Dans le cadre d’un litige opposant l’État belge à l’éditeur de logiciels Top Systems, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a rendu un arrêt réaffirmant le droit à décompiler un programme afin d’en corriger un bug.

La décompilation avant le prononcement de l’arrêt par la CJUE

La décompilation consiste à générer à partir d’un logiciel des lignes de code presque comme si elles avaient été écrites par le développeur lui-même. Cela permet d’en comprendre les secrets et de les copier si on le souhaite. C’est pour éviter cela que de nombreuses entreprises ne mettent pas à disposition le code informatique derrière leurs logiciels ou leurs innovations, pour éviter que d’autres concurrents puissent les utiliser.

Avec la directive Software, un logiciel, tout comme une œuvre littéraire ou musicale, ne peut pas faire l’objet d’altération, de plagiat ou d’abus. La directive donne des droits exclusifs à la société qui a développé le logiciel : elle peut copier son programme, l’adapter, le traduire, l’arranger ou l’altérer à sa guise. Pour le client, les possibilités sont toutes autres : il peut observer, étudier, tester le fonctionnement d’un programme pour comprendre comment il marche et mieux saisir ses principes sous-jacents. L’étape suivante à cela est la décompilation qui vise à percer les secrets du code. La directive via son article 6 interdit sa mise en place pour tout client.

Un arrêt proposé par la CJUE basé sur l’article 5 de la directive software

Le 6 octobre, un arrêt proposé par la CJUE a été rendu dans le cadre du litige opposant Selor, l’organisme qui organise les recrutements de l’administration fédérale belge, à Top Systems. Ce dernier étant son fournisseur informatique, il a porté plainte contre le Selor, car l’organisme avait décompilé les programmes qu’il lui avait fournis. Le Selor n’a pas nié les faits, mais a expliqué qu’il avait mis en place ce processus afin de désactiver certaines fonctionnalités du programme qui l’empêchait de fonctionner.

La cour a alors affirmé que la décompilation, c’est une forme d’altération du code. En ce sens, la décompilation est du ressort exclusif de la société qui a la propriété intellectuelle du logiciel. Toutefois, tout réside dans l’interprétation de l’article 5, paragraphe 1 de la directive Software : « Sauf dispositions contractuelles spécifiques, ne sont pas soumis à l’autorisation du titulaire les actes prévus à l’article 4 points a) et b) lorsque ces actes sont nécessaires pour permettre à l’acquéreur légitime d’utiliser le programme d’ordinateur d’une manière conforme à sa destination, y compris pour corriger des erreurs. »

Ainsi, la CJUE a considéré que l’altération était déjà autorisée pour corriger une erreur via cet article 5, ce qui donne gain de cause à Selor également, puisqu’il pouvait compiler dans ce cas précis pour corriger le bug. Le principe d’interprétation stricte de la loi pénale a été utilisé afin de juger du droit de décompiler ou non dans le cadre de la correction d’un bug. Avec cet arrêt, il sera bien plus difficile pour les éditeurs d’intervenir dans la décompilation de leurs programmes si celui-ci contient un bug avéré qui empêche le fonctionnement correct du programme. L’arrêt prononcé fait donc jurisprudence à l’avenir sur toute requête concernant ce processus.