Ubisoft a annoncé le lancement d’une nouvelle plateforme en version bêta jeudi 9 décembre, baptisée Ubisoft Quartz. Les joueurs peuvent s’y procurer des NFT, traçables grâce à la blockchain Tezos. Les jetons non fongibles ne pourront être utilisés que dans la version Ubisoft Connect PC de Tom Clancy’s Ghost Recon Breakpoint. Cette nouveauté démontre l’attractivité des NFT, qui attirent de plus en plus d’entreprises et de studios de jeux vidéo.

Une première pour un jeu Triple A

Les NFT sont des actifs – ou objets – numériques, dont la certification et la traçabilité sont garanties et encadrées par la technologie de la blockchain. Le studio français va donc en proposer au sein de l’une de ses productions phares : Tom Clancy’s Ghost Recon Breakpoint, sorti en 2019. Ces objets vont être lancés dans une dizaine de pays, dont la France, l’Allemagne et les États-Unis. Une première pour un jeu « Triple A », c’est-à-dire haut de gamme avec un budget conséquent (plusieurs dizaines de millions d’euros).

Concrètement, l’entreprise a officialisé Ubisoft Quartz, une plateforme qui repose sur la blockchain Tezos, et permet aux joueurs d’acquérir gratuitement des NFT qu’Ubisoft nomme Digits. « Les Digits sont une nouvelle façon de personnaliser l’expérience à travers des éléments cosmétiques du jeu », explique Ubisoft dans un communiqué (pdf).

Ces objets virtuels ne pourront être utilisés que sur la version PC de Tom Clancy’s Ghost Recon Breakpoint. Pour le mois de décembre, trois NFT seront proposés : un casque, un fusil, et un pantalon. Comme souvent, ils seront disponibles en édition limitée et auront un unique numéro de série, visible dans le jeu.

Toutefois, leur gratuité ne les rend pas facilement accessibles pour autant. Tout d’abord, l’accès à ces objets est conditionné au temps de jeu des joueurs, pour donner un accès privilégié aux plus fidèles. Cela signifie que pour obtenir le fusil tactique, il faudra atteindre le niveau 5, équivalent à 2 heures de jeu. Le pantalon est ainsi accessible à partir de 100 heures de jeu, et 600 heures pour le casque. Ensuite, pour accéder à la plateforme Ubisoft Quartz, les utilisateurs doivent avoir un compte Ubisoft, et surtout être majeurs.

Il est également possible de revendre ces Digits sur un second marché, accessible via les deux places de marchés Objkt et Rarible, en échange de Tezos.

Ubisoft vante une consommation « égale à celle d’une base de données classique »

Le choix d’Ubisoft d’utiliser Tezos, alors que la blockchain Ethereum est généralement celle qui est utilisée, n’est pas un hasard. Il est motivé par le fait que Tezos serait plus écologique car plus économe en énergie, que Ethereum, parce qu’elle utilise la preuve d’enjeu pour les transactions. Ces termes désignent une méthode différente de la preuve de travail, aussi appelée minage. Miner de la cryptomonnaie est extrêmement énergivore. Selon l’Hamilton Institut (pdf) et l’Université nationale d’Irlande Maynooth, le minage de Bitcoin consomme autant d’électricité par an que l’Irlande. Le Kazakhstan, deuxième pays en ce qui concerne le nombre de fermes de minage, doit même faire face à une pénurie d’énergie à cause de cette technique.

C’est aussi ce qui a motivé la Suède à demander à l’Union Européenne de bannir le minage. De son côté, la preuve d’enjeu peut être décrite comme un minage virtuel, qui ne nécessite donc pas d’acheter des ordinateurs et de les faire fonctionner pour produire des blocs. À première vue, elle est donc plus écologique que le minage, sa consommation étant « égale à celle d’une base de données classique », selon Ubisoft. L’éditeur en fait ici un argument marketing, et a sans surprise annoncé qu’il communiquerait lui-même sur l’impact environnemental de cette technique.

Ubisoft Quartz n’est pas pour autant bien accueillie par la communauté de gamers. Pourtant, les promesses ne manquent pas. Ubisoft affirme par exemple que ces objets virtuels seront utilisables « en dehors de son écosystème ». Cela donnerait aux joueurs la possibilité de monétiser leur temps de jeu, en revendant les Digits obtenus. Seulement, la vidéo de l’annonce, disponible sur YouTube, recueille un grand nombre de commentaires négatifs. La principale crainte est celle d’assister à la transformation du monde du jeu vidéo en un gigantesque marché où les utilisateurs jouent pour gagner de l’argent et non plus pour se divertir.

Les NFT, un premier pas vers « le développement d’un véritable métavers »

« Nos recherches nous ont amenés à comprendre comment l’approche décentralisée de la blockchain pouvait faire des joueurs des acteurs à part entière de leur expérience virtuelle, en leur redonnant le contrôle sur la valeur qu’ils créent à travers le temps qu’ils passent en jeu, les objets qu’ils y achètent ou leur contribution », justifie Nicolas Pouard, vice-président du Lab d’Innovation Stratégique d’Ubisoft.

Ubisoft Quartz démontre dans tous les cas que les NFT gagnent en popularité, et attirent. Electronics Arts envisage également d’en intégrer à son bestseller Fifa. Louis Vuitton a lancé de son côté un jeu vidéo le 4 août sur IOS et Android, avec des NFT intégrés. De grandes entreprises se lancent aussi dans ce nouveau secteur, qui a bénéficié des coups de projecteurs sur les métavers. Les jetons non fongibles devraient en effet être l’un des piliers de ces univers virtuels.

Pour Nicolas Pouard, Quartz ne représente justement que le début de la construction d’un métavers. Il s’agit de « la première étape de notre vision ambitieuse pour le développement d’un véritable métavers. Une vision qui nous a poussés à dépasser les limitations inhérentes aux blockchains de première génération, notamment en matière de scalabilité et de consommation d’énergie ».