commerce, le géant chinois veut également avoir sa carte à jouer dans le domaine du cloud computing, qui a énormément gagné en popularité depuis 2020 et la pandémie de Covid-19. Cette même année d’ailleurs, l’entreprise annonçait un investissement de 18 milliards de dollars dans le cloud jusqu’à 2023.

Alibaba avait de grandes ambitions aux États-Unis pour son service cloud. En 2015, elle a lancé un hub informatique dédié à cette technologie dans la Silicon Valley avec l’envie de venir concurrencer les gros noms américains du secteur. Des centres de données supplémentaires ont ensuite été ajoutés en Californie puis en Virginie. L’arrivée de Trump au pouvoir a cependant rebattu les cartes ; face à la menace, Alibaba a largement réduit ses activités outre-Atlantique.

Aujourd’hui, les activités cloud d’Alibaba aux États-Unis sont minimes avec un revenu annuel d’environ 50 millions de dollars. À l’échelle mondiale toutefois, l’entreprise est le quatrième fournisseur cloud après les trois géants américains que sont Amazon Web Services, Microsoft et Google. La firme chinoise compte près de 4 millions de clients, et considère le cloud computing comme sa deuxième activité la plus prometteuse après le commerce en ligne. Sa division cloud a ainsi vu ses revenus augmenter de 50 % pour atteindre 9,2 milliards de dollars en 2020.

Alibaba, bientôt une nouvelle victime de la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis ?

Si les autorités américaines décident de sévir, elles pourraient le faire de différentes manières : soit en demandant aux entreprises collaborant avec Alibaba de prendre des mesures afin de réduire les risques posés par cette dernière, soit de façon bien plus brutale, en interdisant purement et simplement aux Américains, dans leur pays et à l’étranger, d’utiliser ce service.

Si cette dernière option est choisie, alors Alibaba serait probablement placée sur la fameuse liste noire, où de nombreuses entreprises chinoises sont inscrites, à l’instar de Huawei, les empêchant de faire des affaires avec n’importe quelle firme américaine. La Maison Blanche peut aussi s’y prendre autrement. Le mois dernier, le gouvernement américain a par exemple imposé des restrictions en matière d’investissement et d’exportation à des dizaines d’entreprises chinoises, dont le fabricant de drones DJI, en les accusant d’être complices de l’oppression de la minorité ouïghoure de Chine ou d’aider l’armée.

Une telle mesure à l’encontre des activités cloud d’Alibaba lui porterait hautement préjudice, notamment pour sa réputation. Par ailleurs, la firme s’est vantée d’entretenir des relations commerciales avec des géants américains comme IBM et Ford, ces dernières en seraient fortement affectées. En prenant compte du climat géopolitique actuel entre la Chine et les États-Unis, qui se vouent une guerre commerciale sans merci depuis 2019, les Américains pourraient frapper un grand coup en sanctionnant Alibaba, l’une des entreprises les plus puissantes de l’Empire du Milieu, mais également du monde entier.