SenseTime, entreprise chinoise spécialisée dans l’intelligence artificielle et la reconnaissance faciale, a été contrainte de suspendre son introduction à la bourse de Hong Kong après que l’administration l’ait ajoutée à une liste noire empêchant les investisseurs américains d’acheter ses actions.

Un mastodonte de la reconnaissance faciale

Fondée en 2014, SenseTime fait partie des quatre dragons chinois en matière d’intelligence artificielle aux côtés de Megvii, CloudWalk et Yitu. Elle est l’une des startups de reconnaissance faciale les plus valorisées au monde, et vend notamment des logiciels utilisés par les gouvernements et les entreprises pour des applications dans les villes intelligentes, la surveillance ou encore la conduite autonome.

Ce vendredi 10 décembre, la firme était censée fixer le prix de ses actions à la bourse de Hong Kong afin que les négociations démarrent la semaine suivante, explique le Wall Street Journal. Durant cette même journée toutefois, le département du Trésor des États-Unis a ajouté SenseTime à la liste noire des « entreprises du complexe militaro-industriel chinois ». Résultat : les investisseurs américains ont interdiction d’acheter ses actions.

En réponse, la firme a décidé de reporter son IPO et publiera un prospectus supplémentaire avec un nouveau calendrier de cotation afin de « préserver les intérêts » de ses investisseurs potentiels.

Dans le viseur des États-Unis depuis 2019

Selon l’administration Biden, SenseTime « a mis au point des programmes de reconnaissance faciale capables de déterminer l’appartenance ethnique d’une cible, en s’attachant particulièrement à identifier les Ouïghours de souche », la minorité musulmane subissant une forte oppression de la part des autorités chinoises.

En juin 2021, le gouvernement américain avait déjà pris des mesures pour interdire les investissements des entreprises de son pays dans les technologies de surveillance chinoises, faisant passer les sociétés soumises à des restrictions de 48 à 59, SenseTime fait désormais partie de cette liste noire.

Des caméras de vidéosurveillance.

SenseTime est l’une des startups spécialisées dans la reconnaissance faciale les plus valorisées au monde. Photographie : Lianhao Qu / Unsplash

Ce n’est pas la première fois que la firme est la cible des autorités américaines : en 2019, elle était également blacklistée car elle « jouait un rôle dans la mise en œuvre d’une campagne de répression, de détention arbitraire ou encore de surveillance de haute technologie menée par la Chine », l’empêchant de travailler ou de s’approvisionner auprès de fournisseurs américains.

Sanctions sous fond de guerre commerciale

De son côté, SenseTime s’en prend directement à cette décision : « Nous nous opposons fermement à la désignation et aux accusations qui ont été faites à ce sujet. Les accusations sont sans fondement et reflètent une perception fondamentalement erronée de notre entreprise. Nous regrettons d’avoir été pris au milieu de tensions géopolitiques ».

SenseTime n’est pas la première entreprise chinoise à voir son IPO échouer à cause des conflits commerciaux qui opposent la Chine et les États-Unis. Récemment, Didi Chuxing s’est officiellement retirée de la bourse de New York après de vives pressions exercées par Pékin, qui n’a visiblement plus besoin des investisseurs américains pour que ses entreprises prospèrent. Si le cas de SenseTime est différent, il démontre que la Maison Blanche continue dans la lignée de Donald Trump en sanctionnant les entreprises venues de l’Empire du Milieu soupçonnées de collaborer avec leur gouvernement.