Huit entreprises et organisations américaines liées au monde de la Tech ont demandé le 22 décembre à Gina Raimondo, secrétaire au Commerce des États-Unis, une entrevue début 2022. Elles souhaitent défendre le Digital Services Act et le Digital Markets Act, suite à ses propos ambigus sur les deux textes au début du mois, repérés par Reuters.

Gina Raimondo sur le ring contre Thierry Breton et huit entreprises américaines

Le ton de la lettre transmise à la secrétaire au Commerce par Yelp, News Media Alliance, REX, Patreon et d’autres, est ferme, « Nous espérons qu’à l’avenir, vous vous efforcerez de promouvoir les intérêts de toutes les entreprises américaines et des consommateurs américains lors de vos échanges avec nos partenaires transatlantiques ».

À l’origine de ce courroux, une déclaration du 8 décembre de Gina Raimondo à propos du DMA et du DSA. Elle avait déclaré que les États-Unis surveillaient de près les deux textes européens, « Nous craignons sérieusement que ces propositions aient un impact disproportionné sur les entreprises technologiques américaines et sur leur capacité à servir correctement les clients de l’UE et à respecter les normes de sécurité et de confidentialité ».


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Des propos fraîchement accueillis par Thierry Breton, commissaire européen chargé du marché intérieur. Tandis que le DMA et le DSA approchent de la fin du processus législatif européen, Thierry Breton a déclaré au Financial Times à la mi-décembre, « Nous n’avons donc pas besoin d’un lobbying supplémentaire ».

Le Commissaire européen a ajouté, « Je ne veux pas interférer dans ce qui se passe aux États-Unis et je pense qu’il est juste de ne pas interférer dans ce qui se passe en Europe ». Il a par ailleurs assuré que le DMA et le DSA ne ciblaient pas spécifiquement les entreprises américaines, une inquiétude déjà exprimée par le Conseil national de la sécurité des États-Unis en juin.

Le DMA et le DSA sont aussi applaudis aux États-Unis

Pour rappel, le DSA vise à surveiller la modération et les algorithmes des plus gros acteurs du marché. Le DMA doit permettre de garder à l’œil le comportement de ces « Gatekeepers », ces entreprises Tech si puissantes qu’elles peuvent bloquer l’accès au marché à d’autres, plus petites.

L’Union européenne s’est trouvé des alliés de choix dans cette montée en tension avec les États-Unis via les auteurs de la missive adressée à la secrétaire au Commerce. Dans la lettre ils expliquent « Les entreprises américaines ont, à plusieurs reprises, fait part de leurs inquiétudes quant au comportement anticoncurrentiel de ces plateformes internet dominantes ». Elles rapportent avoir fourni elles-mêmes des preuves aux législateurs européens sur les attitudes néfastes des géants de la Tech.

Gina Raimondo avait mis de l’eau dans son vin dès le 17 décembre. Par le biais d’un communiqué elle a répété, ce qu’elle avait déjà exprimé en début de mois, soutenir les objectifs de la législation européenne.

L’habituelle dissonance américaine sur ses géants du numérique

Les positions de la secrétaire au Commerce traduisent une ambivalence classique aux États-Unis vis-à-vis des géants de la Tech : entre protéger un patrimoine national, les principaux acteurs du softpower américain du XXIe siècle, et se préserver des conséquences néfastes de plateformes numériques toutes-puissantes.

Déjà l’administration Trump s’était violemment érigée contre la taxe GAFA française en 2020 alors même que le président Donald Trump vouait aux gémonies la Silicon Valley.

L’administration Biden, de son côté, a pris des décrets pour une surveillance plus accrue des acquisitions des GAFAM, le Congrès élabore plusieurs lois contre leur influence, la FTC et sa directrice Lina Khan réfléchissent à les démanteler… Et pourtant, à l’extérieur, les mesures prises contre les entreprises américaines inquiètent Washington.

La secrétaire au Commerce a indiqué que la surveillance évoquée était un processus habituel aux États-Unis, afin de s’assurer du traitement non discriminatoire des entreprises du pays par les législations étrangères. Explication insuffisante, manifestement, pour les huit entreprises américaines qui espèrent maintenant rencontrer Gina Raimondo la semaine du 10 au 14 janvier.