Depuis maintenant plus de quatre ans, des négociations étaient menées afin d’instaurer une taxation des multinationales spécialisées dans le numérique. Cet accord sur la fiscalité internationale est en passe de devenir une réalité pour 136 pays. En effet, l’ensemble de ces nations se sont mises d’accord pour imposer une taxation minimale à 15 %. C’est lors du sommet du G20 qui se déroulera à Rome les 30 et 31 octobre prochains que cet accord devrait être finalisé.

Quatre ans de négociations aboutissant à un accord historique

« Enfin, les géants du numérique vont payer leurs justes parts d’impôts dans les pays, dont la France, dans lesquels ils font des profits. Enfin, nous pourrons lutter avec plus d’efficacité contre l’optimisation fiscale grâce à un impôt minimal dont le taux a été fixé à 15% » s’est réjoui Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, le 8 octobre 2021. Il précise également que « c’est un point final à quatre ans de négociations intenses ».

Cet accord inédit à l’échelle international a été approuvé par 136 pays, même l’Irlande, connue pour accueillir les sièges européens de grandes entreprises comme Google, Facebook, Microsoft, ou Apple. Toutes ces nations sont réunies sous l’égide de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dont le secrétaire général, Mathias Corman, affirme que « cet accord ambitieux garantit que notre système fiscal international est adapté aux réalités de l’économie numérique et mondialisée d’aujourd’hui ».

Sur les 140 pays réunis, quatre n’ont pas rejoint l’accord : le Pakistan, le Sri Lanka, le Kenya et le Nigéria. Parmi les signataires, on retrouve l’ensemble des pays de l’Union Européenne, mais aussi l’Inde, la Chine, et les États-Unis.

Un accord composé de deux nouvelles règles

Cet accord se structure en deux points. Le premier touche toutes les entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 20 milliards d’euros et dont la rentabilité est supérieure à 10 %. Pour ces multinationales, la règle sera la suivante : 25 % des bénéfices au-delà du seuil de 10 % seront attribués aux pays dans lesquels elles opèrent. L’objectif est d’éviter que ces mastodontes puissent réaliser d’importants bénéfices dans un pays sans y payer d’impôts importants.

Le second point concerne l’imposition mondiale sur les sociétés de minimum 15 %. Toute entreprise réalisant un chiffre d’affaires d’au moins 750 millions d’euros y sera assujettie. L’introduction de cette taxe devrait générer environ 130 milliards d’euros de recettes fiscales supplémentaires par an et à l’échelle mondiale. En France, on estime que 5,9 milliards d’euros rentreraient dans les caisses de l’État.

Si les détails techniques liés au champ d’application et à l’assiette de taxation sont encore débattus, le texte devrait ressembler à celui proposé en juillet 2021. Les 136 pays prévoient de signer une convention multilatérale durant l’année 2022 pour une mise en application pour 2023. Au sein de l’UE, l’accord devrait être adopté puis appliqué pour la même année.

Une taxe insuffisante et mal pensée selon plusieurs experts et organismes

Dans un communiqué, OXFAM France, une ONG luttant contre les inégalités partout dans le monde, n’a pas hésité à critiquer cet accord en précisant que le taux de 15 % initialement évoqué est insuffisant. Le groupe de haut niveau sur la responsabilité, la transparence et l’intégrité financière internationale (FACTI Panal) appelle à un taux compris entre 20 et 30 %, bien loin de celui proposé actuellement.

Quentin Parrinello, responsable plaidoyer au sein d’OXFAM France évoque « un accord au rabais qui ne permettra pas de mettre un terme à l’évasion fiscale des multinationales ni aux paradis fiscaux, la faute à de multiples exonérations, renforcées durant les dernières heures de négociations sous la pression de paradis fiscaux comme l’Irlande. »

Daniel Bunn, responsable des projets internationaux à la Tax Foundation s’inquiète pour les pays en développement et déplore un accord qui profitera uniquement aux pays occidentaux auprès de l’AFP. « Les États-Unis et l’Europe vont essentiellement en bénéficier. Les multinationales y abritent leurs sièges sociaux et la plupart de leurs clients », précise-t-il.